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21/10/2004 | FRANCE | N°03MA00479

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 21 octobre 2004, 03MA00479


Vu la requête enregistrée le 17 mars 2003 pour M. Naceur X, Mme Alima X, M. Hamid X, M. Jallad X, M. Abdelaziz X, Melle Samira X, Melle Naima X par Me Béral ; M. Mourad et Melle Aïssa X représentés par M. NACEUR et Mme Alima X ; MM. X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 005564 du 23 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à ce que le CHU de Montpellier soit condamné à payer à M. X la somme de 3.450.000 francs, à Mme X une somme de 300.000 francs et 700.000 francs à chacun de leurs enfants ;

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) de condamner le CHU de Montpellier à verser à M. X une somme de 381.122,5...

Vu la requête enregistrée le 17 mars 2003 pour M. Naceur X, Mme Alima X, M. Hamid X, M. Jallad X, M. Abdelaziz X, Melle Samira X, Melle Naima X par Me Béral ; M. Mourad et Melle Aïssa X représentés par M. NACEUR et Mme Alima X ; MM. X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 005564 du 23 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à ce que le CHU de Montpellier soit condamné à payer à M. X la somme de 3.450.000 francs, à Mme X une somme de 300.000 francs et 700.000 francs à chacun de leurs enfants ;

2°) de condamner le CHU de Montpellier à verser à M. X une somme de 381.122,54 euros au titre de l'incapacité permanente partielle, 8.112,25 euros au titre du pretium doloris, 30.489,80 euros au titre du préjudice esthétique, 45.734,71 euros au titre du préjudice d'agrément et 30.489,80 euros au titre du préjudice sexuel ; à Mme X une somme de 45.734,71 euros au titre de son préjudice moral, et pour chacun des sept enfants, une somme de 15.244,90 euros ;

......................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 2004,

- le rapport de M. Marcovici, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Trottier, commissaire du gouvernement ;

Sur la faute du centre hospitalier :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'une intervention chirurgicale, pratiquée le 12 mars 1996 au CHU de Montpellier destinée à prévenir les conséquences dommageables d'un syndrome pyramidal et d'une diplégie brachiale, consécutifs à une chute intervenue en mai 1995, M. X s'est trouvé atteint d'une tétraplégie ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'opération a été conduite conformément aux règles de l'art compte tenu des techniques habituellement utilisées à l'époque ; qu'aucune faute médicale ne peut être relevée à l'encontre du centre hospitalier ;

Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ; qu'il résulte de l'instruction que l'intervention subie par M. X présentait des risques de complications neurologiques dont la fréquence d'occurrence est de 10 à 15 % ; que le centre hospitalier universitaire de Montpellier n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, d'avoir informé M. X de l'existence de tels risques ; que ce défaut d'information est susceptible d'engager la responsabilité du centre hospitalier à l'égard de M. X ;

Considérant que selon l'expert nommé par le Tribunal administratif de Montpellier : (...) Il était donc logique et conforme aux données actuelles de la science d'envisager une fixation de cette instabilité pour diminuer la contrainte exercée sur la moelle épinière et permettre d'espérer une récupération des troubles neurologiques. Toutefois, il est connu que l'existence d'anomalies de signal intra médullaire à l'IRM diminue les possibilités de récupération fonctionnelle utile. L'intervention nous paraissait malgré tout justifiée pour éviter une aggravation ultérieure de l'état neurologique de M. X. En effet, l'instabilité de la région cervicale haute, associée à des anomalies sténosantes et une barre ostéophytique pouvaient faire craindre une aggravation progressive des troubles et éventuellement le retour d'une tétraplégie. C'est précisément ce raisonnement qui a été suivi par l'équipe de neurochirurgie de l'hôpital de Montpellier d'après le courrier rédigé le 18 juillet 1997 ; qu'ainsi, si l'opération pratiquée était justifiée, il ne résulte pas de l'instruction, éclairée par le rapport précité, qu'une intervention vitale était nécessaire et qu'aucune alternative thérapeutique n'existait ; que c'est donc à tort que le Tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur l'absence d'alternative thérapeutique pour estimer que M. X n'avait subi aucune perte de chance ; que ce dernier est fondé à soutenir, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise supplémentaire, que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande et que le centre hospitalier a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, que les frais médicaux et pharmaceutiques, les frais de transport, d'appareillage et d'hospitalisation servis par la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier Lodève se sont élevés à la somme de 299.866,22 euros ; qu'il sera fait une juste évaluation du préjudice correspondant à l'invalidité permanente de 100% consécutive à la tétraplégie dont M. X a été frappé, en le fixant à la somme de 100.000 euros ; que l'ensemble du préjudice correspondant à l'atteinte à l'intégrité physique de M. X s'élève ainsi à la somme de 399.866,22 euros ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice correspondant aux souffrances physiques et morales de la victime ainsi que de son préjudice esthétique et d'agrément en les fixant à la somme globale de 45.000 euros ;

Considérant que la réparation du préjudice résultant pour M. X de la perte de chance de se soustraire au risque dont il n'a pas été informé et qui s'est réalisé doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudices subis ; que, compte tenu du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'intervention et, d'autre part, les risques encourus par le patient en cas de renonciation à celle-ci, cette fraction doit être fixée à 20% ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation du préjudice indemnisable en le fixant à 79.974 euros pour ce qui est de l'atteinte à l'intégrité physique et à 9.000 euros pour les autres dommages ;

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier Lodève :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier Lodève, qui a été mise en cause en première instance et a demandé au Tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier à lui rembourser le montant de ses débours consécutifs à l'opération subie par M. X et à qui le jugement du tribunal administratif écartant toute responsabilité du centre hospitalier a été notifié le 29 janvier 2003, n'a présenté devant la Cour administrative d'appel de Marseille de conclusions tendant à ce que le centre hospitalier de Montpellier soit condamné à lui rembourser le montant des sommes qu'elle avait exposées en faveur de M. X qu'après l'expiration du délai d'appel ; que ces conclusions sont tardives et, par suite, irrecevables ;

Sur les droits de M. X :

Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elles endurées et au préjudice esthétique et d'agrément ; qu'il résulte de ces dispositions que le recours des caisses s'exerce sur les sommes allouées à la victime en réparation de la perte d'une chance d'éviter un préjudice corporel, la part d'indemnité de caractère personnel étant seule exclue de ce recours ; que la caisse régionale d'assurance maladie de Montpellier justifie du versement d'une somme de 299.866,22 euros correspondant aux prestations qu'elle a versées à la victime ;

Considérant qu'en dépit de l'irrecevabilité des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier Lodève tendant au remboursement des sommes exposées par elle, il y a lieu, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour fixer le montant de l'indemnité due à M. X, de défalquer de la part de la condamnation mise à la charge du centre hospitalier de Montpellier Lodève représentative de la réparation des atteintes à l'intégrité physique de la victime ; que le total de ces sommes excédant le montant de la part d'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique, fixé à 79.974 euros par la présente décision, M. X ne peut prétendre au versement d'aucune somme à ce titre ;

Considérant que M. X a droit à la somme de 9.000 euros calculée ainsi qu'il a été dit ci-dessus et allouée au titre de son préjudice personnel qui a résulté pour lui de la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé ;

Sur les droits de Mme X :

Considérant que Mme X a subi, en raison de l'état de son époux, des troubles dans ses conditions d'existence ; que ces troubles doivent être évalués à la somme de 15.000 euros ; que le préjudice indemnisable à ce titre pour Mme X est celui imputable à la perte d'une chance pour M. X de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; qu'il doit être fixé au vingtième de la somme précitée de 15.000 euros ; qu'il y a lieu, dès lors de condamner le centre hospitalier de Montpellier à verser à Mme X la somme de 3.000 euros ;

Sur le préjudice de M. Hamid X, M. Jallad X, M. Abdelaziz X, Melle Samira X, Melle Naima X, M. Mourad X et Melle Aissa X :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral des enfants de M. X en le fixant à 7.500 euros chacun ; que le préjudice indemnisable à ce titre pour chacun des enfants de M. X est celui imputable à la perte d'une chance pour M. X de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; qu'il doit être fixé au vingtième de la somme précitée de 7.500 euros ; qu'il y a lieu, dès lors de condamner le centre hospitalier de Montpellier à verser à chacun des enfants X la somme de 1.500 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de Montpellier est condamné à payer les sommes de 9.000 euros à M. X, 3.000 à Mme X et 1.500 euros à chacun des enfants de M. X, M. Hamid X, M. Jallad X, M. Abdelaziz X, Melle Samira X, Melle Naima X, M. Mourad X et Melle Aissa X.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X, de Mme X et de M. Hamid X, M. Jallad X, M. Abdelaziz X, Melle Samira X, Melle Naima X, M. Mourad X et Melle Aissa X est rejeté.

Article 4 : La requête susvisée de la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier Lodève est rejetée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Naceur X, à Mme Halima X et à M. Hamid X, à M. Jallad X, à M. Abdelaziz X, à Melle Samira X, à Melle Naima X, à M. Mourad X et à Melle Aissa X, au centre hospitalier de Montpellier et à la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier Lodève.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault, à Me Béral et à la SCP Armandet.

N° 03MA00479 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 03MA00479
Date de la décision : 21/10/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : BERAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-10-21;03ma00479 ?
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