Vu la télécopie et la requête enregistrées, au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, respectivement le 7 novembre 2003 et le 13 novembre 2003, sous le n°'03MA002241 présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE TOULON LA SEYNE SUR MER représentée par son directeur en exercice par Me LE PRADO, avocat ;
Le CENTRE HOSPITALIER DE TOULON LA SEYNE SUR MER demande à la Cour d'annuler l'ordonnance en date du 27 octobre 2003, par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Nice, saisi d'une demande de provision par M. et Mme a fait droit à cette demande en condamnant le centre hospitalier à leur verser, outre la somme de 120.000 euros, en leur qualité d'administrateurs légaux des biens de leur fille mineure Jennifer, la somme de 15.000 euros à titre personnel, ainsi que 3.050 euros en leur qualité d'administrateurs de biens de leurs enfants Florian et Gaylord ;
Classement CNIJ : 54-03-015
C
Il soutient que la créance des requérants était atteinte par la prescription à la date à laquelle ils ont saisi le Centre hospitalier d'une demande d'indemnisation, que l'imputabilité des séquelles de l'enfant Jennifer aux manquements du centre hospitalier est très sérieusement contestable dès lors que la preuve d'une faute incontestée qui soit à l'origine du préjudice de la jeune fille n'a pas été rapportée ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu, enregistré au greffe de la cour le 6 février 2004 le mémoire en défense présenté pour M. et Mme Y... , Jennifer , et Florian et Gaylord demeurant Le Chesnay (78150), 40, ter boulevard Saint Antoine, par Me X..., avocat ; ils concluent au rejet de la requête et à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER DE TOULON LA SEYNE-SUR-MER à leur verser la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ; ils soutiennent que l'exception de prescription quadriennale a été soulevée tardivement, que la prescription ne court qu'à compter de la date de consolidation de l'état de la victime, que le rapport d'expertise établit suffisamment l'existence d'une créance non sérieusement contestable envers le centre hospitalier ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
Vu la loi n° 2002-03 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 2004 :
- les observations de Me Z... substituant Me LE PRADO ;
- le rapport de M. DARRIEUTORT, président ;
- et les conclusions de M. TROTTIER, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ;
Sur l'exception de prescription :
Considérant que l'article L. 1142-28, inséré dans la section 6 du chapitre II du titre IV du livre 1er de la première partie du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dispose que les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage ; que le deuxième alinéa de l'article 101 de ladite loi dispose que les dispositions de la section 6 du chapitre II du titre IV du livre 1er de la première partie du (code de la santé publique) sont immédiatement applicables, en tant qu'elles sont favorables à la victime ou à ses ayants droit, aux actions en responsabilité, y compris aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable (...) ; qu'en prévoyant à l'article 101 de la loi du 4 mars 2002 que les dispositions nouvelles de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique relatives à la prescription décennale en matière de responsabilité médicale sont immédiatement applicables, en tant qu'elles sont favorables à la victime ou à ses ayants droit, aux actions en responsabilité, y compris aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, le législateur a entendu porter à dix ans le délai de prescription des créances en matière de responsabilité médicale, qui n'étaient pas déjà prescrites à la date d'entrée en vigueur de la loi et qui n'avaient pas donné lieu, dans le cas où une action en responsabilité avait été engagée, à une décision irrévocable ; que l'article 101 de cette loi n'a cependant pas eu pour effet, en l'absence de dispositions le prévoyant expressément, de relever de la prescription celles de ces créances qui étaient prescrites en application de la loi du 31 décembre 1968 à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si en novembre 1991 a été posé le diagnostic d'infirmité motrice cérébrale que présentait Jennifer, alors âgée de 6 ans, ce n'est qu'en juin 1999, date à laquelle a été établie, à la demande des époux , une note technique par un médecin, que ceux-ci ont été en mesure de connaître le lien de cause à effet susceptible d'exister entre le handicap et les conditions dans lesquelles s'est déroulé le 12 novembre 1985 l'accouchement dont ils entendent imputer la responsabilité au CENTRE HOSPITALIER DE TOULON LA SEYNE SUR MER, et ainsi, l'existence à l'encontre du centre hospitalier, d'une créance qui serait née de la faute commise en 1985 ; que, dès lors, l'exception de prescription opposée par ledit centre le 13 novembre 2002 à la demande de provision des époux , n'était pas fondée ; que, par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la créance des époux serait atteinte par la prescription prévue par la loi du 31 décembre 1968 ;
Sur l'obligation :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné en référé que les manquements fautifs constatés lors de l'accouchement de Mme le 12 novembre 1985 sont en relation directe avec les séquelles présentées par la jeune Jennifer ; qu'en l'état de l'instruction, l'existence de l'obligation du CENTRE HOSPITALIER DE TOULON LA SEYNE SUR MER à l'égard de M. et Mme , pris en leur nom propre et en qualité d'administrateurs légaux des biens de leur fille Jennifer, n'est pas sérieusement contestable ;
Mais considérant, en revanche, que le préjudice que les enfants Florian et Gaylord ont subi en raison des perturbations de la vie familiale nées du handicap de leur soeur Jennifer ne présente pas un lien direct de causalité avec la faute imputée au centre hospitalier ; que, par suite, le centre hospitalier est fondé à soutenir que son obligation sur ce point ne peut être regardée comme non sérieusement contestable ; qu'il y a lieu, dès lors, de rejeter la demande de M. et Mme ayant cet objet et de réformer l'ordonnance attaquée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER DE TOULON LA SEYNE SUR MER est seulement fondé à demander la réformation de l'ordonnance attaquée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative, de condamner le CENTRE HOSPITALIER DE TOULON LA SEYNE SUR MER à payer à M. et Mme la somme de 2.000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'article 4 de l'ordonnance n° 024767 en date du 27 octobre 2003 du magistrat délégué chargé des référés du Tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions du CENTRE HOSPITALIER DE TOULON LA SEYNE SUR MER est rejeté.
Article 3 : Le CENTRE HOSPITALIER DE TOULON LA SEYNE SUR MER est condamné à verser à M. et Mme la somme de 2.000 euros au titre des frais d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER DE TOULON LA SEYNE SUR MER et à M. et Mme et au ministre de la défense ;
Copie en sera notifiée au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, à Me LE PRADO et à Me X....
Délibéré à l'issue de l'audience du 25 mars 2004, où siégeaient :
M. DARRIEUTORT, président de chambre,
M. CHAVANT, premier conseiller,
M. MARCOVICI, premier conseiller,
assistés de M. BOISSON, greffier.
Prononcé à Marseille, en audience publique le 8 avril 2004 :
Le président assesseur, L'assesseur le plus ancien,
Signé Signé
Jean-Pierre DARRIEUTORT Jacques CHAVANT
Le greffier,
Signé
Alain BOISSON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 03MA002241