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06/05/2004 | FRANCE | N°00MA01480

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 06 mai 2004, 00MA01480


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 10 juillet 2000 sous le n°00MA01480, présentée pour Mme Eliane , demeurant lieudit ..., par Mes Colonna d'Istria et Gasior, avocats associés ;

Mme Eliane demande à la Cour :

1'/ de réformer le jugement n° 96252 du Tribunal administratif de Bastia en date du 12 mai 2000 en ce qu'il n'a condamné le Centre hospitalier de Bastia qu'à lui verser la somme de 150.000 francs en réparation du préjudice qu'elle a subi lors de l'opération chirurgicale du 12 février 1978 ;

2'/ de porter le montant

de la condamnation à la somme de 895.959 francs ;

3°/ de condamner le Centre h...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 10 juillet 2000 sous le n°00MA01480, présentée pour Mme Eliane , demeurant lieudit ..., par Mes Colonna d'Istria et Gasior, avocats associés ;

Mme Eliane demande à la Cour :

1'/ de réformer le jugement n° 96252 du Tribunal administratif de Bastia en date du 12 mai 2000 en ce qu'il n'a condamné le Centre hospitalier de Bastia qu'à lui verser la somme de 150.000 francs en réparation du préjudice qu'elle a subi lors de l'opération chirurgicale du 12 février 1978 ;

2'/ de porter le montant de la condamnation à la somme de 895.959 francs ;

3°/ de condamner le Centre hospitalier de Bastia à lui verser la somme de 8.000 francs au titre des frais exposés ;

Classement CNIJ : 60.02.01.01. 02.01.04

C

Elle soutient que le pretium doloris doit être évalué à 60.000 francs, compte tenu des quatre interventions et des nombreux examens qu'elle a dû subir ; que le préjudice esthétique doit être évalué à 10.000 francs, en l'état des cicatrices qui subsistent ; que les trois périodes d'ITT doivent être réparées à hauteur de 24.000 francs ; que le taux d'IPP doit être porté à 10% compte tenu des séquelles gynécologiques et sexuelles dont elle reste atteinte, ce qui justitifie une indemnité de 100.000 francs ; que la gêne dans la vie courante qu'elle subit depuis vingt ans justifie une indemnité de 500.000 francs ; qu'à défaut d'évaluation par l'expert de son préjudice sexuel, distinct de son incapacité permanente, celui ci doit être évalué à 200.000 francs ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 12 décembre 2000 par lequel la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Corse demande à la Cour de condamner le Centre hospitalier de Bastia à lui verser la somme de 146.968,40 francs, montant définitif des prestation servies à Mme X, ainsi que la somme de 5.000 francs au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'ordonnance du 24 janvier 1996 ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 18 novembre 2002, présenté pour le Centre hospitalier de Bastia par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, qui conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que Mme X ne justifie d'aucune perte de revenu pendant les périodes d'ITT, ni d'aucun frais de déplacement imputables à la faute commise par l'hôpital ; que la prétendue gêne dans la vie courante se confond avec les troubles dans les conditions d'existence résultant de l'IPP ; qu'il n'est pas établi que les troubles de caractère sexuel dont elle se plaint soient, à les supposer réels, la conséquence de la faute commise par l'hôpital ; que rien ne permet de remettre en cause le taux de 5% d'IPP proposé par l'expert, ni l'évaluation du préjudice esthétique issu de deux petites cicatrices et du pretium doloris lié à des interventions et examens qui ne sont pas tous liés à la faute commise par l'hôpital ;

Vu le mémoire enregistré le 18 juin 2003 par lequel Mme X confirme ses précédentes écritures et demande, en outre, à la Cour d'ordonner une nouvelle expertise afin de déterminer si l'intervention chirurgicale qu'elle a dû subir le 4 mars 1997, postérieurement à l'expertise, est imputable à la faute du centre hospitalier, de déterminer les périodes d'ITT subies à la suite des diverses interventions qu'elle a subies, et de dire que l'expert s'adjoindra le concours de tout psychiatre afin de déterminer le préjudice sexuel subi et l'imputabilité de l'état dépressif secondaire aux douleurs endurées par Mme X ;

Vu la lettre du 11 février 2004 par laquelle le président de la troisième chambre a avisé les parties de ce que la cour était susceptible de soulever d'office l'irrégularité du jugement attaqué, faute pour le tribunal administratif d'avoir mis en cause la Caisse primaire d'assurance maladie de Haute Corse ;

Vu le mémoire enregistré le 7 avril 2004, présenté pour Mme Eliane X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2004 :

- le rapport de M. GUERRIVE, président assesseur ;

- les observations de Me Colonna d'Istria pour Mme X et par Me DEMAILLY substituant Me Le Prado pour le Centre hospitalier de Bastia ;

- et les conclusions de M. TROTTIER, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que selon les dispositions de l'article L. 397 du code de la sécurité sociale, l'assuré social ou son ayant-droit, qui a été victime d'un accident n'entrant pas dans la catégorie des accidents du travail, doit indiquer sa qualité d'assuré social lorsqu'il demande en justice la réparation du préjudice qu'il a subi ; que cette obligation, sanctionnée par la possibilité reconnue aux caisses de sécurité sociale et au tiers responsable de demander pendant deux ans l'annulation du jugement prononcé sans que le tribunal ait été informé de la qualité d'assuré social du demandeur, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des caisses de sécurité sociale dans les litiges opposant la victime et le tiers responsable de l'accident ;

Considérant que devant le tribunal administratif de Bastia, Melle X, qui demandait au Centre hospitalier de Bastia réparation du préjudice subi du fait de la faute commise par cet établissement lors de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 12 février 1978, a indiqué qu'elle était salariée ; que le tribunal administratif, à qui la requérante avait indiqué les références de l'organisme de sécurité sociale dont elle dépendait, par lettre reçue le 20 mai 1996, n'a pas communiqué sa demande à la caisse qui lui servait les prestations ; qu'il a ainsi méconnu la portée de l'article L. 397 susrappelé du code de la sécurité sociale qui lui faisait obligation de mettre en cause l'organisme de sécurité sociale compétent dans le litige opposant Melle X au Centre hospitalier de Bastia ; qu'eu égard au motif qui a conduit le législateur à édicter ces prescriptions de l'article L. 397, la violation de ces dispositions constitue une irrégularité que la Cour, saisie de conclusions d'appel tendant à l'annulation du jugement qui lui est déféré, doit soulever d'office ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement rendu le 12 mai 2000 par le Tribunal administratif de Bastia ;

Considérant que la Cour ayant mis en cause la Caisse primaire d'assurance maladie de Haute Corse, il y a lieu d'évoquer l'affaire pour statuer immédiatement ;

Sur la recevabilité des conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse :

Considérant qu'en application de l'article R.811-7 du code de justice administrative, dans sa rédaction en vigueur à la date de la notification du jugement attaqué, les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés à peine d'irrecevabilité par l'un des mandataires mentionnés à l'article R.431-2 ; que, bien qu'elle ait été invitée à régulariser sa demande, la Caisse primaire d'assurance maladie de Haute Corse n'a pas constitué avocat ; que ses conclusions doivent, par suite, être rejetées comme irrecevables ;

Sur les conclusions dirigées contre la Société hospitalière assurances mutuelles :

Considérant que l'action directe ouverte à la victime d'un accident par l'article L.121-12 du code des assurances contre l'assureur de l'auteur responsable du dommage est distincte de son action en responsabilité envers ce dernier ; que, si ces deux actions sont fondées l'une et l'autre sur le droit de la victime à la réparation du préjudice qu'elle a subi, l'action directe ne poursuit que l'obligation de l'assureur à cette réparation, laquelle est une obligation de droit privé ; qu'il s'ensuit qu'elle relève de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire ; que les conclusions que dirige Melle X contre la Société hospitalière assurances mutuelles, assureur du Centre hospitalier de Bastia, doivent, dès lors, être rejetées comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le président du Tribunal administratif de Bastia que Melle Eliane X a été opérée le 12 février au Centre hospitalier de Bastia d'un kyste ovarien ; que les nombreuses complications apparues à la suite de cette intervention ont nécessité l'hospitalisation de la patiente à plusieurs reprises ; que, le 19 juillet 1984, lors d'une nouvelle opération, il a été constaté qu'une compresse avait été oubliée lors de l'opération de 1978 ; que ces circonstances révèlent une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ; que ce dernier doit, dès lors, être condamné à réparer les conséquences dommageables de cette faute ;

Sur le montant du préjudice indemnisable :

Considérant que la Cour dispose du fait de l'ensemble des données recueillies par l'instruction d'éléments suffisants pour statuer sur la demande ; qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'expertise complémentaire demandée ; que si la requérante se prévaut de pertes de revenus pour des périodes d'incapacité totale temporaire correspondant aux interventions chirurgicales qu'elle a dû subir, elle ne justifie ni de la réalité ni du montant de ces pertes de revenus ; que, compte tenu de la part sexuelle et psychologique des troubles dont Melle X reste atteinte, qui doit s'ajouter au taux d'incapacité permanente de 5% proposé par l'expert, du préjudice esthétique issu de l'existence de deux petites cicatrices sous ombilicales, et des souffrances physiques endurées par la victime du fait de plusieurs opérations chirurgicales et de la persistance de douleurs pelviennes, il ne sera pas fait une évaluation insuffisante des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence en fixant le montant du préjudice subi par Melle X à la somme de 25.000 euros ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que les frais d'expertise, dont le montant s'élève à 3.800 francs , doivent être mis à la charge du Centre hospitalier de Bastia ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le Centre hospitalier de Bastia à verser à Melle X la somme de 1.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Bastia en date du 12 mai 2000 est annulé.

Article 2 : Le Centre hospitalier de Bastia est condamné à verser à Melle Eliane X la somme de 25.000 euros.

Article 3 : Les frais d'expertise, d'un montant de 3.800 francs (579,31 euros), sont mis à la charge du Centre hospitalier de Bastia.

Article 4 : Le Centre hospitalier de Bastia versera à Melle X la somme de 1.000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie de Haute Corse et le surplus des conclusions de la requête de Melle Eliane X sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Melle Eliane X, au Centre hospitalier de Bastia, à la Caisse primaire d'assurance maladie de Haute Corse et à la Société hospitalière assurances mutuelles.

Copie en sera adressée à Me Colonna d'Istria, à Me Le Prado, au préfet de Haute-Corse et au ministre de la santé et de la protection sociale.

Délibéré à l'issue de l'audience du 8 avril 2004, où siégeaient :

M. DARRIEUTORT, président de chambre,

M. GUERRIVE, président assesseur,

M. CHAVANT, premier conseiller,

assistés de Melle MARTINOD, greffière ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 6 mai 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Jean-Pierre DARRIEUTORT Jean-Louis GUERRIVE

La greffière,

Signé

Isabelle MARTINOD

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la protection sociale en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 00MA01480


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA01480
Date de la décision : 06/05/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Jean-Louis GUERRIVE
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : PIERRE COLONNA D'ISTRIA ET NICOLE GASIOR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-05-06;00ma01480 ?
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