Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille
le 14 septembre 2000, sous le n° 00MA02064, présentée pour M. Claude X demeurant ... par la société W., J-L. et R. LESCUDIER, avocat ;
M. Claude X demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 98-8565 en date du 13 juin 2000, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à la condamnation de l'Assistance publique à Marseille à lui payer la somme de 1 833 300 F avec intérêt au taux légal en réparation du dommage subi à la suite de l'intervention chirurgicale pratiquée le 11 janvier 1994 au Centre hospitalier de la Timone, outre une somme de 15 000 F au titre des frais d'instance ;
Classement CNIJ : 60-02-01-01-01-01-04
C
2°/ de condamner l'Assistance publique à Marseille à lui payer la somme de 1 833 300 F avec intérêts au taux légal en réparation du dommage subi à la suite de l'intervention chirurgicale pratiquée le 11 janvier 1994 au Centre hospitalier de la Timone, outre une somme de 25 000 F au titre des frais d'instance et de mettre à sa charge exclusive les dépens y compris les frais d'expertise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 2004 :
- le rapport de Mme MASSE-DEGOIS, conseillère ;
- les observations de Me Le Floch substituant Me Depieds pour la Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône ;
- et les conclusions de M. TROTTIER, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Claude X, alors âgé de 43 ans, a été admis au Centre hospitalier universitaire de la Timone en vue d'y subir le 11 janvier 1994 une cardiomyosplastie associée d'un pontage coronarien avec pose d'un ballon de contrepulsion ; que suite à l'intervention pratiquée, le patient a présenté dès le lendemain une ischémie de la jambe droite qui s'est aggravée suite à un arrêt cardiaque prolongé de 35 minutes lié à une fibrillation ventriculaire ; que cette aggravation de l'ischémie a conduit à l'amputation de la jambe droite du patient ; que le tribunal administratif de Marseille a, par un jugement en date du 13 juin 2000, rejeté sa requête à fin d'indemnisation de son préjudice né de l'amputation de sa jambe en l'absence de faute de l'hôpital de la Timone ; que M. X fait appel de cette décision ;
Considérant que si M. X soutient que l'expert nommé par le tribunal ne disposait pas de tous les documents pré-opératoires et notamment des coronographies réalisées
les 18 octobre et 22 novembre 1993, il ressort cependant du rapport déposé au greffe du tribunal le 18 juillet 1997 que l'expert a eu connaissance des résultats de ces examens ; que par suite, le moyen manquant en fait, sera écarté ; que si le requérant fait par ailleurs valoir qu'un certain nombre de documents capitaux contenus dans son dossier médical ne lui auraient pas été remis, cette allégation n'est cependant pas assortie de précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé ; qu'enfin, comme l'ont relevé les premiers juges, M. X a été mis en état de discuter des conclusions du rapport de l'expertise ; qu'ainsi, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté ;
Sur la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné en référé par le tribunal, que M. X était porteur d'une lésion d'une des artères du coeur qui avait détruit une partie de son muscle cardiaque et que l'intéressé présentait tous les critères permettant de l'orienter vers une cardiomyosplastie, en particulier en raison des signes objectifs révélés par le bilan pré-opératoire qui a été complètement réalisé ; que, l'absence d'examen Doppler se justifiait, au cas d'espèce, par le relatif jeune âge du patient et la constatation clinique de la présence de pouls artériels parfaitement perçus ; que, d'autre part, selon ce même rapport, la proposition d'assistance bio-mécanique par cardiomyosplastie et la nécessité d'une contrepulsion distolique pour pallier toute possibilité de défaillance cardiaque dans la période per et post-opératoire immédiate étaient justifiées et de nature à augmenter de façon significative la durée de vie du patient ; que les traitements et les soins pré, per et post-opératoires prodigués à l'occasion de l'opération litigieuse ont été diligents et conformes aux données acquises par la science médicale ; qu'il suit de là qu'aucune faute médicale ne peut être retenue à l'encontre de l'Assistance publique à Marseille ;
Considérant, en second lieu, que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans les conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise précité, que les cardiomyosplasties et les pontages coronariens, même effectués dans les règles de l'art, présentent des risques connus d'ischémie de 5 à 20 % selon les équipes chirurgicales dès lors qu'un ballon de contrepulsion aortique est posé en vue de prévenir une insuffisance cardiaque ; que, d'autre part, selon l'homme de l'art, l'arrêt cardiaque qui est à l'origine de l'aggravation de l'ischémie de la jambe de M. X est lié à une fibrillation ventriculaire, trouble du rythme faisant partie également des complications possibles de la cardiomyosplastie surtout si elle est associée à un pontage coronarien ; qu'il n'est pas contesté que M. X n'a pas été informé préalablement de l'existence de ces risques ; que ce défaut d'information a constitué une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'assistance publique à Marseille à l'égard du requérant ;
Considérant toutefois, qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que l'état de santé de
M. X nécessitait une intervention dès lors que le muscle cardiaque du patient ne laissait plus passer que 5 % du débit artériel, et d'autre part, qu'il n'y avait pas d'alternatives thérapeutiques moins risquées que l'opération réalisée qui était justifiée ; que, par suite, la faute commise par l'Assistance publique à Marseille n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, de perte de chance pour M. X, de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé ; qu'aucune indemnisation n'est, par conséquent, due à ce titre ;
Considérant enfin, que M. X se prévaut de l'aléa thérapeutique tel qu'issu de la loi du 4 mars 2002 et codifié à l'article L.1142-1 du code de la santé publique en soutenant qu'il a été victime d'un accident médical survenu à la suite de l'exécution d'un acte médical sans rapport avec son état initial et avec l'évolution prévisible de cet état ; que toutefois, il résulte de l'instruction que M. X était porteur d'une lésion artérielle qui avait détruit une partie de son muscle cardiaque et que ce dernier ne laissait plus passer que 5 % du débit artériel ; que l'aggravation de l'ischémie de sa jambe droite apparue à la suite de la cardiomyosplastie pratiquée et qui a nécessité l'amputation de son membre ne peut donc être regardée comme sans rapport avec son état initial ou avec l'évolution prévisible de cet état ; que, par suite, la responsabilité sans faute de l'Assistance publique à Marseille ne peut être engagée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que ni M. X ni la Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône ne sont fondés à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de réparation des préjudices subis par
M. X à la suite de l'intervention chirurgicale du 11 janvier 1994 pratiquée à l'hôpital de la Timone ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge définitive de l'Assistance publique à Marseille le montant des frais d'expertise qui s'élèvent à la somme de 812,55 euros (5 330 F) ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Assistance publique à Marseille, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à M. Claude X et à la Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. Claude X est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône sont rejetées.
Article 3 : Les frais d'expertise d'un montant de 812,55 euros sont mis à la charge définitive de l'Assistance publique à Marseille.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Claude X, à l'Assistance publique à Marseille et à la Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Copie sera adressée à Me le Prado, à la SCP Depieds-Lacroix, à M. Keusseyan-Bonacina, au préfet des Bouches du Rhône et au ministre de la santé et de la protection sociale.
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N° 00MA02064