Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 2 septembre 1999 sous le n° 99MA01724, présentée pour l'EURL BRIA sise 107, avenue du Général Koenig à Neuilly sur Seine (92200), par la SCP G.J. VEYSSADE et Associés, en la personne de Me P. M. LE MOIGNE, avocat ;
L'EURL BRIA demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 95-408, en date du 10 juin 1999, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période de janvier 1990 à décembre 1992 par avis de mise en recouvrement n° 94-0600047 du 12 septembre 1994 ;
2°/ de lui accorder la décharge desdits rappels de droits ;
Classement CNIJ : 19-06-02-01-01
C+
La requérante soutient :
- qu'il résulte des pièces du dossier que l'avenant du 30 novembre constitue bien un mandat par lequel l'EURL BRIA donne mandat à PRIM ENGENEERING d'agir en son nom et pour son compte pour fournir aux locataires les prestations para hôtelières visées par le code général des impôts et que lesdites prestations ont bien été proposées aux locataires qui les ont refusées ;
- que de même, les contrats de gestion du 30 mars 1992 constituent bien des mandats par lesquels elle confie à la même société le soin d'agir en son nom et pour son compte en proposant notamment les prestations prévues par l'instruction du 11 avril 1991 ;
- que ces contrats en outre précisent la nature et le coût des services proposés ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe le 21 avril 2000, par lequel le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie informe la Cour que l'administration prononce le dégrèvement de l'intégralité des pénalités d'assiette, soit 288.871 F et conclut au rejet de la requête par les motifs que :
- le litige reste circonscrit à la somme de 992.337 F ;
- s'agissant de la résidence Le Lido, rien ne différencie les locaux appartenant à la requérante d'appartements meublés et loués dans des conditions habituelles et que l'agencement de l'ensemble immobilier n'est pas conçu pour assurer des services para hôteliers ;
- les appartements loués en meublés côtoient d'autres appartements acquis à titre de résidence principale par leurs propriétaires ;
- dans le cadre de son droit d'enquête, l'administration a établi sans être contredite que la SARL PRIM ENGENEERING ne disposait d'aucun des moyens humains ou matériels pour effectuer les prestations para hôtelières prescrites ;
- le conseil du requérant a estimé que M. X, gérant de l'EURL a été victime des défaillances de la SARL ;
- s'agissant des résidences Le Manet et le Cézanne, il a été établi notamment par l'examen des factures au cours de la vérification, que la SARL INTERSERVICES JMD n'avait pas effectué ces prestations para hôtelières, à l'exception d'une location temporaire de draps ;
- les deux contrats doivent être écartés, dès lors que celui conclu avec la SARL PRIM ENGENEERING contient une clause garantissant un minimum de recettes et que celui conclut avec INTERSERVICES JMD prévoit que le mandataire et non le mandant assume seul à ses risques et périls la gestion des locaux loués ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré au greffe le 21 juin 2000, par lequel l'EURL BRIA confirme ses précédentes écritures par les mêmes moyens et, en outre, par les moyens que l'administration ne s'est pas rendue sur place pour vérifier l'agencement des ensembles immobiliers et ne conteste d'ailleurs pas l'existence de locaux spécialement destinés aux prestations para hôtelières ; qu'en se bornant à relever l'opposition des copropriétaires à l'utilisation de ces locaux et l'absence de moyens humains de la société INTERSERVICES JMD, l'administration n'apporte pas la preuve de l'inexistence des prestations para hôtelières ;
Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe le 29 août 2000, par lequel le ministre confirme ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré au greffe le 11 octobre 2000 par lequel l'EURL BRIA confirme ses précédentes écritures par les mêmes moyens et, en outre, par les moyens :
- que les contrats en cause sont bien des contrats de mandat nonobstant la présence des clauses relevées par l'administration ;
- que les dispositions de l'article 261 D 4° b sont incompatibles avec celles de l'article 13 B b§1 de la sixième directive européenne dès lors que le principe est l'assujettissement des locations de biens immeubles, l'exonération l'exception et que par suite, toute exception à l'exception doit être interprétée avec la plus grande largeur de vue ;
Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe le 15 janvier 2001, par lequel le ministre confirme ses précédentes écritures par les mêmes moyens et, en outre, par le moyen que les dispositions de l'article 261 D 4° b du code général des impôts sont compatibles avec l'article 13 B b de la 6° directive européenne ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ensemble le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mars 2003 :
- le rapport de M. DUCHON-DORIS, président assesseur ;
- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par une décision en date du 26 avril 2000, postérieure à l'introduction de la requête d'appel, l'administration a prononcé, sur la cotisation de taxe sur la valeur ajoutée en litige, un dégrèvement d'un montant de 288.871 F (44.038,10 euros) représentant le montant des pénalités d'assiette dont avait été assortie cette cotisation ; qu'à hauteur de ce montant la requête est devenue sans objet ;
Sur le surplus du litige :
Considérant que la société à responsabilité limitée Foncière BRIA, constituée sous la forme d'une entreprise unipersonnelle et ayant pour objet la location d'appartements meublés dont elle est propriétaire dans le département des Alpes-Maritimes, a acquis, en mai 1990, un appartement sis à Cagnes sur Mer, à raison duquel elle a demandé et obtenu, le 16 avril 1992, le remboursement d'un crédit de taxe de 472.337 F ; que cette société a également acquis, en mars 1992, deux appartements sis à Juan-les-Pins et, en mai 1992, deux appartements sis à Grasse, à raison desquels elle a demandé et obtenu le remboursement d'un crédit de taxe pour un montant de 520.000 F ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, la société a été assujettie, pour la période du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1992, à une cotisation de taxe sur la valeur ajoutée correspondant au reversement des crédits de taxe dont elle avait obtenu le remboursement, pour un total de 992.337 F, au motif que les locations qu'elle avait consenties étaient exonérées de la TVA en vertu du premier alinéa de l'article 261 D 4° du code général des impôts à défaut pour elle de pouvoir utilement se prévaloir des dispositions du b du même article ;
Considérant qu'aux termes du B de l'article 13 de la 6° directive du conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 : Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent... : ... b) l'affermage et la location de biens immeubles, à l'exception : 1. des opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou des secteurs ayant une fonction similaire, y compris les locations de camps de vacances ou de terrains aménagés pour camper... Les Etats membres ont la faculté de prévoir des exclusions supplémentaires au champ d'application de cette exonération ; qu'aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : ...4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. Toutefois l'exonération ne s'applique pas : a. aux prestations d'hébergement fournies dans les hôtels de tourisme classés... b. aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni lorsque l'exploitant offre, en plus de l'hébergement, le petit déjeuner, le nettoyage quotidien des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception de la clientèle et qu'il est immatriculé au registre du commerce et des sociétés au titre de cette activité... ;
Considérant que les dispositions du b du 4° de l'article 261 D ont pour effet d'inclure dans le champ de l'exonération toute mise à disposition d'un local meublé qui n'est pas assortie de l'offre, par l'exploitant, de chacun des services que constituent la fourniture du petit déjeuner, le nettoyage quotidien des locaux, la fourniture du linge de maison et la réception de la clientèle ; qu'elles peuvent ainsi entraîner l'exonération de locations de logements meublés du seul fait de l'absence de l'une de ces prestations accessoires, alors même que les entreprises hôtelières n'assurant pas l'une de ces prestations seraient assujetties à la taxe ; que le b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts est de ce fait incompatible avec les objectifs de l'article 13 de la 6° directive en tant qu'il subordonne à ces conditions cumulatives l'application de la disposition excluant de l'exonération les prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni ; que c'est par suite à tort que le Tribunal administratif de Nice, pour estimer que c'était à bon droit que le service avait regardé comme exonérées de taxe sur la valeur ajoutée les locations consenties par l'EURL BRIA, s'est fondé sur le fait qu'elle n'offrait pas elle-même les quatre séries de prestations énoncées par la loi fiscale interne et sur le fait qu'elle n'établissait ni ne soutenait offrir l'ensemble de ces prestations ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'administration tant en première instance qu'en appel ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'offre de prestations para-hôtelières par le mandataire désigné à cet effet était réelle au cours de la période en litige, au moins en ce qui concerne le nettoyage des locaux et le service quotidien du petit déjeuner ; que cette offre suffit à faire regarder les services proposés comme similaires à ceux du secteur hôtelier, même si les occupants n'y ont pas recouru effectivement ; que les circonstances, évoquées par l'administration, que l'EURL BRIA n'exploitait les locaux qu'elle avait acquis que par l'intermédiaire d'un tiers mandaté à cet effet, que le mandat garantissait au mandant un loyer minimum et qu'il était prévu entre les parties au contrat que le mandataire assumerait les risques de la gestion restent par elles-mêmes sans effet sur la qualité d'exploitant que conservait l'EURL, alors qu'aucune disposition légale ne fait obligation à l'exploitant se réclamant de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée d'accomplir personnellement les prestations ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EURL BRIA est fondée à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Nice en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée demeurant à sa charge au titre de la période de janvier 1990 à décembre 1992 ;
Par ces motifs,
D E C I D E :
Article 1er : A hauteur de la somme de 288.871 F (deux cent quatre vingt huit mille huit cent soixante et onze francs) 44.038,10 euros (quarante quatre mille trente huit euros et dix centimes d'euro) , il n'y a pas lieu de statuer sur la requête susvisée de l'EURL BRIA ;
Article 2 : L'EURL BRIA est déchargée de la cotisation supplémentaire de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 992.337 F (neuf cent quatre vingt douze mille trois cent trente sept francs) 151.280, 80 euros (cent cinquante et un mille deux cent quatre vingt euros et quatre vingt centimes d'euro) demeurant à sa charge au titre de la période de janvier 1990 à décembre 1992
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Nice n° 95-408 en date du 10 juin 1999 est annulé .
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL BRIA et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré à l'issue de l'audience du 11 mars 2003, où siégeaient :
M. BERNAULT, président de chambre,
M. DUCHON-DORIS, président assesseur,
M. DUBOIS, premier conseiller,
assistés de Mme GIORDANO, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 6 mai 2003.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
François BERNAULT Jean-Christophe DUCHON-DORIS
Le greffier,
Signé
Danièle GIORDANO
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
N° 99MA01724 6