Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 31 juillet 2000 sous le n° 00MA01691, la requête présentée pour la société CANNES AQUACULTURE E.A.R.L. dont le siège est ..., par Maître Michel Y..., avocat au barreau de Grasse ;
Classement CNIJ : 24-01-02-01-01-01
C
La société CANNES AQUACULTURE E.A.R.L. demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 98-5407 / 99-705 / 99-719 / 99-720 et 99-742 en date du 28 mars 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nice, d'une part, a annulé, à la demande de la S.A. Hôtel Saint-Christophe, de la S.C.I. du Moulin Dessus, du DB et des consorts B..., les arrêtés en date du 8 octobre 1998 et du 21 décembre 1998 par lesquels le préfet des Alpes-Maritimes l'a autorisée à exploiter sur le domaine public maritime, baie de la Figueirette à Théoule-sur-mer, des cultures marines en cages immergées, et l'arrêté en date du 18 décembre 1998 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a autorisée à exploiter une écloserie de poissons sur des terrains exondés situés sur le domaine public maritime à Théoule-sur-mer et à effectuer une prise d'eau pour alimenter cet établissement, et, d'autre part, a enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de prendre dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement, toute mesure qu'il jugera utile en vue de faire cesser l'occupation illégale du domaine public maritime ;
2°/ de rejeter les demandes présentées par la S.A. Hôtel Saint-Christophe, la S.C.I. du Moulin Dessus, le C et les consorts B... devant le Tribunal administratif de Nice ;
Elle soutient que le moyen retenu par le tribunal administratif et tiré de ce que la durée d'inscription des observations dans le cadre de l'enquête publique n'aurait pas été respectée manque en fait ; qu'en effet, s'agissant de l'arrêté du 18 décembre 1998, l'enquête a eu une durée de 17 jours au total et 46 observations ont été portées sur le registre d'enquête ; qu'il en est de même pour l'arrêté du 21 décembre 1998 ; que ce dernier arrêté ayant le même objet que celui du 8 octobre 1998, il n'existait aucun motif pour que l'administration exige le dépôt d'une nouvelle demande et procède à une deuxième enquête publique ; que la commune de Théoule-sur-mer, à deux reprises, a expressément manifesté par écrit son accord pour la continuation de ces activités, le 1er juillet 1998 et le 24 mars 1999 ; qu'ainsi, les dispositions de l'article 29 de la loi du 3 janvier 1986 ont été respectées ; que la prise d'eau de mer a été autorisée par arrêté du 18 décembre 1998, ce qui est conforme à l'article R.631(6 du code des ports maritimes puisque l'autorisation ne peut être accordée qu'une fois que l'autorisation d'exploitation a été consentie ; que l'indication de l'emplacement précis de la concession avec sa surface de 951 m2 figure dans la convention d'occupation du domaine public maritime de compétence communale du 25 mars 1999 ; que les bâtiments existants ont été conservés en l'état lors de la reprise d'activité par la société CANNES AQUACULTURE ; que la demande des exploitants de l'entreprise CANNES AQUACULTURE concernait également dès l'origine la partie terrestre constituée par le terre-plein et la prise d'eau de mer ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré au greffe de la Cour le 6 octobre 2000, le mémoire en défense présenté pour Mme Johanna B..., Mlle Suzanne B... épouse E et M. Stéphane B..., demeurant ... par la S.C.P. C... et C..., avocats au barreau de Paris ;
Ils concluent au rejet de la requête ;
Ils font valoir que la durée d'inscription des observations sur le registre d'enquête publique, fixée à quinze jours par l'article 8, alinéa 5, du décret n° 83-228 du 22 mars 1983, n'a pas été respectée, puisque l'enquête publique s'est terminée le 24 décembre 1997 à 12 heures ; que l'arrêté préfectoral du 18 décembre 1998 aurait dû être précédé d'une autre enquête publique ; que la société CANNES AQUACULTURE devait obtenir du maire de Théoule-sur-mer une autorisation d'occupation du domaine public portuaire, conformément aux dispositions de l'article 29 de la loi du 3 janvier 1986 ; que la délibération du conseil municipal de Théoule-sur-mer en date du 1er juillet 1998 n'autorise pas la société CANNES AQUACULTURE à effectuer une prise d'eau alors qu'aucun plan de situation est annexé à cette délibération ; que l'arrêté du 18 décembre 1998 ne comporte aucune précision quant à l'emplacement de la prise d'eau de mer et des 1000 m2 de domaine public maritime concédés ; que s'agissant des bâtiments présents sur la concession, tous n'ont pas été autorisés, la structure à terre ayant une superficie supérieure à 1000 m2 ; que la société CANNES AQUACULTURE ne produit pas la demande d'autorisation concernant la prise d'eau de mer, alors que cette prétendue demande ne saurait valoir pour les terrains exondés concernés par l'arrêté du 18 décembre 1998, qu'à titre subsidiaire, le dirigeant et les détenteurs de la majorité du capital de la société CANNES AQUACULTURE ne satisfont pas aux conditions de l'article 5-4 du décret du 22 mars 1983 ; que les arrêtés du 18 décembre et des 21 décembre 1998 sont insuffisamment motivés ; que ces arrêtés signés par le directeur départemental des affaires maritimes sont illégaux, la délégation de signature donnée par le préfet à ce fonctionnaire n'ayant pas été publiée ; que l'exploitation de cette forme aquacole porte atteinte à l'environnement et méconnaît l'article 6 du décret du 9 janvier 1952 ; que cette exploitation est incompatible avec le plan d'occupation des sols de la commune de Théoule-sur-mer, le port de Figueirette étant classé en zone ND (protection de la nature) et en zone Ufa (activité balnéaire) ; qu'elle l'est également avec la Z.N.I.E.F.F. ; que la société CANNES AQUACULTURE a commis une contravention de grande voirie en s'installant sur le site, dès le mois de juillet 1997, sans autorisation préalable ; que l'exploitation aurait dû faire l'objet d'une autorisation au titre des installations classées dès lors qu'elle produit un volume supérieur à 20 tonnes par an ;
Vu, enregistré au greffe de la Cour le 30 octobre 2003, le mémoire en défense présenté pour la société Hôtel Saint-Christophe S.A., dont le siège est ..., la S.C.I. du Moulin Dessus dont le siège est ... et le C demeurant ... par maître Philippe A..., avocat au barreau de Grasse ;
Ils concluent au rejet de la requête ;
Ils font valoir que le délai légal minimum de l'enquête publique n'a pas été respecté ; qu'il convenait de mettre en oeuvre une nouvelle enquête publique préalablement à l'édition de l'arrêté préfectoral du 21 décembre 1998, dès lors que l'arrêté précédent du 8 octobre 1998 avait été abrogé ; que la commune de Théoule-sur-mer n'a pas donné son accord préalable à l'exploitation ; que l'arrêté du 18 décembre 1998 ne comporte aucune précision quant à l'emplacement de la prise d'eau de mer, ainsi que celui des 1000 m2 de domaine public maritime ; que l'enquête n'a pas concerné l'ensemble des autorisations ;
Vu, enregistré au greffe de la Cour le 14 octobre 2003, le mémoire présenté pour les consorts B..., par maître C..., avocat ;
Ils maintiennent leurs conclusions à fin de rejet de la requête ;
Vu, enregistré au greffe de la Cour le 6 février 2004, le mémoire présenté pour l'entreprise CANNES AQUACULTURE EARL, dont le siège est ... par maître Gérard X..., avocat au barreau de Nice ;
Elle maintient ses conclusions à fin d'annulation et à la condamnation des consorts B..., de la S.A. Hôtel Saint-Christophe, de la S.C.I. du Moulin Dessus et du Sheik el khereiji à lui verser chacun, la somme de 1.500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que tous les associés de l'entreprise réunissent les conditions pour exploiter ce type d'établissement ; qu'ils ont notamment la formation et l'expérience professionnelle requises par les dispositions du décret n° 83-228 du 22 mars 1983 ; que l'autorisation n'avait pas à être motivée ; que le signataire de l'acte avait une délégation régulière pour ce faire ; que cette exploitation ne porte pas atteinte à l'environnement ; qu'elle n'entre pas dans le cadre de l'article 28 de la loi 3 janvier 1986 sur le littoral ; qu'elle n'est pas incompatible avec le plan d'occupation des sols, ni d'ailleurs avec le plan local d'urbanisme ; que la délimitation d'une Z.N.I.E.F.F. n'a pas une portée réglementaire opposable aux tiers ; que l'éventuelle commission d'une contravention de grande voirie est sans influence sur la légalité des arrêtés attaqués ; que rien ne s'oppose à ce que la situation soit régularisée ; qu'il ne peut y avoir ainsi de détournement de pouvoir ; que tous les développements relatifs à la législation sur les installations classées sont inopérants ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret du 21 février 1852 ;
Vu le décret n° 83-228 du 22 mars 1983 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 février 2004
- le rapport de M. LAFFET, président assesseur ;
- les observations de Me X... de la S.C.P. GERARD-GERMANI pour la société CANNES AQUACULTURE EARL ;
- les observations de Me Z... substituant le cabinet d'avocats A... pour la S.A. HOTEL SAINT-CHRISTOPHE, pour la S.C.I. du Moulin Dessus et pour le C et substituant également la S.C.P. C... et C... pour les consorts B... ;
- et les conclusions de M. HERMITTE, premier conseiller ;
Considérant que par jugement en date du 28 mars 2000, le Tribunal administratif de Nice a annulé les arrêtés en date du 8 octobre 1998 et du 21 décembre 1998 par lesquels le préfet des Alpes-Maritimes a autorisé la société CANNES AQUACULTURE EARL à exploiter sur le domaine public maritime baie de la Figueirette à Théoule-sur-mer un élevage de poissons en cages immergées, ainsi que l'arrêté en date du 18 décembre 1998 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a autorisé cette même société à exploiter une écloserie de poissons sur des terrains exondés sur le domaine public maritime à Théoule-sur-mer et à effectuer une prise d'eau pour alimenter cet établissement, et a enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de prendre dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement toute mesure utile en vue de faire cesser l'occupation illégale du domaine public maritime ; que la société CANNES AQUACULTURE relève régulièrement appel de ce jugement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 du décret n° 83-228 du 22 mars 1983 fixant le régime de l'autorisation des exploitations de cultures marines : La demande fait l'objet d'une enquête administrative et d'une enquête publique à l'initiative du préfet sur proposition du chef du quartier des affaires maritimes - (...) L'enquête publique est ouverte dans la commune des lieux considérés et dans les communes limitrophes intéressées. - (...) L'ouverture de l'enquête est annoncée quinze jours à l'avance au moyen d'affiches signées par le chef du quartier des affaires maritimes et apposées aux lieux ordinaires maritimes et des mairies des communes intéressées. Ces affiches restent en place pendant toute la durée de l'enquête proprement dite qui est de quinze jours. Les demandes concurrentes peuvent être déposées pendant les quinze jours de l'affichage et les dix premiers jours de l'enquête proprement dite ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'une seule enquête publique portant à la fois sur la demande d'autorisation d'exploitation de cultures marines et sur la demande d'autorisation d'exploitation d'une écloserie de poissons sur un terrain exondé situé sur le port de la Figueirette à Théoule-sur-mer a été organisée du 15 décembre 1997 au 31 décembre 1997 ; que, toutefois, l'avis d'enquête publique, commun aux deux projets, précisait que les observations à faire sur ces derniers devaient être consignées avant le 25 décembre 1997 sur le cahier mis à la disposition du public dans les bureaux des affaires maritimes de Cannes et de Nice ou dans les mairies de Théoule-sur-mer, Saint-Raphaël et Mandelieu ; qu'ainsi, et alors que les locaux ont été fermés au public à partir du 24 décembre 1997 au soir, la durée effective de l'enquête n'a été que de dix jours quand bien même les registres mis à la disposition du public n'auraient été clos qu'à la date du 31 décembre 1997 ; qu'en conséquence, la durée de l'enquête, fixée à quinze jours par les dispositions précitées de l'article 8 du décret du 22 mars 1983, n'a pas été respectée ; qu'ainsi, l'enquête s'est déroulée dans des conditions irrégulières ; que cette irrégularité a vicié l'ensemble de la procédure au terme de laquelle ont été pris les arrêtés préfectoraux du 8 octobre 1998, 18 décembre 1998 et 21 décembre 1998 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société CANNES AQUACULTURE EARL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 28 mars 2000, le Tribunal administratif de Nice a annulé lesdits arrêtés et a enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de prendre dans un délai de six mois à compter de la notification de son jugement toutes mesures utiles en vue de faire cesser l'occupation illégale du domaine public maritime ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la S.A. Hôtel Saint-Christophe, les consorts B..., la S.C.I. du Moulin Dessus et le C, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnés à payer à la société CANNES AQUACULTURE EARL la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société CANNES AQUACULTURE EARL est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société CANNES AQUACULTURE EARL, à la S.A. Hôtel Saint-Christophe, à Mme Johanna B..., à Mme Suzanne B..., à M. Stéphane B..., à la S.C.I. du Moulin Dessus, au C et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré à l'issue de l'audience du 12 février 2004, où siégeaient :
M. ROUSTAN, président de chambre,
M. LAFFET, président assesseur,
Mme FEDI, premier conseiller ;
Assistés de Mme EJEA, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 26 février 2004
Le président, Le rapporteur,
Signé signé
Marc ROUSTAN Bernard LAFFET
Le greffier,
signé
Françoise EJEA
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
N° 00MA01691 2