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29/01/2004 | FRANCE | N°99MA00681

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 29 janvier 2004, 99MA00681


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 15 avril 1999 sous le n° 99MA000681, présentée pour la Commune de SALON DE PROVENCE, représentée par son maire en exercice à ce dûment autorisé par une délibération du conseil municipal en date du 1er juillet 1995 par Me Z..., avocat ;

La commune de SALON DE PROVENCE demande à la Cour :

1'/ d'annuler le jugement n° 95-4230 en date du 4 février 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation du certificat d'urbanisme positif dél

ivré le 20 avril 1995 par le maire de la commune de GRANS à la société SNC CA...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 15 avril 1999 sous le n° 99MA000681, présentée pour la Commune de SALON DE PROVENCE, représentée par son maire en exercice à ce dûment autorisé par une délibération du conseil municipal en date du 1er juillet 1995 par Me Z..., avocat ;

La commune de SALON DE PROVENCE demande à la Cour :

1'/ d'annuler le jugement n° 95-4230 en date du 4 février 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation du certificat d'urbanisme positif délivré le 20 avril 1995 par le maire de la commune de GRANS à la société SNC CASINO ;

2'/ d'annuler ledit certificat d'urbanisme ;

3'/ de condamner la commune de GRANS au paiement d'une somme de 10 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Classement CNIJ : 68-025-03

C +

Elle fait valoir que, la société SNC Casino, qui exploitait un hypermarché sur le territoire de la commune, a souhaité déplacer cet établissement sur le territoire de la commune voisine de GRANS ; qu'elle a sollicité un certificat d'urbanisme en vue de réaliser une construction à usage commercial d'une surface hors oeuvre nette (SHON) de 22 650 m² et d'une surface de vente de 14 050 m2 ; que le 20 avril 1995, le maire de la commune de GRANS a délivré le certificat d'urbanisme positif contesté ;

Elle soutient, en premier lieu, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a jugé que le maire de GRANS n'avait pas compétence liée pour refuser le certificat d'urbanisme sollicité dès lors que d'une part cette compétence liée est prévue par le deuxième alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme et que d'autre part, il ressort des prescriptions mêmes du certificat d'urbanisme litigieux que le projet de la société SNC Casino n'était pas réalisable puisqu'une zone d'aménagement concerté (ZAC) ou une autre opération d'aménagement était nécessaire, le terrain étant classé en zone NA du plan d'occupation des sols (POS), et que les dessertes existantes étaient insuffisantes ; qu'en l'espèce, à la date de délivrance du certificat d'urbanisme en litige, il n'existait aucun projet de ZAC ou d'opération d'aménagement dans ce secteur et il ressort des énonciations du certificat que la zone d'implantation n'était pas équipée et que la commune n'était pas en mesure d'indiquer à quelle date ces équipements publics seraient réalisés ;

Elle soutient, en deuxième lieu, en ce qui concerne le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité du POS, qu'il ressort tant du rapport de présentation que des documents graphiques de ce document que l'un des objectifs de la révision du POS était de permettre à la société SNC Casino de réaliser son projet d'urbanisme dans un but étranger à l'urbanisme ; qu'ainsi, le détournement de pouvoir est évident contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 mai 1999, présenté pour la commune de SALON DE PROVENCE et par lequel la commune transmet des pièces à la Cour ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 juin 1999, présenté pour la commune de GRANS, représentée par son maire en exercice à ce dûment autorisé par une délibération du conseil municipal en date du 6 juillet 1995, par la SCP d'avocats BERENGER, BLANC, BURTEZ-DOUCEDE, et par lequel elle conclut au rejet de la requête et à ce que la commune de SALON DE PROVENCE soit condamnée à lui payer une somme de 10 000 F sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle fait valoir, en premier lieu, qu'en l'espèce, le maire de la commune n'avait pas compétence liée pour délivrer un certificat d'urbanisme négatif dès lors que les réseaux devaient être réalisés par le constructeur, dans le cadre de la ZAC ; que les travaux relatifs à l'assainissement et à l'eau potable étaient prévus, comme il a été indiqué dans le certificat d'urbanisme en litige, pour le mois de juin 1995 ; qu'il en est de même en ce qui concerne la desserte routière de la zone, l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme invoqué étant une disposition permissive ;

Elle fait valoir, en deuxième lieu, que le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'urbanisme n'est pas fondé dès lors que les équipements étaient prévus et que l'autorité compétente ne pouvait au stade de la délivrance du certificat d'urbanisme préjuger de l'appréciation qui devrait être portée sur une demande ultérieure du permis de construire ;

Elle soutient, en troisième lieu, en ce qui concerne l'exception d'illégalité du POS, que le détournement de pouvoir n'est nullement établi ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 juin 1999, présenté pour la commune de SALON DE PROVENCE et par lequel elle conclut aux mêmes fins que sa requête susvisée et par les mêmes moyens ;

Elle soutient, en outre, que l'argumentation de la commune quant au caractère permissif des dispositions de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme dans l'hypothèse d'application du deuxième alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme est erronée ; que ces dernières dispositions ainsi que celles de l'article L. 421-5 du même code imposaient la délivrance d'un certificat d'urbanisme négatif ; qu'enfin, la commune de GRANS n'explique pas pourquoi le découpage de la zone NAE prévue par la révision du POS correspond strictement aux besoins du projet ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 décembre 2003, présenté pour la commune de GRANS et par lequel elle transmet une pièce à la Cour ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code des communes ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000, ensemble le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 2004 :

- le rapport de Mme BUCCAFURRI, premier conseiller ;

- les observations de Me X... substituant Me Z... pour la commune de SALON DE PROVENCE ;

- les observations de Me Y... de la SCP BERENGER BLANC pour la commune de GRANS ;

- et les conclusions de M. HERMITTE, premier conseiller ;

Sur les fins de non-recevoirs opposées à la demande de première instance :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, par une délibération en date du 6 juillet 1995, le conseil municipal de la commune de SALON DE PROVENCE a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 122-20 16° du code des communes, reprises à l'article L. 2122-22 16° du code général des collectivités territoriales, donné au maire de la commune une délégation générale pour ester en justice au nom de la commune ; que ladite délibération a régularisé la requête introductive d'instance déposée le 20 juin 1995 devant le Tribunal administratif de Marseille par le maire de la commune ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par la société SNC Casino et tirée du défaut d'habilitation du maire pour introduire ladite instance doit être écartée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme alors en vigueur : En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un document d'urbanisme ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation... ; qu'il résulte desdites dispositions qu'un certificat d'urbanisme, même positif, qui ne présente pas le caractère d'une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol, n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 600-3 susrappelé ; que, par suite, la fin de non-recevoir, opposée par la commune de GRANS et tirée du défaut de notification par la commune de SALON de PROVENCE de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Marseille, doit être écartée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le certificat d'urbanisme contesté a été délivré positif sur le fondement du a) et du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable ; que, sur le fondement de ces dispositions, le maire de GRANS a ainsi estimé d'une part que les parcelles d'assiette étaient constructibles et d'autre part que l'opération de construction, envisagée par la société SNC Casino sur le territoire de la commune de GRANS, qui avait pour objet l'implantation d'un hypermarché d'une surface hors oeuvre nette ( SHON ) de 22 650 m2 et d'une surface de vente de 14 050 m2, était réalisable ; qu'eu égard à l'importance de l'opération jugée réalisable par le certificat d'urbanisme contesté et dès lors qu'il est constant que les terrains d'assiette de l'opération projetée sont à proximité immédiate du territoire de la commune de SALON de PROVENCE, cette dernière, qui a notamment invoqué les répercussions de ladite opération sur les conditions de circulation à l'entrée de la commune de SALON DE PROVENCE, justifie, dans les circonstances de l'espèce, d'un intérêt lui donnant qualité pour contester le certificat d'urbanisme positif en litige alors même que ledit certificat ne constitue pas une autorisation de construire ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée à ce titre par la société SNC Casino et la commune de GRANS doit être écartée ;

Sur la légalité du certificat d'urbanisme positif en date du 20 avril 1995 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : Le certificat d'urbanisme indique, en fonction du motif de la demande, si, compte tenu des dispositions d'urbanisme et des limitations administratives au droit de propriété applicables à un terrain, ainsi que de l'état des équipements publics existants ou prévus, et sous réserves de l'application éventuelle des dispositions législatives et réglementaires relatives aux zones d'aménagement concerté, ledit terrain peut :

a) Être affecté à la construction ;

b) Être utilisé pour la réalisation d'une opération déterminée, notamment d'un programme de construction défini en particulier par la destination des bâtiments projetés et leur surface de plancher hors oeuvre.

Lorsque toute demande d'autorisation pourrait du seul fait de la localisation du terrain, être refusée en fonction des dispositions d'urbanisme, et notamment, des règles générales d'urbanisme, la réponse à la demande du certificat d'urbanisme est négative... ; qu'aux termes de l'article L. 421-5 du même code : Lorsque, compte tenu de la destination de la construction projetée, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte de ladite construction, le permis de construire ne peut être accordé si l'autorité qui le délivre n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public lesdits travaux doivent être exécutés. ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les parcelles concernées par le certificat d'urbanisme positif en litige sont classées en zone NAE2 du plan d'occupation des sols ( POS ) de la commune de GRANS approuvé le 16 septembre 1982 et révisé le 31 mars 1994 ; que selon le règlement du POS révisé, la zone NAE est définie comme une zone d'urbanisation future non équipée affectée aux activités et dans laquelle l'urbanisation n'est admise que sous forme d'opérations d'ensemble ( permis groupés, lotissement, zones d'aménagement concerté ) et d'opérations ponctuelles dans le cadre desquelles la réalisation des constructions est subordonnée à la mise en place des équipements ; qu'il résulte en outre dudit règlement que cette zone NAE comprend trois secteurs dont la zone NAE2 pour laquelle est prévue une urbanisation à plus long terme sous forme d'opérations d'ensembles dans le cadre de la procédure des zones d'aménagement concerté, ou de lotissement ; qu'il n'est pas contesté, qu'à la date du certificat d'urbanisme en litige, aucune zone d'aménagement concerté, ni lotissement ni même d'opérations d'ensemble n'avaient été créés ou n'étaient en voie de création et que l'opération projetée ne constituait pas l'une de ses modalités ; qu'il s'ensuit que toute demande de permis de construire sur lesdites parcelles devait être refusée du seul fait de leur localisation en zone NAE ; que, dès lors, en vertu des dispositions susrappelées du deuxième alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme , le maire de GRANS, qui n'avait pas à porter une appréciation sur les faits de l'espèce, était tenu de délivrer un certificat d'urbanisme négatif ;

Considérant, en deuxième lieu, que la commune de SALON DE PROVENCE soutient, sans être ultérieurement contredite, que notamment le réseau d'électricité existant est distant de 2 kms du projet en litige et qu'il ressort des mentions mêmes figurant dans le certificat d'urbanisme positif contesté que ledit réseau est insuffisant pour permettre la desserte des parcelles concernées par ce projet ; qu'ainsi, lesdites parcelles imposaient des travaux d'extension du réseau public d'électricité ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'à la date de délivrance du certificat d'urbanisme positif attaqué, la commune de GRANS était en mesure d'indiquer dans quel délai ces travaux d'extension étaient réalisables ; que, par suite, en application des dispositions combinées des articles L. 410-1 et L. 421-5 du code de l'urbanisme précitées, le maire de GRANS était tenu de délivrer un certificat d'urbanisme négatif ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le certificat d'urbanisme positif délivré par le maire de GRANS est entaché d'illégalité ; que, dès lors, la commune de SALON DE PROVENCE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; qu'elle est en conséquence fondée à demander l'annulation dudit jugement ainsi que l'annulation du certificat d'urbanisme positif délivré le 20 avril 1995 ;

Considérant, qu'en l'état de l'instruction, aucun autre moyen n'est susceptible d'entraîner également l'annulation dudit certificat ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de SALON DE PROVENCE , qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à la commune de GRANS une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la commune de GRANS à payer à la commune de SALON DE PROVENCE la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Marseille en date du 4 février 1999 est annulé.

Article 2 : Le certificat d'urbanisme positif en date du 20 avril 1995 délivré par le maire de GRANS à la société SNC Casino est annulé.

Article 3 : La commune de GRANS est condamnée à payer à la commune de SALON DE PROVENCE la somme de 1.000 (mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions formulées par la commune de GRANS sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de SALON DE PROVENCE, à la commune de GRANS, à la société SNC Casino et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

Délibéré à l'issue de l'audience du 15 janvier 2004, où siégeaient :

M. ROUSTAN, président de chambre,

Mme BUCCAFURRI et Mme FEDI, premiers conseillers,

assistés de Mme EJEA, greffière ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 29 janvier 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Marc ROUSTAN Isabelle BUCCAFURRI

La greffière,

Signé

Françoise EJEA

La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 99MA000681 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA00681
Date de la décision : 29/01/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: Mme BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. HERMITTE
Avocat(s) : LESAGE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-01-29;99ma00681 ?
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