Vu la requête, enregistrée le 19 juin 2003, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER représenté par son président en exercice dûment habilité par une délibération en date du 27 avril 2005 par la SCP X..., Le Targat, Geler ; le CENTRE HOSPITALIER demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 9704111 en date du 10 avril 2003, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier l'a déclaré responsable des conséquences dommageables, sur le fondement de la responsabilité sans faute, de l'intervention pratiquée le
2 septembre 1993 et de rejeter la demande présentée par les époux Y... ;
2°) à titre subsidiaire, de réduire les indemnités allouées par le tribunal ;
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Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2005 :
- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur ;
- les observations de Me X... pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER ;
- les observations de Me B... pour la caisse de mutualité sociale agricole des Pyrénées-Orientales ;
- les observations de Me A... substituant Me Z... pour C... ;
- et les conclusions de M. Trottier, commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'enfant des époux Y... a été hospitalisé à l'âge de six mois au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER pour une coarctation aortique sévère avec dysfonction cardiaque et a subi le 2 septembre 1993 une cure de coarctation de l'aorte isthmique par la technique de Waldausen par thoracotomie gauche ; que les suites opératoires ont été marquées par une complication majeure à type de paraplégie due à une ischémie médullaire ;
Sur la responsabilité sans faute :
Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et qu'aucune raison ne permet de penser que le patient y serait particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du malade comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'enfant Y... présentait lors de son admission au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER une coarctation aortique isthmique très sévère qui se manifestait essentiellement par une cardiomyopathie hypokinétique avec insuffisance mitrale importante ; que, suite à l'intervention nécessaire qu'elle a subie le 2 septembre 1993, l'enfant est atteinte de séquelles d'une extrême gravité qui se manifestent par une paraplégie flasque définitive des deux membres inférieurs, lui interdisant toute marche autonome, qui s'accompagnent de lésions orthopédiques et de lésions sphinctériennes vésicale et rectale ; qu'il résulte également de l'instruction que l'état de santé de la fille des époux Y... nécessite et nécessitera de manière permanente le recours à une tierce personne ; que les causes de la paralysie totale avec troubles associés résultent de la diminution de la circulation sanguine au niveau de la moelle dorsale, encore appelée ischémie, durant la durée normale du clampage aortique lors de l'intervention chirurgicale ; qu'aucune raison ne permettait de penser que la jeune patiente pouvait être particulièrement exposée audit risque que comportait l'opération et qui s'est en l'espèce réalisé dès lors que l'expert indique dans son rapport qu'aucune précaution opératoire particulière n'était à prendre en vue d'éviter une paraplégie chez un bébé de six mois qui présente des pouls fémoraux faiblement perçus et un gradient de pression de 65 à 70 mmHg au niveau de l'isthme aortique ; qu'ainsi le risque de cette complication, au cas d'espèce, était inférieur au taux de 0,4 % rapporté par la littérature médicale ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Montpellier l'a déclaré responsable des conséquences dommageables résultant de l'intervention du 2 septembre 1993 sur le fondement de la responsabilité sans faute ;
Sur les conclusions présentées par la Caisse de mutualité sociale agricole des Pyrénées :
Considérant que la caisse de mutualité sociale agricole demande à la Cour de condamner le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER à lui payer une somme de 89 753,58 euros au titre des prestations servies pour la période du 1er janvier 1998 à février 2004 ; que toutefois, les pièces produites pour la première fois en appel, compte tenu de leur imprécision quant à la nature des dépenses, ne permettent pas de déterminer si les sommes dont elle demande le remboursement sont en relation avec les complications dont s'agit ; que, par suite, les conclusions de la caisse doivent être rejetées pour défaut de justification ;
Sur les conclusions incidentes de C... :
En ce qui concerne le préjudice personnel des époux Y... :
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en accordant une somme de
30 000 euros aux époux Y... au titre de leur préjudice matériel et une somme de
16 000 euros à chacun d'entre eux au titre de leur préjudice moral, le tribunal ait insuffisamment indemnisé leur préjudice personnel ; que, par suite, la demande présentée par
C... tendant à obtenir une somme de 45 734,71 euros pour chacun d'entre eux doit être rejetée ;
En ce qui concerne la demande tendant à obtenir une rente mensuelle de 2 134 euros pour leur enfant :
Considérant que les premiers juges ont accordé à C..., en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure jusqu'à l'âge de sa majorité, une rente mensuelle d'un montant de 2 268 euros servie rétroactivement à compter du 3 septembre 1993 destinée à réparer le préjudice de l'enfant évalué à la somme de 407 000 euros né du taux d'invalidité permanente partielle de 70 %, des souffrances endurées évaluées à 6 sur une échelle de 7, des troubles dans ses conditions d'existence et de la nécessité de l'aide d'une tierce personne à domicile ; que les premiers juges ont également précisé que le montant de cette rente serait indexé par application des coefficients de revalorisation prévus à l'article L.434-17 du code de la sécurité sociale ; que, par suite, les parents de la jeune victime ne sont pas fondés à demander une rente mensuelle provisoire de 2 134 euros pour le compte de leur enfant au titre de l'assistance de celle-ci ;
En ce qui concerne le préjudice de l'enfant des époux Y... :
Considérant que par le jugement contesté, le tribunal a, comme il a été rappelé ci-dessus, accordé aux parents de la jeune victime mineure une somme de 407 000 euros sous forme d'une rente mensuelle de 2 268 euros au titre du préjudice subi par leur enfant ; que cette indemnité répare le taux d'invalidité permanente partielle de leur fille fixé à 70 %, les souffrances qu'elle a endurées évaluées à 6 sur une échelle de 7, les troubles dans ses conditions d'existence et la nécessité du recours à une tierce personne à domicile ; que le tribunal a condamné le centre hospitalier à verser cette rente mensuelle à C..., représentants légaux de leur fille mineure, à compter du 3 septembre 1993 jusqu'à l'âge de la majorité de leur fille et que l'enfant devenu majeur sollicitera alors la fixation de son préjudice définitif ; que, par suite, les parents Y... ont été indemnisés en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure du préjudice de celle-ci par l'octroi d'une rente mensuelle ; que, dans la mesure où ils ne soutiennent pas que cette rente réparerait de manière insuffisante le préjudice de leur enfant, ils ne sont pas fondés à demander à la Cour réparation du préjudice propre de leur enfant ; qu'il appartiendra seulement à Melle Y..., lorsqu'elle sera majeure, de revenir devant la juridiction administrative afin qu'il soit statué sur son préjudice définitif ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER à payer à la Caisse de mutualité sociale agricole des Pyrénées la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions du même article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER à payer à
C... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Caisse de mutualité sociale agricole des Pyrénées-Orientales sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions incidentes présentées par les époux Y... sont rejetées.
Article 4 : Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER versera à
C... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER, à C... Philippe, à la Caisse de mutualité sociale agricole des Pyrénées-Orientales et au ministre des solidarités, de la santé et de la famille.
Copie sera adressée à la SCP X... Le Targat Geler, à Me Z..., à la SCP d'avocats B... et au préfet de l'Hérault.
N° 03MA01239 2