Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision par laquelle le préfet de l'Isère a implicitement rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision du 16 janvier 2020 portant refus de délivrance de la carte professionnelle pour l'exercice de l'activité de moniteur de ski, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer cette carte professionnelle et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 155 000 euros en réparation de ses préjudices.
Par un jugement n° 2101206 du 18 juillet 2024, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés respectivement le 20 septembre 2024 et le 26 février 2025, M. A... B..., représenté par Me Planes, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 juillet 2024 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler la décision du 23 décembre 2020 par laquelle le préfet a implicitement rejeté son recours gracieux articulé à l'encontre du refus de délivrance de la carte professionnelle pour l'exercice de l'activité de moniteur de ski ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer sans délai cette carte professionnelle, au besoin sous astreinte ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- le jugement n'est pas motivé concernant la réglementation de l'activité de moniteur de ski au Royaume-Uni et les premiers juges ont commis une erreur de droit au regard de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et du 3° de l'article R. 212-90 du code du sport ;
- la décision préfectorale est entachée d'erreur de droit en tant qu'elle se fonde sur le 2° de l'article R. 212-90 du code du sport, qui n'est pas le texte applicable dès lors que les formations délivrées par la British Association of Snowsport Instructors (BASI) sont des formations réglementées au sens de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 car elles visent une profession déterminée, consistent en un cycle d'étude comportant des modules de formation, complété par des stages professionnels, et elles ont fait l'objet d'un contrôle par le Scottish credit and qualifications framework (SCQF), le tout conformément aux dispositions du e) du 1) de l'article 3 de cette directive, reprises à l'article L. 212-1 et au 3° de l'article R. 212-90 du code du sport ;
- le refus de délivrance de la carte professionnelle méconnait ainsi les dispositions du 3° de l'article R. 212-90 du code du sport, qui est applicable et n'exige pas qu'il fournisse la preuve de son expérience professionnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 novembre 2024, le ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir que :
- le préfet a respecté les délais d'instruction de la demande de libre établissement déposée par le requérant et lui en a indiqué les manques ;
- le titre détenu par le requérant, délivré par la British Association of Snowsport Instructors (BASI), de niveau 3, n'est pas éligible à la reconnaissance automatique de qualification professionnelle prévue par la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005, ne figurant pas sur l'annexe I au règlement délégué (UE) 2019/907 de la commission du 14 mars 2019 ;
- la profession de moniteur de ski n'est pas réglementée au Royaume-Uni et les formations de la British Association of Snowsport Instructors, qui est une association professionnelle reconnue par le gouvernement britannique, ne répondent pas au critère de formation réglementée au sens de cette directive, les autorités britanniques n'intervenant pas dans la structuration de ces formations, qu'elle ne contrôlent pas ; le préfet était ainsi fondé à exiger du requérant la production d'éléments relatifs à son expérience professionnelle, que ce dernier n'a pas produits ;
- il n'existe pas de lien de causalité entre le refus en litige et le préjudice invoqué.
La clôture d'instruction a été fixée au 27 février 2025 par une ordonnance du 27 janvier 2025.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'Accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique publié au journal officiel de l'Union européenne C-384-I du 12 novembre 2019 ;
- la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013) ;
- le code du sport ;
- l'ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 portant reconnaissance des qualifications professionnelles réglementées ;
- le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l'Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l'exercice des professions d'éducateur sportif et d'agent sportif ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2025 :
- le rapport de M. Gros, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Cécile Cottier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., de nationalité britannique, né en 1970, a adressé au préfet de l'Isère, qui l'a reçue le 13 janvier 2020, une déclaration de libre établissement en vue d'exercer en France la profession de moniteur de ski alpin et a conséquemment sollicité la délivrance de la carte professionnelle correspondante. Le préfet lui a opposé un refus, le 16 janvier 2020 et a implicitement rejeté le recours gracieux formé à l'encontre de cette décision par M. B.... Ce dernier relève appel du jugement du 18 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions préfectorales et rejeté celle tendant au versement d'une indemnité de 155 000 euros en réparation de ses préjudices économique et moral.
Sur la régularité du jugement :
2. Pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance du 3° de l'article R. 212-90 du code du sport, le tribunal, après avoir cité l'ensemble des textes applicables et notamment les dispositions invoquées, a exposé qu'elles ne sont pas applicables, faute que le Royaume-Uni réglemente l'accès à l'activité de moniteur de ski et la formation à cette activité. Le tribunal, qui a ainsi exposé les motifs de fait et de droit sur le fondement desquels il écartait le moyen, a par là-même régulièrement motivé le jugement. Si le requérant conteste son analyse, cette circonstance ne caractérise pas un défaut de motivation.
Sur la requalification des conclusions en annulation :
3. Si le requérant persiste en appel à diriger ses conclusions en annulation contre la seule décision du 23 décembre 2020, implicitement née du rejet de son recours gracieux articulé à l'encontre de la décision du 16 janvier 2020 portant refus de délivrance de la carte professionnelle de moniteur de ski, ces conclusions doivent toutefois être regardées comme étant également dirigées contre cette décision initiale du 16 janvier 2020.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article L. 212-1 du code du sport : " I. - Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d'occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du présent article et de l'article L. 212-2 du présent code, les titulaires d'un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification professionnelle : 1° Garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l'activité considérée / 2° Et enregistré au répertoire national des certifications professionnelles dans les conditions prévues à l'article L. 6113-5 du code du travail (...) ". L'article L. 212-7 du même code dispose que " Les fonctions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 212-1 peuvent être exercées sur le territoire national par les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne (...), qui sont qualifiés pour les exercer dans l'un de ces Etats ". Eu égard aux stipulations de l'article 28 de l'accord susvisé sur le retrait du Royaume Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne, ces règles continuent à s'appliquer aux ressortissants britanniques qui ont déposé une demande auprès de l'autorité administrative avant la fin de la période dite de transition, soit au plus tard le 31 décembre 2020, ainsi que le précise l'article 126 de cet accord.
5. Aux termes de l'article R. 212-90 du code du sport, pris en application des dispositions visées ci-dessus : " Est réputé satisfaire à l'obligation de qualification requise pour exercer tout ou partie des activités mentionnées à l'article L. 212-1, tout ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) qui se trouve dans l'une des situations suivantes : (...) / 2° Justifier avoir exercé l'activité, dans un Etat membre de l'Union européenne ou un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui ne réglemente pas l'accès à l'activité ou son exercice, à temps plein pendant une année ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente, au cours des dix années précédentes et être titulaire d'une ou plusieurs attestations de compétences ou d'un ou plusieurs titres de formation délivrés par l'autorité compétente d'un de ces Etats, attestant la préparation à l'exercice de l'activité pour tout ou partie des activités mentionnées à l'article L. 212-1 / 3° Etre titulaire d'un titre de formation délivré par l'autorité compétente d'un Etat membre de l'Union européenne (...) qui ne réglemente pas l'accès à l'activité ou son exercice, sanctionnant une formation réglementée visant spécifiquement l'exercice de tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 et consistant en un cycle d'études complété, le cas échéant, par une formation professionnelle, un stage professionnel ou une pratique professionnelle (...) ". Ces dispositions du 3° de l'article R. 212-90 du code du sport reprennent celles de la première phrase du e), qui définit la " formation réglementée ", du 1. de l'article 3 de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005. La seconde phrase de ce e) dispose que " La structure et le niveau de la formation professionnelle, du stage professionnel ou de la pratique professionnelle sont déterminés par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives de l'État membre en question ou font l'objet d'un contrôle ou d'un agrément par l'autorité désignée à cet effet ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le Royaume-Uni ne règlemente pas l'accès à l'activité de moniteur de ski. Ce pays ne réglemente pas davantage la formation conduisant à l'obtention de la certification " Alpine Level 3 ISIA " délivrée à M. B... en mars 2014 par la British Association of Snowsport Instructors (BASI). En outre, l'inscription de cette certification au sein du Scottish credit and qualifications framework ne permet pas de considérer qu'elle ferait l'objet " d'un contrôle ou d'un agrément par l'autorité désignée à cet effet ". La déclaration de libre établissement de M. B... ne pouvait donc relever, pour son examen, que des dispositions rappelées ci-dessus du 2° de l'article R. 212-90 du code du sport. Or M. B..., titulaire de la certification précédemment citée, ne justifie pas avoir exercé une activité de moniteur de ski à temps plein pendant une année ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente au cours des dix années précédentes, ceci dans un Etat membre de l'Union européenne, ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ne réglementant pas l'accès à l'activité ou son exercice. Ainsi, M. B... ne pouvait pas être regardé comme satisfaisant aux exigences des dispositions du 2° de l'article R. 212-90 du code du sport pour se voir délivrer la carte professionnelle d'éducateur sportif. Au surplus, le requérant ne critique pas l'autre motif de la décision préfectorale du 16 janvier 2020, reposant sur son insuffisance de qualification professionnelle en certains domaines. M. B... n'est dès lors pas fondé à demander l'annulation de la décision préfectorale du 16 janvier 2020 et de sa confirmation implicite, et, par suite, à demander réparation des préjudices financier et moral que cette décision lui aurait causés.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
8. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,
M. Gros, premier conseiller,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition par le greffe le 10 juillet 2025.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
H. Stillmunkes
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY02683