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01/03/2005 | FRANCE | N°02MA02130

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4eme chambre-formation a 3, 01 mars 2005, 02MA02130


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le

26 septembre 2002, sous le n° 02 MA02130 présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, sous direction du contentieux administratif, 1 rue Tronchet ; à Paris (75840) ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement en date du 28 février 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nice a accordé à la société anonyme Eureva la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociét

és auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1988 et 1989 ;

2°...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le

26 septembre 2002, sous le n° 02 MA02130 présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, sous direction du contentieux administratif, 1 rue Tronchet ; à Paris (75840) ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement en date du 28 février 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nice a accordé à la société anonyme Eureva la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1988 et 1989 ;

2°) de décider que la société anonyme Eureva sera rétablie aux rôles de l'impôt sur les sociétés à raison des droits et pénalités dont elle a été indûment déchargée ;

3°/ de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement attaqué ;

..............................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2005,

- le rapport de Mme Paix, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Bonnet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société anonyme Eureva, devenue société à responsabilité limitée Eureva en 1998, qui exerçait au cours des années en litige l'activité de promoteur immobilier, et de holding de commercial a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 1988 et 1989 dont sont issus des redressements d'impôt sur les sociétés ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE interjette appel du jugement en date du 28 février 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nice, après avoir donné acte du désistement d'une partie des conclusions de la requête par la société Eureva a accordé à celle-ci la décharge des autres redressements litigieux en se fondant sur un vice entachant la procédure d'imposition ;

Sur la recevabilité du recours du ministre :

Considérant en premier lieu que le recours formé par le MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE a été enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, le 3 juin 2002, dans le délai d'appel de deux mois qui commence à courir à compter de l'expiration du délai de deux mois imparti au service local pour lui transmettre le jugement attaqué et le dossier de l'affaire, en vertu des dispositions de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales ; que dès lors la circonstance, à la supposer établie, que le service local ne lui aurait pas transmis le dossier dans le délai de deux mois qui lui était imparti par les dispositions de l'article R200-18 du livre des procédures fiscales est sans incidence sur la recevabilité de la requête d'appel ; que par suite la fin de non-recevoir invoquée par société Eureva ne saurait être admise ;

Sur les conclusions présentées par le MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE :

Considérant que pour accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles avait été assujettie la société Eureva au titre des années 1988 et 1989, le Tribunal administratif de Nice s'est fondé sur l'absence de dialogue contradictoire entre la société et l'administration fiscale ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.13 du livre des procédures fiscales : Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ; que si ces dispositions ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, la vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux ; qu'il en va ainsi lorsque, notamment, la comptabilité ne se trouve pas dans l'entreprise et que, d'un commun accord entre le vérificateur et les représentants de l'entreprise, les opérations de vérification se déroulent au lieu où elle peut être consultée, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l'entreprise vérifiée ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la réception d'un avis de vérification en date du 19 février 1991, prévoyant une première intervention sur place le 11 mars suivant M. X, président-directeur général de la société Eureva a, le 28 février, informé l'administration que, comme suite à l'entretien téléphonique qu'il avait eu avec le vérificateur, il demandait que la vérification soit effectuée au bureau de la société Gica, où était tenue sa comptabilité ; que M. X donnait également pouvoir pour être représenté à cet effet ; que dans ces conditions l'absence d'investigation dans l'entreprise ne saurait à elle seule suffire à établir que la société a été privée de toute possibilité d'établir un dialogue contradictoire au cours de la vérification ; que si la société soutient que le vérificateur aurait refusé de reporter la date de première intervention à laquelle son président-directeur général était indisponible, et que celui-ci aurait donc été conduit à accepter cette date par écrit sous la pression du vérificateur, cette affirmation ne résulte ni de l'instruction ni des termes de l'acceptation formulée le

28 février 1991 ; que, par ailleurs, le second vérificateur en charge du dossier a rencontré le président-directeur général de la société Eureva ; que dans ces conditions, la société Eureva n'établit nullement, comme elle en la charge, que la procédure de vérification serait viciée pour insuffisance de débat contradictoire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Nice s'est fondé sur l'absence d'intervention du vérificateur au siège de la société, pour décharger celle-ci des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 1988 et 1989 ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Eureva devant le Tribunal administratif de Nice ;

Sur les autres moyens de la demande :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1 ) Les frais généraux de toute nature... 5 ) Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables... ;

Considérant qu'il résulte des dispositions sus-énoncées qu'une entreprise est en droit de porter en provision et déduire des bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement, à la condition que celles-ci apparaissent comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la clôture de l'exercice et soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante ;

En ce qui concerne les provisions pour litige :

Considérant que le vérificateur a réintégré dans les résultats imposables de la société Eureva au titre de chacun des exercices clos le 31 décembre 1988 et 31 décembre 1989 deux provisions de montants de 300.000 F (45.734,71 euros) pour 1988 et 165.000 F

(25.154,09 euros) pour 1989 ; que la société Eureva soutient avoir constitué ces provisions pour faire face à un litige qui l'opposait à la société Vacances Services , société ayant pour objet l'aménagement de résidences secondaires qui aurait vendu des appartements pour son compte ; que toutefois, les justificatifs produits et constitués par des listes d'appartements vendus par la société Vacances Services , par des factures établies par cette même société pour des opérations de ventes sur l'ensemble immobilier Les Marquises et par divers courriers échangés entre le conseil de la société Eureva et le mandataire liquidateur de la société Vacances Services ne permettent pas de déterminer l'origine du conflit opposant la société Eureva à la société Vacances Services ; que notamment une délégation de signature produite par la société, datée du 6 octobre 1988 n'est consentie qu'à M. Y à titre personnel et non à celui-ci en sa qualité de gérant de la société Vacances Services ; que dans ces conditions, en l'absence de toute pièce permettant d'établir avec certitude la réalité des engagements entre les sociétés Eureva et Vacances Services , la société Eureva n'est pas fondée à contester la réintégration de la provision pour litige afférente aux années 1988 et 1989 ;

En ce qui concerne les provisions pour dépréciation de titres de participation :

Considérant que la société EUREVA a apporté en 1981 à la société Notre Dame des Maures une propriété constituée de bois situés à La Londe les Maures ; que la valeur initiale d'apport des parcelles a été constatée pour environ 40.000 F l'hectare soit 4 F le m² ; qu'en 1988, la société Eureva a acquis 17.116 titres au prix de 1.130.000 F, pour une valeur de 26.280 F l'hectare, soit 2,63 F le m² ; qu'en 1989 elle a acquis à nouveau 2.244 titres à la valeur nominale des titres, représentant un prix de 40.000 F l'hectare ; qu'ultérieurement la société a constitué une provision au titre de l'année 1989, pour un montant de 566.921 F, en faisant valoir que la propriété se serait dépréciée, qu'une provision pour dépréciation de titres avait déjà été constituée en 1987 sans être remise en cause par l'administration fiscale, et que la dépréciation du terrain justifiée d'ailleurs par les expertises produites, justifierait que les titres soient appréciés à la valeur de 2,70 F le m², valeur d'ailleurs proche de celle de 1988 ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que le classement en zone IND de la propriété, intervenu en 1981 ne saurait justifier la dépréciation des titres au titre de l'année 1989 ; que, de même, les incendies survenus en 1986 d'une part et en 1990 d'autre part ne sauraient permettre de justifier la constitution d'une provision au titre de l'année 1989 ; qu'enfin, la société a acquis 2.244 titres au cours du même exercice 1989 sur la base d'un prix très supérieur de 4 F le m2 ; que dans ces conditions, et même si la société soutient que le prix élevé des titres acquis en 1989 était motivé par sa volonté de devenir majoritaire dans le capital de la société civile immobilière, elle n'établit nullement la dépréciation des titres dont elle se prévaut pour demander que soit prise en compte de cette provision au titre de l'exercice clos en 1989 ; qu'il en résulte que ses conclusions en ce sens ne peuvent qu'être rejetées ;

S'agissant des charges non justifiées :

Considérant que la société Eureva conteste à hauteur de 109.574 F un redressement sur charges comptabilisées au 31 décembre 1989, charges qui seraient constituées selon elle par des commissions qu'elle aurait versées à la société Geci Provence ; que toutefois elle ne produit pas les factures afférentes aux charges non admises par le vérificateur ; que, par ailleurs, la production d'un extrait du bilan de la société Geci Provence mentionnant une ligne globale de sommes déclarées par cette dernière société en produits à recevoir ne suffit pas à établir que les sommes dont s'agit seraient relatives aux factures litigieuses ; qu'est inopérante à cet égard la circonstance que la société Geci Provence ait été contrôlée et que le contrôle se soit terminé par une absence de redressements ; que dans ces conditions la société Eureva qui supporte la charge de la preuve du bien-fondé de ses prétentions s'agissant d'écritures de charges, n'est pas fondée à soutenir qu'elle pourrait prétendre à des déductions supérieures à celles admises par le vérificateur au titre des sommes versées à la société Geci Provence ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre est fondé à demander le rétablissement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés dont le tribunal administratif a prononcé la décharge ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ; que ces dispositions s'opposent à ce que le MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à payer à la société Eureva la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'impôt sur les sociétés auquel la société Eureva a été assujettie au titre des années 1988 et 1989 est remis à sa charge.

Article 2 : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 3 : Les conclusions de la société Eureva tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eureva et au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE.

N° 02MA02130 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4eme chambre-formation a 3
Numéro d'arrêt : 02MA02130
Date de la décision : 01/03/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Evelyne PAIX
Rapporteur public ?: M. BONNET
Avocat(s) : LORENZI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-03-01;02ma02130 ?
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