Vu la télécopie reçue le 4 novembre 1999 et le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel le 9 novembre 1999 sous le n° 99MA02138, par lequel le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :
1'/ d'annuler le jugement du 15 juin 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a déchargé Melle Patricia Y des droits complémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1994, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1989, 1990 et 1991 ;
Classement CNIJ : 19-04-02-01
19-06-02-08-01
C+
2°/ de remettre à la charge de Melle Y les impositions suivantes :
En matière d'impôt sur le revenu :
- 101.272 francs dont 31.928 francs de pénalités au titre de 1989 ;
- 111.289 francs dont 29.831 francs de pénalités au titre de 1990 ;
- 246.128 francs dont 67.177 francs de pénalités au titre de 1991 ;
En matière de taxe sur la valeur ajoutée :
- 71.587 francs de droits et 36.532 francs de pénalités pour la période du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1991 ;
- 5.704 francs de droits et 936 francs de pénalités au titre de la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1994 ;
Il soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la méthode suivie par le vérificateur pour reconstituer le chiffre d'affaires réalisé par Melle Y permettait de prendre en compte la diversité et les caractéristiques des articles produits dans l'atelier de faïencerie de la requérante, sous réserve de l'admission d'un taux global de pertes qui peut être porté à 50 %, alors que les lacunes et irrégularités relevées dans la comptabilité ne peuvent pas justifier les recettes déclarées ; que la remise en cause de l'abattement CGA et les pénalités exclusives de bonne foi sont justifiées par l'importance et la nature des redressements et par les irrégularités comptables ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 10 janvier 2003, présenté pour Melle Patricia Y, demeurant ..., par Me PALOUX, avocat ;
Melle Y conclut au rejet du recours du ministre et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 3.049 Euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que le recours du ministre est tardif et qu'il est insuffisamment motivé par le rappel pur et simple du mémoire de première instance et l'absence de critique du jugement attaqué, complété par un ajustement du calcul des pertes, qui ne fait que confirmer l'inexactitude de la méthode utilisée ; que, subsidiairement, elle se réfère à son mémoire en réplique de première instance ; que l'administration n'a pas apporté la preuve, qui lui incombe, de l'existence de graves irrégularités dans la comptabilité présentée, alors surtout que le détail des recettes est justifié par les bordereaux bancaires correspondants, que l'absence de ventilation des recettes par taux de TVA n'affecte qu'une partie de l'année 1990 ; que l'administration n'apporte pas plus la preuve, qui lui incombe également, dès lors que l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'a pas été suivi, du bien fondé de la reconstitution opérée par le vérificateur ; que le caractère excessivement sommaire de cette méthode est confirmé par le fait que l'administration l'a rectifiée en appel en ce qui concerne le calcul des pertes ; qu'il résulte également de l'utilisation d'un seul élément de prix de revient pour évaluer les recettes, et de la faiblesse de l'échantillonnage utilisé ; que la seconde méthode utilisée par le vérificateur est tout aussi sommaire ; que les pénalités sont insuffisamment motivées et ne reposent sur aucune preuve de l'absence de bonne foi ;
Vu le mémoire enregistré le 14 avril 2003 par lequel le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE confirme ses précédentes écritures, et fait valoir, en outre, que le recours enregistré le 4 novembre 1999 n'est pas tardif, dès lors que le jugement a été notifié le 8 juillet 1999 ; que le recours contient une critique expresse du jugement attaqué, et que le nouvel exposé des arguments de l'administration ne fait qu'étayer cette critique ; que le mémoire en réplique produit en première instance, auquel se réfère la requérante, n'a pas été communiqué à l'administration, alors qu'il semble contenir des éléments qui ont influé sur la solution du litige ; qu'il en résulte que le jugement attaqué est irrégulier pour ce motif ;
Vu le mémoire enregistré le 19 mai 2003 par lequel Melle Patricia Y confirme ses précédentes écritures et fait, en outre, valoir que le mémoire en réplique produit devant les premiers juges ne contenait ni conclusions ni moyens nouveaux ;
Vu le mémoire enregistré le 6 juin 2003 par lequel le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE confirme ses précédentes écritures, et fait valoir, en outre, que les bordereaux bancaires assortis du livre de caisse ne peuvent justifier du détail des recettes, alors surtout que rien ne justifie du détail des recettes espèces ; que la contribuable ne propose aucune méthode plus exacte que celle qu'elle critique ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mars 2004 :
- le rapport de M. GUERRIVE, président assesseur ;
- les observations de Me PALOUX pour Melle Y ;
- et les conclusions de M.TROTTIER, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité du recours du ministre :
Considérant que le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a été enregistré au greffe de la cour administrative d'appel le 4 novembre 1999, dans le délai d'appel de deux mois dont il dispose, à compter de l'expiration du délai de deux mois imparti au service local pour lui transmettre le jugement attaqué, notifié le 8 juillet 1999, en vertu de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales ;
Considérant que le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, même s'il reprend, en partie, les termes du mémoire en défense présenté par le directeur des services fiscaux en première instance, critique expressément le motif retenu par les premiers juges pour faire droit à la demande de Melle Y ; que cette dernière n'est, par suite, pas fondée à soutenir que ce recours serait irrecevable pour être insuffisamment motivé ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le Tribunal administratif de Marseille n'a pas communiqué à l'administration le mémoire en réplique produit par Melle Y avant la clôture de l'instruction ; que si le moyen retenu par les premiers juges était exposé dans la requête introductive d'instance et les pièces qui y étaient jointes, le mémoire en réplique contenait toutefois de très abondants développements de ce même moyen, auxquels l'administration n'a pas été en mesure de répondre ; qu'il en résulte que le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière, et doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer pour statuer immédiatement sur la requête présentée par Melle Y devant le Tribunal administratif de Marseille ;
Sur le bien fondé des impositions litigieuses :
Considérant qu'aux termes de l'article L.192 du livre des procédures fiscales : Lorsqu'une des commissions visées à l'article L.59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité présente de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'imposition litigieuse n'a pas été établie conformément à l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'ainsi, et alors même que la comptabilité de Melle Y est entachée de graves irrégularités, il appartient à l'administration d'apporter la preuve du bien-fondé des redressements des sommes déclarées par Melle Y concernant le chiffre d'affaires et les résultats de son activité pour les années 1989, 1990 et 1991 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour reconstituer les recettes de l'activité de fabrication et de ventes de faïences exercée à Moustiers Sainte Marie par Melle Y, le vérificateur s'est fondé sur des coefficients appliqués au montant des achats hors taxe de terre effectués par la contribuable ; que, pour établir ces coefficients, il a observé le processus de fabrication de treize articles afin de déterminer le poids de terre utilisée pour chacun d'entre eux ; qu'il a ensuite fait peser 67 articles exposés à la vente et a calculé, après déduction du poids de l'émaillage, le poids de terre les composant ; qu'il a ainsi obtenu, compte tenu des prix de vente observés, et après pondération des différentes catégories de produits selon leur prix de vente, un coefficient de 20 pour les biscuits non émaillés, et à un coefficient moyen de 120 pour les faïences finies ; qu'après déduction de pertes de terre au cours du processus de fabrication, des vols et des pertes, il a appliqué ces coefficients au montant des achats de terre hors taxe ;
Considérant que si cette méthode repose, comme toute méthode de reconstitution, sur un certain nombre de choix, l'effet de ces choix est, en l'espèce, considérablement amplifié par la faiblesse de la part de la terre dans le prix de revient de chaque article ; qu'il en résulte que l'administration ne peut, en l'espèce, être regardée comme apportant la preuve de l'exactitude de cette reconstitution que si elle est en mesure de justifier l'ensemble des choix opérés par le vérificateur ;
Considérant que le vérificateur a retenu un taux moyen de pertes de terre de 33% ; que l'administration admet que ce taux est insuffisant et propose de le porter à 50 %, comme en était d'avis la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, sans toutefois justifier ce taux ; que l'administration ne justifie pas davantage la pondération des différentes catégories de produits vendus ni la représentativité de l'échantillon ayant servi au calcul des coefficients ; que, dès lors que la moindre variation de ces différents paramètres a des conséquences considérables sur le montant des recettes reconstituées, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve du bien fondé des redressements litigieux ; que, par suite, Melle Y est fondée à demander la décharge des impositions litigieuses ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à Melle Y la somme de 2.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille n° 96 1280, 96-1281 et 96 4457 en date du 15 juin 1999 est annulé.
Article 2 : Melle Patricia Y est déchargée des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1994, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1989, 1990 et 1991.
Article 3 : L'Etat (MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE) versera à Melle Y la somme de 2.000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à Melle Patricia Y.
Copie en sera adressée au Trésorier-payeur-général des Alpes de Haute Provence, et à Me Paloux.
Délibéré à l'issue de l'audience du 11 mars 2004, où siégeaient :
M. DARRIEUTORT, président de chambre,
M. GUERRIVE, président assesseur,
M. CHAVANT, premier conseiller,
assistés de Melle MARTINOD, greffière ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 25 mars 2004.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
Jean-Pierre DARRIEUTORT Jean-Louis GUERRIVE
La greffière,
Signé
Isabelle MARTINOD
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
2
N° 99MA02138