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05/07/2004 | FRANCE | N°00MA00628

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 05 juillet 2004, 00MA00628


Vu l'arrêt en date du 6 mars 2000 par lequel le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 21 février 1995 de la Cour administrative de Lyon en tant qu'il rejette les conclusions de M. X tendant à mettre en cause la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Nice, renvoyé devant la Cour administrative d'appel de Marseille le jugement des conclusions de M. X dirigées contre le jugement du 30 juin 1992 du tribunal adminstratif de Nice et tendant à mettre en cause la responsabilité pour faute du centre hospitalier régional de Nice, et rejeté le surplus des conclusions de M. X ;
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Vu l'arrêt en date du 6 mars 2000 par lequel le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 21 février 1995 de la Cour administrative de Lyon en tant qu'il rejette les conclusions de M. X tendant à mettre en cause la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Nice, renvoyé devant la Cour administrative d'appel de Marseille le jugement des conclusions de M. X dirigées contre le jugement du 30 juin 1992 du tribunal adminstratif de Nice et tendant à mettre en cause la responsabilité pour faute du centre hospitalier régional de Nice, et rejeté le surplus des conclusions de M. X ;

Vu l'arrêt en date du 21 février 1995 par lequel la Cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la requête de M. X tendant à l'annulation du jugement en date du 30 juin 1992 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier régional de Nice soit condamné à réparer les conséquences dommageables des interventions chirurgicales qu'il a subies les 7 et 10 mars 1986 ;

Classement CNIJ : 60-02-01-01-01-01-04

C

............................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2004 :

- le rapport de M. MARCOVICI, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. TROTTIER, commissaire du gouvernement ;

Sur la faute du centre hospitalier :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'une intervention chirurgicale destinée à traiter par arthrodèse vertébrale la lombalgie et la sciatalgie droite dont M. X était atteint, un hématome extradural s'est formé, provoquant chez l'intéressé des douleurs et des troubles fonctionnels importants ainsi qu'une invalidité évaluée à 55% ; qu'il résulte de l'instruction que l'opération a été conduite conformément aux règles de l'art compte tenu des techniques habituellement utilisées à l'époque ; qu'aucune faute médicale ne peut être relevée à l'encontre du centre hospitalier ;

Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ; qu'il résulte de l'instruction que M. X n'a pas été informé des risques inhérents à l'opération ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant que M. X a perçu en 1985 une somme de 48.000 francs à raison de son activité professionnelle ; qu'il résulte de l'instruction que les frais médicaux et pharmaceutiques résultant directement des conséquences dommageables de l'intervention s'élèvent à un montant de 492.327 francs ; que le taux d'incapacité résultant de l'opération doit être évalué à 50% et le préjudice subi à ce titre à une somme de 76.224, 51 euros ; qu'ainsi le préjudice corporel subi par M. X s'élève à 151.279, 28 euros ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice d'agrément, ainsi que des souffrances physiques endurées à la suite de l'intervention et du préjudice esthétique en le fixant à 22.867, 35 euros ;

Considérant que la faute commise par les praticiens de l'hôpital a entraîné pour M. X la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; que la réparation du dommage résultant pour M. X de la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis ; que, compte tenu des risques inhérents à l'intervention dont l'objet était d'atténuer les douleurs ressenties par M. X, cette fraction doit être fixée au cinquième ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. X en le fixant à 30.255, 86 euros au titre du préjudice relatif à l'atteinte à l'intégrité physique et à 4.573, 47 euros au titre des autres dommages ;

Sur les droits de la caisse maladie régionale Côte d'Azur :

Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : Si la responsabilité d'un tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément ; qu'il résulte de ces dispositions que le recours de la caisse s'exerce sur les sommes allouées à la victime en réparation de la perte d'une chance d'éviter un préjudice corporel, la part d'indemnité de caractère personnel étant seule exclue de ce recours ; que, par suite, la caisse maladie régionale Côte d'Azur, qui justifie du versement d'une somme totale de 75.054, 77 euros au titre des débours résultant des suites dommageables pour son assuré de l'opération pratiquée par l'hôpital, a droit au remboursement des frais exposés par elle à hauteur de la somme de 30.255, 86 euros ; que, dès lors, il y a lieu de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nice à verser à ladite caisse la somme de 30.255, 86 euros ;

Considérant que M. X a donc droit à la somme de 4.573, 47 euros, allouée au titre du préjudice personnel qui a résulté pour lui de la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que la caisse maladie régionale Côte d'Azur a droit aux intérêts de la somme de 30.255, 47 euros à compter du 15 avril 1987, date de sa demande ;

Considérant que M. X a droit aux intérêts de la somme de 4.573, 47 euros à compter du 16 janvier 1987, date de sa requête introductive d'instance devant le Tribunal administratif de Nice ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que M. X a demandé dans sa requête introductive d'instance devant la Cour administrative d'appel de Lyon du 18 septembre 1992 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date que, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que M. X n'a pas ensuite formulé de nouvelles demandes de capitalisation, à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que les expertises ont été prescrites afin de permettre au tribunal et à la Cour administrative de Lyon de se prononcer sur la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Nice ; que la présente décision retenant la responsabilité de l'établissement public, il y a lieu de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nice à rembourser à M. X les frais qu'il a exposés à ces différents titres ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code des tribunaux administratifs et de cours administratives d'appel : Dans les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer au centre hospitalier régional universitaire de Nice les sommes qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative de condamner le centre hospitalier régional universitaire de NICE à payer à M. X la somme de 4.000 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1 : Le centre hospitalier régional universitaire de Nice versera à M. X la somme de 4.573, 47 euros assortie des intérêts légaux à compter du 16 janvier 1987. Les intérêts échus à la date du 18 septembre 1992 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le centre hospitalier régional universitaire de Nice versera à la caisse maladie régionale Côte d'Azur la somme de 30.255, 86 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 1987.

Article 3 : Le centre hospitalier régional universitaire de Nice remboursera les frais d'expertise exposés par M. X devant le Tribunal administratif de Nice et devant la Cour administrative d'appel de Lyon.

Article 4 : Le centre hospitalier régional universitaire de Nice versera à M. X une somme de 4.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le jugement du Tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 6 : Les surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, au centre hospitalier régional universitaire de Nice, au ministre de la santé et de la protection sociale, et à la caisse maladie régionale Côte d'Azur.

Copie en sera adressée à Me Lombard, à Me Le Prado et au préfet des Alpes-Maritimes.

N° 00MA00628 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA00628
Date de la décision : 05/07/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : LOMBARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-07-05;00ma00628 ?
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