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03/02/2005 | FRANCE | N°02MA00188

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 03 février 2005, 02MA00188


Vu la requête, enregistrée le 1er février 2002 pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE par Me Le Prado et les mémoires complémentaires en date des 22 avril 2002, 23 mai 2002, 28 octobre 2002, 23 mai 2003 et 3 janvier 2005 ; l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9902461 du 6 novembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a condamné l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE à verser à Mme Marie-Pierrette Y une somme de 1.136.024 F en principal ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif

de Marseille par M. X au nom de Mme Marie-Pierrette Y et par la caisse pr...

Vu la requête, enregistrée le 1er février 2002 pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE par Me Le Prado et les mémoires complémentaires en date des 22 avril 2002, 23 mai 2002, 28 octobre 2002, 23 mai 2003 et 3 janvier 2005 ; l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9902461 du 6 novembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a condamné l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE à verser à Mme Marie-Pierrette Y une somme de 1.136.024 F en principal ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif de Marseille par M. X au nom de Mme Marie-Pierrette Y et par la caisse primaire d'assurance maladie ;

3°) de prononcer le sursis à exécution du jugement ou bien de subordonner le versement de l'indemnité à la constitution d'une garantie ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2005,

- le rapport de M. Marcovici, rapporteur ;

- les observations de Me Combemorel substituant Me Le Prado pour l'Assistance publique à Marseille ;

- et les conclusions de M. Trottier, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le Tribunal administratif de Marseille était saisi d'une demande d'indemnités formée par M. X gérant de la tutelle de Mme Marie-Pierrette Y, contre l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE en réparation des préjudices résultant de l'opération chirurgicale subie par Mme Marie-Pierrette Y au centre hospitalier universitaire de la Timone, à Marseille et de conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie tendant à la condamnation de l'établissement à lui rembourser les prestations exposées par elle à la suite de ladite intervention chirurgicale ; que le tribunal administratif n'a statué, par le jugement attaqué, que sur la demande de M. X ; qu'il a ainsi méconnu son obligation de rendre un jugement commun à l'auteur du dommage, à la victime et aux caisses de sécurité sociale ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement rendu le 6 novembre 2001 par le Tribunal administratif de Marseille ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X et de la Caisse primaire d'assurance malade du Vaucluse devant le Tribunal administratif de Marseille ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002 relatives aux droits des malades et à la qualité du système de santé : «Les dispositions du titre IV du livre Ier de la première partie du code de la santé publique issues de l'article 98 de la présente loi, à l'exception du chapitre Ier, de l'article L.1142-2 et de la section 5 du chapitre II, s'appliquent aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des actes réalisés au plus tôt six mois avant la publication de la présente loi. Cet article est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable» ; qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires, que, contrairement à ce que soutient l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE, le dommage subi par Mme Marie-Pierrette Y étant survenu plus de six mois avant la publication de la présente loi, cette dernière ne lui est pas applicable, nonobstant le fait que l'instance n'ait pas encore donné lieu à une décision irrévocable ; que l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE, en tout état de cause, ne peut ainsi utilement soutenir que sa responsabilité ne pourrait plus être engagée, du fait des dispositions de la loi du 4 mars 2002, que sur le fondement de la faute caractérisée ;

Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du patient présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommage sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;

Considérant que Mme Marie-Pierrrette Y, souffrant d'une lithiase vésiculaire, a subi à l'hôpital de la Timone une cholecystectomie le 5 novembre 1997 ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise qu'à la suite de cette opération pratiquée sous anesthésie générale et terminée à 16 heures 10, Mme Marie-Pierrette Y, qui s'était un temps réveillée, a été trouvée en arrêt cardio-respiratoire à 18 heures 30 ; que, malgré une réanimation rapide et efficace, elle était en état de coma végétatif depuis cette date ; qu'aucun élément au dossier ne permet d'établir un lien entre l'état actuel de Mme Marie-Pierrette Y et son état antérieur ou l'évolution prévisible de celui-ci ; que le coma dans lequel Mme Marie-Pierrette Y se trouve depuis l'opération du 5 novembre 2001 a été causé par les opérations d'anesthésie sans que l'expert ait pu déterminer la raison exacte dudit coma ; qu'ainsi le coma de Mme Marie-Pierrette Y résulte du risque inhérent aux anesthésies générales et les conséquences de cet acte pratiqué sur Mme Marie-Pierrette Y répondent aux conditions susmentionnées ; que, par suite, la responsabilité sans faute de l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE doit être retenue ; que, dès lors, il y a lieu de condamner l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE à indemniser Mme Marie-Pierrette Y et la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse des préjudices qui résultent pour elles de cette opération ;

Sur l'indemnisation :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que Mme Marie-Pierrette Y, âgée de 56 ans à la date de l'opération du 5 novembre 1997, est demeurée atteinte d'une incapacité permanente de 100% en raison du coma végétatif dans lequel elle se trouvait, jusqu'à la date de son décès, le 29 novembre 2002 ; que, dans l'impossibilité pour le juge d'apprécier la réalité des souffrances physiques et du préjudice esthétique allégué, il sera fait une juste appréciation des préjudices de toute nature qu'elle a subis dans ses conditions d'existence en condamnant l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE à verser la somme de 225.000 euros au titre de ce préjudice personnel ;

Considérant, en second lieu, qu'il n'est pas contesté que les frais d'hospitalisation mis à la charge de Mme Marie-Pierrette Y et arrêtés au 28 février 2001 s'élèvent à la somme de 228.148,50 F, soit 34.781,01 euros ;

Considérant que Mme Marie-Pierrette Y est décédée le 29 novembre 2002 ; que Mme Paolina Z, M. André-Philip Y, M. Pierre Y, Mme Marguerite Y, et M. Christian-Yves Y ont repris l'instance par mémoire en date du 9 septembre 2003 ; qu'il y a dès lors lieu de condamner l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE à verser les sommes de 225.000 euros et 34.781,01 euros aux héritiers de Mme Marie-Pierrette Y au prorata de leurs droits dans la succession de la victime, lesdits droits étant rapportés à la somme des droits des héritiers présents dans l'instance d'appel ;

Considérant en troisième lieu que la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse justifie avoir exposé la somme de 872,07 euros au titre des frais médicaux et pharmaceutiques, 225.576,70 euros au titre des frais d'hospitalisation et la somme de 260.183 euros au titre des frais d'hospitalisation à Gordes jusqu'à son décès ; qu'il y a lieu de condamner l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE à supporter l'intégralité de ses frais majorés des intérêts légaux courant à compter du 25 mai 1999, date à laquelle la caisse a présenté ses conclusions en condamnation de l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE ; qu'il y a également lieu de condamner l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse la somme de 750 euros au titre des cinquième et sixième alinéas de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale résultant du I de l'article 9 de l'ordonnance susvisée du 24 janvier 1996 ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les frais de l'expertise ordonnée par le juge du référé du tribunal administratif et dont le montant s'élève à 11.517,80 F doivent être mis à la charge de l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de condamner l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE à payer aux héritiers de Mme Marie-Pierrette Y la somme de 1.500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE est condamnée à verser une somme de 225.000 euros et une somme 34.781,01 euros à Mme Z, M. André-Philip Y, M. Pierre Y, Mme Marguerite Y, et M. Christian-Yves Y, héritiers de Mme Marie-Pierrette Y, au prorata de leurs droits dans la succession de Mme Marie-Pierrette Y, lesdits droits étant rapportés à la somme des droits des héritiers présents dans l'instance d'appel.

Article 3 : L'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE est condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse la somme de 872,07 euros au titre des frais médicaux et pharmaceutiques, 225.576,70 euros au titre des frais d'hospitalisation et la somme de 260.183 euros au titre des frais d'hospitalisation à Gordes majorés des intérêts aux taux légal courant à compter du 25 mai 1999 et une somme de 750 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 4 : L'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE est condamnée à verser une somme de 1.500 euros à Mme Z, M. André-Philip Y, M. Pierre Y, Mme Marguerite Y, et M. Christian-Yves Y, héritiers de Mme Marie-Pierrette Y, au prorata de leurs droits dans la succession de Mme Marie-Pierrette Y, lesdits droits étant rapportés à la somme des droits des héritiers présents dans l'instance d'appel, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse et de Mme Paolina Z, M. André-Philip Y, M. Pierre Y, Mme Marguerite Y, et M. Christian-Yves Y est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE, à la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse et à Mme Paolina Z, M. André-Philip Y, M. Pierre Y, Mme Marguerite Y et à M. Christian-Yves Y.

Copie en sera adressée à Me Le Prado, à Me Gardien, à Me Depieds, au ministre des solidarités, de la santé et de la famille et au préfet de Vaucluse.

N° 0200188 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 02MA00188
Date de la décision : 03/02/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: Mme Cécile FEDI
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-02-03;02ma00188 ?
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