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14/09/2004 | FRANCE | N°00MA00561

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2eme chambre - formation a 3, 14 septembre 2004, 00MA00561


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 20 mars 2000 sous le n° 00MA00561, présentée pour Mme Valérie X, demeurant ..., par la SCP LOUNIS et BREARD, avocats ;

Mme X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 11 janvier 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Marignane à lui verser la somme de 150.000 F (22.867,35 euros) en réparation du préjudice subi du fait de la perte de son emploi de directrice adjointe au Cercle municipal de

loisirs gérant le centre aéré et le jardin d'enfants de la commune de Ma...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 20 mars 2000 sous le n° 00MA00561, présentée pour Mme Valérie X, demeurant ..., par la SCP LOUNIS et BREARD, avocats ;

Mme X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 11 janvier 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Marignane à lui verser la somme de 150.000 F (22.867,35 euros) en réparation du préjudice subi du fait de la perte de son emploi de directrice adjointe au Cercle municipal de loisirs gérant le centre aéré et le jardin d'enfants de la commune de Marignane ;

2°/ de condamner la commune de Marignane à lui verser la somme de 150.000 F (22.867,35 euros) au titre du préjudice subi du fait de la perte de son emploi de directrice adjointe au Cercle municipal de loisirs gérant le centre aéré et le jardin d'enfants de la commune de Marignane ;

3°/ de condamner la commune à lui verser la somme de 8.000 F (1.219,59 euros) au titre de l'article L.761-1 du code justice administrative ;

Elle soutient que la responsabilité de la commune doit être engagée à son égard pour faute ;

- qu'en effet cette dernière a poussé le Cercle municipal de loisirs à embaucher du personnel ce qui a entraîné une augmentation des dépenses afférentes et, par voie de conséquence a rendu déficitaire le budget du Cercle municipal de loisirs ;

- qu'il y a eu volonté de la commune, par l'intermédiaire de la nouvelle présidente du Cercle municipal de loisirs désignée par la municipalité, après que la demande de subvention exceptionnelle demandée pour pallier ces difficultés financières ait été refusée intentionnellement, de provoquer la liquidation judiciaire du Cercle municipal de loisirs et ainsi pouvoir obtenir le licenciement des personnels du Cercle municipal de loisirs dont la nouvelle municipalité voulait se débarrasser ;

- que la commune de Marignane, en se comportant comme décrit précédemment et en refusant d'accorder une subvention exceptionnelle à l'association cercle municipal de loisirs, a entaché ses agissements de détournement de pouvoir ; qu'en effet dans le même temps où la commune cessait toute subvention au Cercle municipal de loisirs, elle subventionnait le Centre communal d'action sociale pour la reprise des activités exercées par le Cercle municipal de loisirs, mettait à sa disposition les mêmes locaux que ceux antérieurement attribués au Cercle municipal de loisirs, réembauchait une partie du personnel licencié pour motif économique par le mandataire liquidateur et embauchait de nouveaux salariés afin de pallier le départ des salariés licenciés qu'elle ne jugeait pas utile de réengager ;

Vu le mémoire enregistré le 30 août 2000 présenté pour la commune de Marignane, par Me GALVAIRE ;

La commune demande à la Cour :

1°/ de rejeter la requête ;

2°/ de condamner Mme X à lui verser la somme de 10.000 F (1.524,49 euros) ;

Elle soutient que la requérante n'établit pas que le jugement attaqué aurait fait une inexacte qualification des faits et de la cause ; qu'elle n'établit pas qu'un lien de causalité direct existe entre son licenciement par l'administrateur judiciaire et le refus de subvention exceptionnelle par le conseil municipal de Marignane opposé à la demande de l'association Cercle municipal de loisirs à la fin de l'année 1996 ;

- qu'elle n'apporte pas plus la preuve d'un prétendu détournement de pouvoir ; qu'il n'existe pas de droits acquis, pour une association, à l'obtention d'une subvention ;

Vu le mémoire enregistré le 4 septembre 2001présenté pour Mme X tendant aux mêmes fins que la requête ;

Elle y invoque les mêmes moyens que dans la requête et en outre que la commune a fait preuve d'un défaut de surveillance relativement aux risques inhérents à une augmentation de la masse salariale ; que l'insolvabilité de l'association gestionnaire d'un service public engage la responsabilité de la commune à titre subsidiaire ;

- qu'au sens de la directive 77/187 du Conseil du 14 février 1977 relative au transfert d'entreprise, il incombait à la commune, cessionnaire de l'activité jusqu'alors exercée par l'association, d'assumer l'entière responsabilité du licenciement de la requérante ;

- qu'en réalité le Cercle municipal de loisirs était dirigé par la commune et était entièrement sous la responsabilité de celle-ci ; que la perte d'emploi des personnels du Cercle municipal de loisirs, association transparente de la commune, engage la responsabilité pécuniaire de celle-ci ;

Vu le mémoire enregistré le 16 juillet 2002 présenté pour la commune de Marignane tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures et en outre à ce que Mme X soit condamnée à lui verser la somme de 1.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

La commune invoque les mêmes moyens que précédemment et en outre qu'elle n'a pas commis de faute lourde pour défaut de surveillance ou de l'insuffisance de contrôle sur la gestion du Cercle municipal de loisirs ; qu'elle ne constitue pas l'autorité de contrôle ou de tutelle du Cercle municipal de loisirs ;

- qu'il n'est pas établi que la commune soit un dirigeant de fait de l'association ; qu'elle n'en assumait pas la direction effective ; que la directive 77/187 CEE du Conseil du 14 février 1977 ne peut être invoquée ; qu'elle est applicable au transfert d'entreprise résultant d'une cession conventionnelle ou d'une fusion ;

- qu'en tout état de cause, il appartient au juge national de déterminer si l'on se trouve dans un cas de transfert d'entreprise visé par la directive ; que le juge national exclut le transfert lorsqu'il y a reprise opérée au profit d'un service public à caractère administratif, notamment un établissement public à caractère administratif ; que dans ce cas là, il y a cessation de l'entreprise et non transfert ;

- qu'enfin il convient de souligner que l'activité en question a été reprise par le Centre communal d'action sociale, lequel est un établissement public à caractère administratif doté en tant que tel de la personnalité morale, et non par la commune de Marignane ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juillet 2004 :

- le rapport de Mme FERNANDEZ, premier conseiller ;

- les observations de Me SINGER substituant Me SINDRES pour la commune de Marignane ;

- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Considérant que Mme X, directrice adjoint du cercle municipal de loisirs depuis le 1er février 1994 a été licenciée à compter du 1er décembre 1996 ; que le cercle municipal de loisirs gérait depuis 1976 le centre aéré et le jardin d'enfant ouverts aux enfants de la commune de Marignane ; que Mme X a demandé la condamnation de la commune de Marignane à l'indemniser du préjudice subi du fait de son licenciement ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que Mme X demande l'annulation de ce jugement et la condamnation de la commune de Marignane à l'indemniser du préjudice dont s'agit ;

Sur la responsabilité de la commune de Marignane :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres fondements de responsabilité invoqués par la requérante :

Considérant d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le cercle municipal de loisirs gérait le service public d'accueil des enfants de la commune de Marignane en jardin d'enfant pour ceux âgés de 2 à 4 ans et en centre aéré pour ceux âgés de 4 à 12 ans ; que son organe dirigeant, la commission exécutive permanente était animée par un fonctionnaire municipal responsable envers l'autorité municipale ; que sur les douze membres qui la constituaient, elle comprenait, outre le fonctionnaire qui la dirigeait, cinq conseillers municipaux et trois fonctionnaires municipaux mis à la disposition du cercle municipal de loisirs par la commune de Marignane et placés sous la responsabilité de l'administration communale, soit neuf membres sur les douze placés sous l'autorité de la commune de Marignane ; qu'il est constant que le président du cercle municipal de loisirs était un membre de l'équipe municipale ; que les activités du cercle municipal de loisirs se déroulaient dans des locaux municipaux mis à disposition à titre gratuit par la commune et spécialement aménagés notamment en matériels et mobiliers par celle-ci à cette fin ; que la commune avait la charge de l'assurance des locaux pour les risques afférents aux bâtiments mais aussi aux biens meubles mis à disposition du cercle municipal de loisirs ; que la ville de Marignane mettait à la disposition du cercle municipal de loisirs, une partie du personnel nécessaire à son fonctionnement ; que pour recruter et fixer la rémunération du personnel à titre permanent, le cercle municipal de loisirs devait être autorisé par les autorités de la commune de Marignane ; que celle-ci versait une subvention annuelle de fonctionnement au cercle municipal de loisirs lui permettant de remplir sa mission et en plus prenait en charge les frais de correspondance, de téléphone, de papeterie et les consommations électriques nécessaires à son fonctionnement ; que le cercle municipal de loisirs devait fournir à la ville de Marignane, tous les ans, les éléments financiers relatifs à l'exploitation avec tous les justificatifs de recettes et dépenses et que sa comptabilité devait être mise, à tout moment, à la disposition des agents accrédités par ladite commune ; que la subvention versée annuellement au cercle municipal de loisirs par cette commune représentait une partie substantielle de ses recettes ; que si parmi les ressources du cercle municipal de loisirs, il y avait une participation des parents aidée ou non par les organismes sociaux, celle-ci constitue une participation pour la prestation fournie par le cercle municipal de loisirs et est habituelle pour toutes les activités de centre aéré ou de jardin d'enfants même lorsqu'elles sont mises en oeuvre en régie par les communes ou leur centre communal d'action sociale ; que nombre des documents officiels relatifs au cercle municipal de loisirs portent l'en-tête de la ville de Marignane ; qu'enfin il est constant que lors de la liquidation judiciaire du cercle municipal de loisirs mise en oeuvre par la présidente, membre de la nouvelle équipe municipale, la commune de Marignane s'est regardée comme compétente pour reprendre et réorganiser les activités gérées par le cercle municipal de loisirs pour ensuite les déléguer au centre communal d'action sociale, d'ailleurs en lui allouant les mêmes locaux et en reprenant une partie des personnels du cercle municipal de loisirs ; que dans ces conditions, eu égard à ses modalités de direction, d'organisation, de fonctionnement, de financement et à ses rapports administratifs et juridiques avec la commune de Marignane, le cercle municipal de loisirs doit être regardé comme ayant agi au nom et pour le compte de la commune de Marignane ; que les fonctions de Mme X avaient pour objet l'exécution même du service public, que le cercle municipal de loisirs gérait pour la ville de Marignane, et doit être regardée comme agent de cette dernière ;

Considérant d'autre part, qu'il n'est pas établi que les fonctions que Mme X occupait dans ce service public communal depuis 1982, aient été supprimées après son licenciement ; qu'il n'est pas établi, ni même allégué devant la Cour que le licenciement de la requérante serait la conséquence d'une inaptitude physique, d'une inaptitude professionnelle ou d'une faute ; que dans ses conditions, la commune de Marignane ne justifie pas de ce que le licenciement de Mme X comme agent municipal est intervenu légalement ; que dès lors ladite commune a commis une faute en permettant illégalement le licenciement de la requérante de nature à engager sa responsabilité à l'égard de celle-ci ;

Sur le préjudice :

Considérant que si la requérante, en l'absence de service fait, ne peut prétendre au rappel de traitement, elle est fondée à demander à la commune de Marignane la réparation du préjudice matériel qu'elle a réellement subi du fait du licenciement prononcé illégalement à son encontre ; que les circonstances dans lesquelles est intervenu le licenciement de Mme X sont de nature à justifier l'indemnisation d'un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence de toutes natures qu'elle a subis ; qu' eu égard à l'ensemble des pièces produites et des éléments de fait de l'espèce, il y a lieu de condamner la commune de Marignane à verser Mme X la somme de 22 867,35 euros (150 000 F) qu'elle demande, tous préjudices confondus ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner la commune de Marignane à payer à Mme X une somme de 1000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la partie perdante puisse obtenir, à la charge de son adversaire, le remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par la commune de Marignane, doivent dès lors être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 21 décembre 2000 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mme X.

Article 2 : La commune de Marignane est condamnée à verser à Mme X la somme de 22 867,35 (vingt deux mille huit cent soixante sept euros trente cinq centimes) euros .

Article3 : La commune de Marignane versera à Mme X une somme de 1000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Marignane tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X, à la commune de Marignane et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Délibéré à l'issue de l'audience du 6 juillet 2004, où siégeaient :

Mme LORANT, présidente assesseur assurant la présidence de la chambre en application de l'article R.222-26 du code de justice administrative,

M. ZIMMERMANN, Mme FERNANDEZ, premiers conseillers,

assistés de Mme LOMBARD, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 14 septembre 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé : Nicole LORANT Signé : Elydia FERNANDEZ

Le greffier,

Signé : Marie Claire LOMBARD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Classement CNIJ : 60-01-04/ 36-10-06

C+

N° 00MA00561 8


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA00561
Date de la décision : 14/09/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme LORANT
Rapporteur ?: Mme Elydia FERNANDEZ
Rapporteur public ?: M. BOCQUET
Avocat(s) : SCP LOUNIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-09-14;00ma00561 ?
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