Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 3 janvier 2024 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2400438 du 27 juin 2024, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2024, M. B... C..., représenté par Me Ben Hadj Younes, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le jugement n'est pas suffisamment motivé sur le moyen tiré du défaut de motivation au regard de l'intérêt supérieur des enfants ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il remplit les conditions prévues dans les circulaires du ministre de l'intérieur des 30 octobre 2004 et 16 janvier 2007 ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 18 décembre 2024, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 500 euros soit mise à la charge de M. C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 23 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 24 janvier 2025.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Porée, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant des Comores, né le 10 janvier 1988, entré sur le territoire français le 7 avril 2018, père d'un enfant, né le 9 mars 2021, dont la mère est une compatriote titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 25 janvier 2022 au 24 janvier 2024, avec laquelle il a conclu, le 20 janvier 2022, un pacte civil de solidarité, a demandé, le 27 juin 2022, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 3 janvier 2024, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 27 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de se prononcer sur tous les arguments de M. C..., a répondu au point 2 de son jugement, de manière suffisamment circonstanciée, au moyen tiré du défaut de motivation au regard de l'intérêt supérieur des jumeaux de sa compagne issus d'une première union et de leur enfant commun. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué ne serait pas suffisamment motivé sur ce point doit être écarté.
Sur la légalité de l'arrêté :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, M. C... reprend en appel les moyens, qu'il avait invoqués en première instance, tirés des défauts de motivation et d'examen particulier de sa situation personnelle au regard de l'intérêt supérieur des jumeaux de sa compagne issus d'une première union et de leur enfant commun. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif aux points 2 et 3 de son jugement.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
6. M. C... ne séjourne sur le territoire français que depuis environ six ans, alors qu'il a vécu trente années aux Comores où il ne peut être dépourvu de toute attache personnelle. Si le requérant se prévaut d'une communauté de vie avec sa compagne depuis le 23 juillet 2021, leur relation est récente. En outre, il n'existe pas d'obstacle à la reconstitution aux Comores de la cellule familiale composée du requérant, de sa compagne, des jumeaux de cette dernière et de leur fille, eu égard notamment à l'âge des enfants, tous de nationalité comorienne, à l'absence de preuve que le père des jumeaux subvient effectivement à leur entretien et leur éducation, le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Etienne du 14 janvier 2021 décidant d'un droit de visite au bénéfice de ce père et du paiement par celui-ci d'une pension alimentaire mensuelle de 120 euros par enfant, mentionnant que le père n'était ni comparant, ni représenté à cette instance judiciaire, et la compagne du requérant ayant assumé la charge des enfants depuis leur naissance. M. C... ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française en se bornant à invoquer des relations avec des amis et voisins de nationalité française. Si M. C... soutient que deux de ses frères sont de nationalité française, il ne démontre pas entretenir de relations régulières avec ceux-ci et n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doivent être écartés.
7. En troisième et dernier lieu, M. C... ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans les circulaires du ministre de l'intérieur des 30 octobre 2004 et 16 janvier 2007.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, M. C... reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif au point 7 de son jugement.
9. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 du présent arrêt.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
10. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit en tout état de cause être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 du présent arrêt.
11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, et celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme au titre des frais liés au litige exposés par l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du préfet de la Côte-d'Or présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juillet 2025.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY03066