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10/03/2005 | FRANCE | N°01MA00134

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 10 mars 2005, 01MA00134


Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2001 pour la société LOCK LOISIRS dont le siège est Camping l'Estelle, route de Lattes à Perols (34470), représentée par son directeur en exercice, par Me Deleu ; la société LOCK LOISIRS demande à la Cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution et d'annuler le jugement n° 9503398 et 9503399 en date du 30 octobre 2000, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes de décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu au titre de la retenue à la source de l'année 1992 et des pénalités y afférentes

et de décharge des cotisations à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y ...

Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2001 pour la société LOCK LOISIRS dont le siège est Camping l'Estelle, route de Lattes à Perols (34470), représentée par son directeur en exercice, par Me Deleu ; la société LOCK LOISIRS demande à la Cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution et d'annuler le jugement n° 9503398 et 9503399 en date du 30 octobre 2000, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes de décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu au titre de la retenue à la source de l'année 1992 et des pénalités y afférentes et de décharge des cotisations à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes au titre de la même année ;

2°) de la décharger desdites impositions ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 20.000 F au titre des frais d'instance ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

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Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2005,

- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Trottier, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que par une décision en date du 22 novembre 2001 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux du département de l'Hérault, a prononcé un dégrèvement à hauteur de 334.736 F en droits et de 57.741 F en pénalités concernant la retenue à la source mise à la charge de la société requérante ; que les conclusions de la requête de la société LOCK LOISIRS sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la réponse de l'administration aux observations du contribuable ; que, par suite, le jugement entrepris est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

Sur l'abus de droit invoqué par l'administration et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant que selon l'article L 64 du livre des procédures fiscales Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses...b) ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; .... L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. Si elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit ou ne s'est pas rangée à l'avis du comité, il lui appartient d'apporter la preuve du bien-fondé du redressement. ... ; que pour l'application de ces dispositions, il revient au service des impôts d'établir, soit que les actes qu'il entend écarter ont un caractère fictif, soit qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou atténuer les charges fiscales que l'intéressé s'il n'avait pas passé ces actes aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

Considérant qu'il ressort de la lettre d'intention en date du 6 mars 1992 émanant de la société ABI Caravans Limited dont le siège se situe en Angleterre, que la société Lock Leisure Limited était titulaire à cette date d'une créance sur sa filiale, la société LOCK LOISIRS, d'un montant de 5.546.773,99 F et qu'il était envisagé la substitution de la société ABI Caravans à la filiale dans le règlement de sa dette dans la limite d'un million de francs en contrepartie d'un prêt ; que cette même lettre d'intention envisageait l'incorporation au capital de la filiale du solde de sa créance suite à la passation d'un acte avec la société LOCK LOISIRS limitant le paiement de la créance à la somme d'un million de francs ; que, par ailleurs, la société mère prévoyait la cession de la totalité de sa participation dans le capital de la société LOCK LOISIRS, y compris les parts sociales résultant de l'augmentation de capital, à MM X et Y, associés de cette dernière ; qu'enfin, il était expressément indiqué que les termes de cette lettre devaient être considérés comme de nul effet si l'ensemble de ces opérations n'était pas effectué au 30 avril 1992 ;

Considérant, d'une part, que la société LOCK LOISIRS a conclu avec sa société mère, la société Lock Leisure Group Limited, une convention le 20 mars 1992 aux termes de laquelle elle lui versait une somme d'un million de francs en règlement final et complet de toutes obligations et de tous les montants dus par LOCK LOISIRS à Lock Leisure Group Limited qu'ils soient actuels, imprévus ou à venir en relation avec la dette. ; que, d'autre part, lors d'une assemblée générale de la société LOCK LOISIRS le 27 avril 1992, une augmentation de capital social a été décidée à hauteur d'une somme de 4.546.700 F par création de 4.567 parts nouvelles de 100 F réservée à la société mère la société Lock Leisure Group Limited, laquelle déclarait avoir intégralement libéré le montant de cette souscription par compensation avec une créance de même montant détenue sur sa filiale ; que lors de la tenue de cette même assemblée générale, il a été également décidé d'autoriser la société mère à céder 23.108 parts lui appartenant à M. Y et 23.109 parts à M. X ; qu'ainsi, le montant du capital était porté de 100.000F à la somme de 4.646.700 F ; que par un acte en date du 28 avril 1992, la société Lock Leisure Group Limited a cédé la totalité de ses parts à MM Y et X contre le versement d'un franc par chacun des deux acquéreurs ;

Considérant que l'administration, sur le fondement de l'article L 64 du livre des procédures fiscales, a considéré que l'accord du 20 mars 1992 visait, pour la société LOCK LOISIRS, à accepter la somme d'un million de francs en contrepartie du règlement final et complet de toutes obligations et de tous montants dus par cette dernière qu'ils soient actuels, imprévus ou à venir et que, par suite, la société mère avait abandonné, dès cette date, la partie excédant 1.000.000 F de sa créance sur la société LOCK LOISIRS ; qu'ainsi, l'augmentation de capital décidée le 27 avril suivant était dépourvue de lien avec ledit abandon de créance et par suite, l'habillage juridique et les résolutions du 27 avril 1992 lui étaient inopposables ;

Considérant que, ce faisant, l'administration interprète la convention du 20 mars 1992 comme déniant toute portée aux résolutions de l'assemblée générale du 27 avril 1992 décidant une augmentation de la participation de la société mère dans le capital de sa filiale par compensation avec le solde de sa créance sur ladite filiale ; que, toutefois, l'abandon de créance d'un million de francs comme d'ailleurs, l'augmentation de la participation étaient envisagés et formalisés, comme dit ci-dessus, dès le 6 mars 1992, dans la perspective du désengagement de la société Lock Leisure Group Limited envers sa filiale ; que, par suite, alors qu'elle ne remet pas en cause la sincérité des diverses conventions sus rappelées ou leur véritable nature, l'administration ne peut fonder le redressement en litige sur le terrain de l'abus de droit ; que, par ailleurs, en se bornant à demander une substitution de base légale établie sur une requalification juridique des faits, l'administration ne précise pas à la Cour le fondement juridique qu'elle entend substituer à celui tiré de l'abus de droit ; que, dès lors, cette demande ne peut être accueillie ; qu'en conséquence, il y a lieu de décharger la société LOCK LOISIRS de la cotisation à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1992 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat (ministre de l'économie, des finances et de l'industrie) à payer à la société LOCK LOISIRS la somme de 1.500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société LOCK LOISIRS tendant à la décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu au titre de la retenue à la source de l'année 1992 et des pénalités y afférentes.

Article 2 : Le jugement n° 9503398 et 9503399 en date du 30 octobre 2000 du Tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 3 : La société LOCK LOISIRS est déchargée de la cotisation à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1992.

Article 4 : L'Etat (ministre de l'économie, des finances et de l'industrie) est condamné à payer à la société LOCK LOISIRS, la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société LOCK LOISIRS et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée au directeur des services fiscaux du sud-est, au trésorier payeur général de l'Hérault et à la SCP Alcade et A ssociés.

N° 01MA00134 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01MA00134
Date de la décision : 10/03/2005
Sens de l'arrêt : Non-lieu partiel
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : CABINET ALCADE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-03-10;01ma00134 ?
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