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12/06/2003 | FRANCE | N°01MA00342

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre, 12 juin 2003, 01MA00342


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 15 février 2001, sous le n° 01MA00342, présentée pour Y... Leila X, demeurant ..., par Me X..., avocat ;

Y... Leila X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement du 23 novembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du préfet des Bouches du Rhône en date du 27 avril 1998 rejetant sa demande de titre de séjour ;

2°/ de faire droit à sa demande de première instance ;

3°/ de condamner l'Etat à lui ver

ser la somme de 5000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 15 février 2001, sous le n° 01MA00342, présentée pour Y... Leila X, demeurant ..., par Me X..., avocat ;

Y... Leila X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement du 23 novembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du préfet des Bouches du Rhône en date du 27 avril 1998 rejetant sa demande de titre de séjour ;

2°/ de faire droit à sa demande de première instance ;

3°/ de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Classement CNIJ : 335-02-03

C

Elle soutient que le préfet ne pouvait légalement lui opposer l'absence de visa de long séjour, dès lors qu'en 1986, date de son entrée en France, un tel visa n'était pas exigé ; qu'en effet, ce n'est qu'en application de l'avenant du 28 septembre 1994 à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 que ce visa est exigé ; que l'absence d'entrée régulière ne peut, en outre, justifier un refus de certificat de résidence ; qu'elle justifie du vol ou de la perte de son passeport ; que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet le village de Bentahla dont elle est originaire en Algérie a été entièrement détruit en 1997 et que ses quatre frères ainsi que le reste de sa famille et ses proches ont été tués lors de cette attaque ; qu'ainsi elle n'a plus aucune attache avec son pays d'origine ; qu'en outre son état de santé nécessite des soins spécialisés ; qu'au cours des 15 ans qu'elle a passés en France elle a construit des relations amicales et affectives ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 5 avril 2001 par lequel le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête, par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

Vu le mémoire enregistré le 15 mai 2002 par lequel Y... Leila X confirme ses précédentes écritures, et fait valoir en outre que, compte tenu de son état de santé, elle est en droit de prétendre à un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; qu'en effet elle est atteinte d'une forme grave de tuberculose, qui ne peut être correctement soignée en Algérie, ainsi que le justifient les certificats médicaux qu'elle produit ;

Vu la décision du 28 mai 2001 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Y... Leila X l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et ses avenants ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2003 :

- le rapport de M. GUERRIVE, président assesseur ;

- les observations de Me X... ;

- et les conclusions de M. TROTTIER, premier conseiller ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant que la légalité d'une décision administrative s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise ; qu'il en résulte que le préfet des Bouches du Rhône pouvait légalement refuser de délivrer un certificat de résidence à Y... Leila X, de nationalité algérienne, en se fondant sur le fait qu'elle ne justifiait pas d'un visa de séjour d'une durée supérieure à trois mois, alors même que l'intéressée est entrée en France en 1986 et que l'exigence d'un tel visa résulte de l'avenant du 28 septembre 1994 à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

Considérant toutefois que, si l'autorité administrative peut valablement opposer à un ressortissant algérien l'absence d'un visa de séjour d'une durée supérieure à trois mois, elle n'est pas tenue de le faire ; qu'elle est, au contraire, tenue de procéder à l'examen de la situation de l'intéressé afin de déterminer s'il y a lieu de faire usage de son pouvoir de régularisation ;

Considérant que Y... Leila X, ressortissante algérienne née en 1943, soutient sans être contredite qu'elle réside en France de manière continue depuis 1986, et produit plusieurs documents de nature à corroborer cette affirmation ; qu'elle soutient qu'elle n'a plus d'attaches en Algérie, à la suite de la destruction du village dont elle est originaire en septembre 1997 et du meurtre de plusieurs de ses parents et proches ; que, dans ces circonstances, et compte tenu, notamment de l'âge et de l'état de santé de la requérante, le préfet des Bouches du Rhône a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée en refusant de lui délivrer un certificat de résidence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Y... Leila X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu d'annuler ledit jugement, ainsi que la décision du préfet des Bouches du Rhône en date du 27 avril 1998 ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la de la loi susvisée du 10 juillet 1991 (...) l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de condamner à son profit la partie perdante qu'au paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat ; mais que l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

Considérant, d'une part, que Y... Leila X, pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de Y... Leila X n'a pas demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 23 novembre 2000, ainsi que la décision du préfet des Bouches du Rhône en date du 27 avril 1998 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Y... Leila X est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Y... Leila X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches du Rhône.

Délibéré à l'issue de l'audience du 28 mai 2003, où siégeaient :

M. DARRIEUTORT, président de chambre,

M. GUERRIVE, président assesseur,

M. CHAVANT, premier conseiller,

assistés de Melle MARTINOD, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 12 juin 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Jean-Pierre DARRIEUTORT Jean-Louis GUERRIVE

Le greffier,

Signé

Isabelle MARTINOD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N° 01MA00342 5


Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. GUERRIVE
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : LEONETTI-PASTACALDI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre
Date de la décision : 12/06/2003
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 01MA00342
Numéro NOR : CETATEXT000007582270 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-06-12;01ma00342 ?
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