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15/07/2025 | FRANCE | N°24LY01439

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 15 juillet 2025, 24LY01439


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. et Mme C... et G... E... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalité, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des intérêts de retard appliqués.



Par un jugement n° 2310507 du 9 avril 2024 le tribunal, après avoir constaté un non-lieu partiel à hauteur d'un dégrèvement intervenu en cours

d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.



Procédure devant la cour



P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... et G... E... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalité, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des intérêts de retard appliqués.

Par un jugement n° 2310507 du 9 avril 2024 le tribunal, après avoir constaté un non-lieu partiel à hauteur d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 20 mai 2024, M. et Mme E..., représentés par Me Nekaa, demandent à la cour :

1°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte déposée à l'encontre de M. B... ;

2°) de réformer ce jugement et de prononcer la décharge du surplus des impositions, pénalité et intérêts de retard en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les signataires de la proposition de rectification et de la réponse à leurs observations ne bénéficiaient pas de délégations de signature à cette fin ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- les impositions en litige ont été établies à l'issue d'une procédure irrégulière en ce qu'ils ont été privés de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et le comité de l'abus de droit ;

- M. E... ne peut être regardé comme le maître de l'affaire et le bénéficiaire des revenus distribués.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête, qui se borne à reproduire la demande de première instance et ne comporte aucun moyen d'appel, est irrecevable ;

- les moyens soulevés par M. et Mme E... ne sont pas fondés ;

- le cas échéant, il y a lieu de maintenir les rehaussements opérés au titre des paiements effectués par la société SAEC France sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts qui doit être substitué à la base légale notifiée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Soubié, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue de la vérification de comptabilité de la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) SAEC France, qui avait pour activité l'import-export, le négoce et le commerce international, l'administration fiscale a mis à la charge de M. et Mme E... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2014 et 2015 à raison des sommes distribuées par cette société à M. E... qui en était le président et associé. Par un jugement du 9 avril 2024, le tribunal administratif de Lyon, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions en décharge de ces impositions supplémentaires et des intérêts de retard appliqués à hauteur d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. et Mme E... qui relèvent appel de ce jugement dans cette mesure.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes du I de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts : " Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l'annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires de la direction générale des finances publiques appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications. / (...). ". Aux termes de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales : " La décision d'appliquer les majorations et amendes prévues aux articles 1729, 1732 et 1735 ter du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités. ". Aux termes de l'article R. 80 E-1 du même livre : " La décision d'appliquer les majorations et amendes mentionnées à l'article L. 80 E est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire. ".

3. La proposition de rectification du 20 décembre 2017 adressée à M. et Mme E... et la réponse à leurs observations du 17 avril 2018 ont été signées par Mme D... F..., inspectrice des finances publiques, qui appartient à un corps de fonctionnaires de catégorie A, ainsi que par Mme A... H..., inspectrice divisionnaire des finances publiques. Par suite le moyen tiré de l'incompétence des signataires de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable doit être écarté comme manquant en fait.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : "'L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...). ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...). ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. S'agissant de revenus distribués, cette motivation peut résulter, soit de la reproduction de la teneur de la proposition de rectification adressée à la société distributrice, soit de la jonction de cette proposition de rectification en annexe du document adressé au bénéficiaire des distributions, dès lors du moins que le document concernant la société est lui-même suffisamment motivé.

5. Si la proposition de rectification du 20 décembre 2017 cite notamment les dispositions du 1° et du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ainsi que le c de l'article 111 du même code, il résulte de ses termes que le service a fondé les rectifications litigieuses sur les 1° et 2° du 1 de l'article 109. Par ailleurs, la proposition de rectification comporte les motifs et le montant des rehaussements envisagés et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés. Enfin, les paragraphes de la proposition de rectification adressée à la SASU SAEC France relatifs aux revenus distribués ont été annexés à la proposition de rectification du 20 décembre 2017, laquelle est, dans ces conditions, suffisamment motivée.

6. En dernier lieu et d'une part, aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- La commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : / 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; / (...). ".

7. Le désaccord opposant M. et Mme E... à l'administration fiscale portait sur les rehaussements opérés dans la catégorie des traitements et salaires et dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, qui ne sont pas de la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Cette dernière n'avait donc pas à être consultée sur les revenus distribués quand bien même ils résultent de la rectification du résultat imposable de la SASU SAEC France.

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / (...). ". Aux termes de l'article 1653 E du code général des impôts : " Lorsque le comité de l'abus de droit fiscal est saisi, le contribuable et l'administration sont invités par le président à présenter leurs observations. ".

9. Le comité de l'abus de droit fiscal est seulement saisi pour avis sur l'existence d'un abus de droit. Or, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu sont fondées sur les dispositions des articles 109 et 111 du code général des impôts et non sur un abus de droit imputé aux appelants, même si la proposition de rectification fait mention de factures fictives. Par suite, les requérants n'ont pas été privés de la garantie tenant à la possibilité de saisir le comité de l'abus de droit. En raison du principe d'indépendance des procédures de redressement menées à l'encontre de la SASU SAEC France, d'une part, et de son associé, d'autre part, M. et Mme E... ne peuvent utilement se prévaloir d'une irrégularité de la procédure d'établissement des suppléments d'impôt sur les sociétés assignés à la SASU.

Sur le bien-fondé des impositions :

10. En premier lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...). ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. / (...). ". La qualité de seul maître de l'affaire suffit à regarder le contribuable comme bénéficiaire des revenus réputés distribués, en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, par la société en cause, la circonstance qu'il n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes ou qu'elles auraient été versées à des tiers étant sans incidence à cet égard.

11. Les impositions en litige procèdent de l'inclusion dans les revenus taxables entre les mains de M. et Mme E... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, de sommes correspondant à un rehaussement des bénéfices de la SASU SAEC France au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et regardées comme des revenus distribués par cette société à M. E..., que l'administration a considéré comme l'unique maître de l'affaire.

12. Il résulte de l'instruction que M. E... était actionnaire et dirigeant de la SASU SAEC France et disposait ainsi de la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et de ses fonds sans contrôle. Si les appelants soutiennent que M. B... aurait été dans les faits le seul maître de l'affaire, il ne résulte pas de l'instruction, notamment de la proposition de rectification qui fait apparaître que M. B... a encaissé des paiements destinés à deux sociétés partenaires de la SASU SAEC France, que celui-ci aurait été investi d'une responsabilité particulière dans la gestion de l'entreprise ni qu'il aurait usé des fonds de celle-ci, sans contrôle. Par ailleurs, est sans incidence la circonstance que M. E... n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes ou qu'elles auraient été versées à des tiers. L'administration était, dès lors, fondée à considérer que M. E... était le seul maître de l'affaire et à imposer les revenus distribués sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte déposée par M. E... à l'encontre de M. B....

13. En second lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...). ".

14. Pour soumettre à l'impôt sur le revenu des revenus sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, il incombe à l'administration d'établir qu'ils ont été mis à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts. Les sommes mises à disposition des associés non prélevées sur les bénéfices ont, sauf preuve contraire apportée par les associés, le caractère de revenus distribués, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

15. Il résulte de la proposition de rectification qu'en 2014 et 2015, le compte courant d'associé ouvert au nom de M. E... dans les écritures de la SASU SAEC France a été crédité par des remises d'espèces ou des virements provenant du compte bancaire de la société, sans justification. Ces éléments établissent que des sommes ont été mises à la disposition de M. E..., sans que celui-ci n'apporte aucun élément de nature à contester cette appréhension. Par suite, l'administration était fondée à imposer ces revenus distribués sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

16. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. Leur requête doit, par suite, être rejetée, en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et G... E... et à la ministre chargée des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente de chambre,

M. Moya, premier conseiller,

Mme Soubié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2025.

La rapporteure,

A.-S. Soubié La présidente,

C. Michel

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY01439

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01439
Date de la décision : 15/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Anne-Sylvie SOUBIE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : SELARL NEKAA ALLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-15;24ly01439 ?
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