Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société par actions simplifiée (SAS) Solomy a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016, ainsi que des intérêts de retard.
Par un jugement n° 2201334 du 7 novembre 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2023, la SAS Solomy, représentée par Me Ravaine, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et de faire droit à sa demande ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle démontre l'existence de circonstances particulières sans lien avec son activité permettant la déduction de la provision pour dépréciation des titres de la SCI Saigon qu'elle a constituée qui n'avait plus d'actif à la date de l'imposition.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que le moyen soulevé par la SAS Solomy n'est pas fondé.
Par un courrier du 2 juin 2025, les parties ont été informées en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de de l'irrégularité de la composition de la formation de jugement s'étant prononcée sur la demande de la SAS Solomy.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Soubié, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Solomy, qui exerce une activité de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause la déduction d'une provision constituée au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015 et a réintégré la somme correspondante dans le résultat de l'exercice clos au 31 décembre 2016, premier exercice non prescrit. Par un jugement dont la SAS Solomy relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés résultant de la remise en cause de cette déduction à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016, ainsi que des intérêts de retard.
Sur la régularité du jugement :
2. En vertu d'une règle générale de procédure applicable même sans texte, un membre d'une juridiction administrative qui a publiquement exprimé son opinion sur un litige ne peut participer à la formation de jugement statuant sur le recours formé contre une décision statuant sur ce litige.
3. Il ressort des mentions portées sur le jugement attaqué que Mme Tocut, rapporteure publique, a prononcé des conclusions à l'audience et que son nom est ensuite mentionné comme membre de la formation de jugement ayant délibéré. Ainsi, la composition du tribunal administratif était irrégulière et le jugement du 7 novembre 2023 doit être annulé pour ce motif.
4. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SAS Solomy devant le tribunal administratif de Lyon.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
5. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. ". Il appartient au contribuable de justifier du bien-fondé des provisions qu'il entend faire admettre en déduction des résultats imposables.
6. D'autre part, aux termes du a sexies-0 bis de l'article 219 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Le régime des plus et moins-values à long terme cesse de s'appliquer à la plus ou moins-value provenant des cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière non cotées réalisées à compter du 26 septembre 2007. Sont considérées comme des sociétés à prépondérance immobilière les sociétés dont l'actif est, à la date de la cession de ces titres ou a été à la clôture du dernier exercice précédant cette cession, constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle par des immeubles, des droits portant sur des immeubles, des droits afférents à un contrat de crédit-bail conclu dans les conditions prévues au 2 de l'article L. 313-7 du code monétaire et financier ou par des titres d'autres sociétés à prépondérance immobilière. Pour l'application de ces dispositions, ne sont pas pris en considération les immeubles ou les droits mentionnés à la phrase précédente lorsque ces biens ou droits sont affectés par l'entreprise à sa propre exploitation industrielle, commerciale ou agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale. / Les provisions pour dépréciation afférentes aux titres exclus du régime des plus et moins-values à long terme en application du premier alinéa cessent d'être soumises à ce même régime. / (...). ".
7. Il résulte de l'instruction que la SAS Solomy a comptabilisé au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2015 une provision pour dépréciation de ses titres de participation dans la société civile immobilière (SCI) Saigon, société à prépondérance immobilière au sens des dispositions du a sexies-0 bis de l'article 219 du code général des impôts, pour un montant de 659 668,54 euros, au motif que la SCI Saigon avait cédé l'ensemble de son actif le 4 mars 2015 et que la valeur comptable de la société était ainsi nulle. Toutefois, la constitution d'une provision pour dépréciation de la participation ne peut être regardée comme justifiée que dans l'hypothèse où l'actif net comptable de la SCI apparaitrait surévalué par rapport au montant probable du produit de la liquidation de ladite société. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que l'actif net comptable de la SCI Saigon aurait été surévalué par rapport au produit probable d'une liquidation de cette société, d'autant qu'une plus-value a été réalisée lors de la cession de l'actif de la société pour un montant de 780 000 euros. Par ailleurs, depuis cette cession, la valeur probable de réalisation n'apparaît pas plus inférieure à la valeur de l'actif net comptable ramenée à zéro par la SAS Solomy, valeur très proche d'une valeur probable en cas de liquidation de la SCI Saigon. Par suite, la SAS Solomy n'est pas fondée à contester la réintégration de la provision litigieuse dans les résultats de l'exercice clos au 31 décembre 2016.
8. Il résulte de de ce qui précède que la requête de la SAS Solomy doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 22013334 du tribunal administratif de Lyon du 7 novembre 2023 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SAS Solomy devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Solomy et à la ministre chargée des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 19 juin 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
M. Moya, premier conseiller,
Mme Soubié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2025.
La rapporteure,
A.-S. Soubié La présidente,
C. Michel
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY03984
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