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10/07/2025 | FRANCE | N°24LY02893

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 10 juillet 2025, 24LY02893


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



1°) Sous le n° 2400637, M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 14 novembre 2023 par lesquelles le préfet de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire, a désigné le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux mois.



2°) Sous

le n° 2400640, Mme A... B... épouse D... a demandé au même tribunal d'annuler les décisions du 14 novem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1°) Sous le n° 2400637, M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 14 novembre 2023 par lesquelles le préfet de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire, a désigné le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux mois.

2°) Sous le n° 2400640, Mme A... B... épouse D... a demandé au même tribunal d'annuler les décisions du 14 novembre 2023 par lesquelles le préfet de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire, a désigné le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux mois.

Par un jugement n° 2400637-2400640 du 10 juillet 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 octobre 2024, M. C... D... et Mme A... B... épouse D..., représentés par Me Vray, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2400637-2400640 du 10 juillet 2024 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 14 novembre 2023 par lesquelles le préfet de la Loire leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire, a désigné le pays de renvoi et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux mois ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de leur délivrer à chacun un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", ou de réexaminer leur situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ainsi que de leur délivrer à chacun une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à leur conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M et Mme D... soutiennent que :

- les refus de séjour méconnaissent l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice du pouvoir de régularisation ;

- les obligations de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elles méconnaissent l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant.

- les interdictions de retour sur le territoire français sont entachées d'erreur d'appréciation.

Le préfet de la Loire, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.

Par décision du 11 septembre 2024, M. et Mme D... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur ;

- et les observations de Me Vray représentant M. et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D..., ressortissants algériens nés respectivement le 1er août 1974 et le 2 octobre 1982, ont, chacun en ce qui le concerne, demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 14 novembre 2023 par lesquelles le préfet de la Loire leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire, a désigné le pays de renvoi et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux mois. Par le jugement attaqué du 10 juillet 2024, le tribunal a rejeté leurs demandes.

Sur la légalité des refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est né en Algérie le 1er août 1974 et que son épouse y est née le 2 octobre 1982. Ils sont tous deux de nationalité algérienne. Ils se sont mariés en Algérie et leurs quatre premiers enfants y sont nés, respectivement, le 20 octobre 2004, le 27 septembre 2007, le 31 janvier 2011 et le 12 mai 2016. Ils sont entrés en France avec leurs enfants le 22 avril 2018 sous couvert de visas de court séjour. Ils ont fait l'objet chacun d'une première mesure d'éloignement le 27 septembre 2019, à laquelle ils ne se sont pas conformés. S'ils font valoir des efforts d'insertion, notamment professionnelle et associative, leur présence en France demeure récente à la date de la décision et le préfet de la Loire relève que leur situation en France demeure très précaire. Rien ne fait obstacle à ce que leurs quatre enfants nés en Algérie puissent y poursuivre leur scolarité, et à ce que leur enfant le plus jeune, né en France le 28 janvier 2020 mais qui est de nationalité algérienne et qui est encore d'âge préélémentaire à la date de la décision, puisse suivre en Algérie ses parents et ses frères et sœurs pour y être scolarisé. M. et Mme D... ont enfin indiqué dans leurs demandes de titres de séjour que tout le reste de leur famille, notamment leurs parents et leurs frères et sœurs, demeuraient en Algérie. Eu égard à l'ensemble de ces éléments et notamment à la durée et aux conditions du séjour en France de M. et Mme D..., le préfet de la Loire n'a pas, en leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, porté une atteinte excessive à leur droit au respect de leur vie privée et familiale au regard des buts que ces décisions poursuivent. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent, en conséquence, être écartés. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :

5. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs qui viennent d'être exposés. Eu égard à ce qui a été dit sur la situation des enfants encore mineurs du couple, le préfet de la Loire n'a pas davantage méconnu leur intérêt supérieur tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant.

Sur la légalité des interdictions de retour sur le territoire français :

6. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

7. Ainsi qu'il a été exposé au point 4, M. et Mme D... ne sont présents en France que depuis cinq ans, ils n'y justifient pas de liens ancrés dans la durée alors qu'ils conservent des attaches privées et familiales dans leur pays d'origine et, enfin, ils ont déjà fait l'objet chacun d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle ils se sont soustraits. Eu égard à ces éléments et alors même que leur présence en France ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, le préfet de la Loire n'a pas commis d'erreur d'appréciation en leur faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée qu'il a limitée à deux mois.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et Mme A... B... épouse D... ainsi qu'au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2025, à laquelle siégeaient :

M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.

Le président-rapporteur,

H. Stillmunkes

L'assesseur le plus ancien,

B. Gros

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02893


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02893
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. STILLMUNKES
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : VRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;24ly02893 ?
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