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28/04/2005 | FRANCE | N°02MA01822

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 28 avril 2005, 02MA01822


Vu, I, sous le n° 02MA01822, la requête, le mémoire et les pièces, enregistrés les 2 septembre 2002, 17 janvier, 16 juin et 13 août 2003 ainsi que le mémoire en réplique et les pièces produites les 21 et 22 mars 2005, pour Mme Brigitte X, élisant domicile ..., par Me Coubris ; Mme X demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement n° 9901969 en date du 29 mars 2002 en tant que le Tribunal administratif de Nice a déclaré l'Etablissement Français du Sang responsable de son préjudice né de la contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de porter la condamna

tion de l'Etablissement Français du Sang à la somme de 280 914,91 euros, assort...

Vu, I, sous le n° 02MA01822, la requête, le mémoire et les pièces, enregistrés les 2 septembre 2002, 17 janvier, 16 juin et 13 août 2003 ainsi que le mémoire en réplique et les pièces produites les 21 et 22 mars 2005, pour Mme Brigitte X, élisant domicile ..., par Me Coubris ; Mme X demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement n° 9901969 en date du 29 mars 2002 en tant que le Tribunal administratif de Nice a déclaré l'Etablissement Français du Sang responsable de son préjudice né de la contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de porter la condamnation de l'Etablissement Français du Sang à la somme de 280 914,91 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision, en réparation des préjudices entraînés par sa contamination par le virus de l'hépatite C et de juger que les frais exposés par tout organisme social, au-delà de ceux déjà liquidés seraient préalablement à l'action récursoire de celui-ci, incorporés dans l'estimation de son préjudice de droit commun ;

3°) de condamner l'Etablissement Français du Sang à lui payer la somme de 1 525 euros au titre des frais d'instance exposés devant le tribunal administratif et la même somme au titre des frais exposés en appel ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu, II, sous le n° 02MA02183, la requête enregistrée le 4 octobre 2002 pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG dont le siège est 6 rue Alexandre Cabanel à Paris (75015) représenté par son président en exercice, par Me Fructus ; l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9901969 en date du 29 mars 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nice l'a déclaré responsable du préjudice résultant de la contamination de Mme X par le virus de l'hépatite C et l'a condamné à lui payer la somme 9 000 euros outre la somme de 3 457,70 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Var ;

2°) de débouter Mme X et la caisse primaire d'assurance maladie du Var de leurs demandes ;

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Vu la loi du 21 janvier 1952 modifiée par la loi du 2 août 1961 ;

Vu la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle sanitaire des produits destinés à l'homme ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2005 :

- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur ;

- les observations de Me Béraud de la SELARL Baffert Fructus Associés pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ;

- et les conclusions de M. Trottier, commissaire du gouvernement ;

Sur la jonction :

Considérant que la requête enregistrée sous le n° 02M101822 présentée pour Mme Brigitte X et la requête enregistrée sous le n° 02MA02183 présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer sur l'ensemble par un seul arrêt ;

Sur la responsabilité de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG :

Considérant, qu'en vertu de la loi du 21 janvier 1952 modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de contrôle médical des prélèvements sanguins, du traitement, du conditionnement et de la fourniture aux utilisateurs des produits sanguins ; qu'eu égard tant à la mission qui leur est confiée par la loi, qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ;

Considérant qu'en vertu de l'article 18, point B de la loi du 1er juillet 1998 susvisée, l'ensemble des activités exercées par les établissements de transfusion sanguine est transféré à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ; que des conventions conclues en application du même texte, entre, d'une part l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG et, d'autre part, chaque personne morale concernée fixent les conditions dans lesquelles les droits et obligations, créances et dettes liés à ces activités sont, le cas échéant, transférés à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ;

Considérant que, par une convention prenant effet au 1er janvier 2000, les activités de transfusion sanguine du GIP EDTS du Var ont été transférées à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ; que, par suite, l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, doit être regardé non comme un intervenant, mais comme venant purement et simplement aux droits du centre de transfusion sanguine du Var ;

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. ;

Considérant que Mme X a été traitée le 24 octobre 1981 à la clinique Notre Dame à Draguignan pour une rupture de grossesse extra-utérine et qu'elle a souffert d'un hémopéritoine de trois litres ; qu'il n'est pas contesté qu'un examen réalisé le 14 mai 1996 sur sa demande, a mis en évidence sa séropositivité pour le virus de l'hépatite C ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte du rapport de l'expert désigné par le Tribunal administratif de Nice que la contamination de Mme X par le virus de l'hépatite C doit, eu égard à l'absence de risque propre à la victime et à la remontée du chiffre de l'hémoglobine entre la date de l'intervention et le 29 octobre 1981, être imputée à la transfusion de quatre poches de sang de 400ml chacune dont Mme X a fait l'objet le 24 octobre 1981 à la clinique Notre Dame à Draguignan nonobstant le délai écoulé entre la date de la transfusion et la découverte de la contamination ; que, d'autre part, l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que la contamination trouverait son origine dans une autre voie de transmission du virus, notamment nosocomiale, en se bornant à soutenir que la victime a subi une appendicectomie en 1983, une intervention ophtalmologique en 1998 et qu'elle s'est fait percer les oreilles en 1988 ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Nice a considéré comme établi le lien de causalité entre la transfusion et ladite contamination et l'a déclaré responsable des conséquences de l'infection contractée par Mme X ; que si, pour exonérer sa responsabilité pour la contamination de Mme X par le virus de l'hépatite C, l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG fait valoir qu'en l'absence d'indication dans le dossier médical tenu en clinique, il n'est nullement établi que les produits transfusés auraient été élaborés par le centre de transfusion sanguine du Var qui dépendait du centre hospitalier intercommunal de Toulon-La seyne sur Mer, cette circonstance n'est pas de nature à faire échec à la mise en jeu de sa responsabilité, dès lors qu'il ne fournit aucun élément quant à une éventuelle autre provenance et qu'en présence comme co-auteurs éventuels du dommage de personnes privées dont la responsabilité ne peut être recherchée que devant le juge judiciaire, la personne publique doit supporter l'intégralité du préjudice subi, à charge pour elle, si elle s'y croit fondée, de mettre en cause devant le juge compétent la personne qu'elle estime conjointement responsable de la contamination ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice l'a déclaré responsable du préjudice personnel subi par Mme X du fait de la contamination par le virus de l'hépatite C ; que la requête n° 02MA02183 présentée par l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG doit être rejetée ;

Sur la réparation du préjudice de Mme X :

Considérant qu'en demandant en appel que l'indemnisation du préjudice que lui a causé la contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C à laquelle les premiers juges ont procédé en lui allouant la somme de 9 000 euros soit portée à 280 914,91 euros, Mme X fait principalement valoir que le tribunal n'aurait tenu compte ni de son âge, ni de l'importance de sa souffrance ni même des incertitudes de l'évolution de la maladie ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X est porteuse d'une infection chronique par le virus de l'hépatite C qui ne présente aucun signe d'agressivité de l'atteinte hépatique dont les conséquences sur son état de santé apparaissent minimes et ne nécessitent aucun traitement par Interféron ; que si aucune date de consolidation n'a pu toutefois être arrêtée par l'homme de l'art, compte-tenu des possibilités d'évolution de la maladie, les éléments produits par Mme X en appel ne permettent pas d'établir que la somme de 9 000 euros ne réparerait pas suffisamment les troubles de toute nature dans ses conditions d'existence, y compris l'incertitude sur son état de santé futur dès lors qu'elle ne justifie pas, par des résultats d'examens médicaux et notamment des biopsies hépatiques, la présence d'un tel risque plus de vingt ans après la date de contamination par le virus ; qu'ainsi, Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a limité son indemnisation à la somme de 9 000 euros ; que la requête n° 02MA01822 présentée par Mme X doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes n° 02MA01822 et n° 02MA02183 sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Brigitte X, à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, au centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne sur Mer, à la caisse primaire d'assurance maladie du Var et au ministre des solidarités, de la santé et de la famille.

Copie en sera adressée à Me Coubris, à Me Fructus, à Me Depieds et au préfet du Var.

Nos 021822,022183 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02MA01822
Date de la décision : 28/04/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : COUBRIS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-04-28;02ma01822 ?
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