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10/07/2025 | FRANCE | N°24LY02080

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 10 juillet 2025, 24LY02080


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon, d'une part, d'annuler la décision du 11 mars 2022 par laquelle le président du conseil départemental de l'Yonne l'a licenciée de son emploi d'assistante familiale et, d'autre part, de condamner le département de l'Yonne à lui verser une indemnité de 30 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de ce licenciement.



A... un jugement n° 2201260 du 23 mai 2024 le tribunal admin

istratif de Dijon a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



A... une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon, d'une part, d'annuler la décision du 11 mars 2022 par laquelle le président du conseil départemental de l'Yonne l'a licenciée de son emploi d'assistante familiale et, d'autre part, de condamner le département de l'Yonne à lui verser une indemnité de 30 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de ce licenciement.

A... un jugement n° 2201260 du 23 mai 2024 le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

A... une requête, enregistrée le 19 juillet 2024 et un mémoire enregistré le 21 février 2025, Mme B... C..., représentée par Me Chimay, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2201260 du 23 mai 2024 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décision du 11 mars 2022 par laquelle le président du conseil départemental de l'Yonne l'a licenciée de son emploi d'assistante familiale ;

3 ) de mettre à la charge du département de l'Yonne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les contrats d'accueil des enfants ne comportent aucune information sur leur prise en charge et leur situation, que ce soit sur le plan de la santé, de leur scolarité, de leur état psychologique ou des conséquences au quotidien de leur situation ;

- la décision procédant à son licenciement n'est pas suffisamment motivée ;

- les griefs qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- la décision de licenciement est entachée d'une erreur d'appréciation.

A... un mémoire en défense enregistré le 10 décembre 2024, le département de l'Yonne, représenté par la SELARL Centaure Avocats agissant par Me Cano, conclut au rejet de la requête et demande à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 11 mars 2022 est parfaitement motivée ;

- la matérialité des griefs retenus à l'encontre de Mme C... est établie et ces griefs démontrent une méconnaissance de l'obligation de garantir la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis ;

- le moyen tiré de l'erreur d'appréciation sera rejeté.

A... une ordonnance du 23 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2025 à 16h30.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Derrouiche, représentant le département de l'Yonne.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., titulaire depuis 2007 d'un agrément en qualité d'assistante familiale délivré par le département de l'Yonne, était autorisée, en dernier lieu, à accueillir à son domicile trois enfants de 0 à 21 ans. Le 1er octobre 2021, les trois enfants accueillis à son domicile, respectivement âgés de 7, 10 et 14 ans et accueillis depuis avril 2019, mai 2019 et mars 2020, ont été réorientés en urgence vers un autre lieu d'accueil. A... un courrier du 8 octobre 2021, elle a été informée qu'une procédure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement était engagée à son encontre et qu'elle serait reçue en entretien le 22 octobre 2021. A... un courrier du 11 mars 2022, le président du conseil départemental de l'Yonne lui a notifié son licenciement en raison de manquements à son obligation de garantir un bon développement physique et social des enfants confiés A... un jugement du 23 mai 2024, dont Mme C... interjette appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 11 mars 2022 par laquelle le président du conseil départemental de l'Yonne l'a licenciée.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-10 du code de l'action sociale et des familles, rendu applicable aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public par l'article L. 422-1 du même code : " L'employeur qui envisage, pour un motif réel et sérieux, de licencier un assistant maternel ou un assistant familial qu'il emploie depuis trois mois au moins convoque celui-ci et le reçoit en entretien dans les conditions prévues aux articles L. 1232-2 à L. 1232-4 du code du travail. Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié. L'employeur qui décide de licencier un assistant maternel ou un assistant familial relevant de la présente section doit notifier et motiver sa décision dans les conditions prévues à l'article L. 1232-6 du code du travail (...) ". Aux termes de l'article L. 1232-6 du code du travail auquel il est ainsi renvoyé : " Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. / Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur (...) ".

3. La décision de licenciement du 11 mars 2022 indique qu'elle est fondée sur des griefs tenant au positionnement professionnel de Mme C... et au non-respect par elle des enfants et de leurs besoins fondamentaux. Elle énumère, de façon suffisamment circonstanciée, pour chacune de ces deux catégories, l'ensemble des griefs précis et matériellement vérifiables reprochés à l'intéressée. A... suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation doit être écarté.

4. En second lieu, il résulte des termes de la décision du 11 mars 2022 que, s'agissant de son positionnement professionnel, il est reproché à Mme C... des réponses éducatives inadaptées et un non-respect des besoins des enfants concernant notamment les horaires de coucher, un non-respect des familles des enfants, notamment des relations inadaptées avec les parents, des retards aux visites médiatisées, la non transmission des communications entre les parents et les enfants et des propos dénigrants en présence des enfants. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport établi le 23 septembre 2021 par l'éducateur spécialisé chargé du suivi des enfants confiés à Mme C... et du compte rendu d'entretien préalable au licenciement du 22 octobre 2021 que Mme C... a signalé à l'éducateur responsable des enfants un " vol de jus de fruit " à son domicile en lui demandant de contacter la gendarmerie, ce qui est manifestement inadapté et disproportionné, qu'elle a reconnu imposer un coucher entre 19h et 20 h en semaine mais que les enfants se couchaient en revanche entre 23h et minuit le week-end, qu'elle a interpellé un parent devant ses enfants s'agissant de l'achat de matériels scolaires lors d'une visite médiatisée, qu'elle est régulièrement en retard aux visites médiatisées qu'elle ne considère pas comme prioritaires, qu'elle empêche les communications téléphoniques entre les parents et les enfants, qu'elle tient des propos désobligeants et dénigrants sur les parents tant devant les éducateurs que devant les enfants et s'oppose à ce que les enfants évoquent leurs familles à son domicile. Ces faits ont été corroborés par les déclarations faites par les enfants concernés à leur éducateur et ne sont contredits par aucun des éléments produits par la requérante, notamment pas ses échanges de SMS avec la mère des enfants accueillis ou les attestations produites. Si Mme C... fait valoir son assiduité aux formations qui lui ont été proposées, elle n'établit pas avoir adapté son comportement en dépit des rappels et conseils qui lui ont été prodigués sur son rôle et son positionnement, notamment suite aux procédures d'informations préoccupantes dont elle a fait l'objet en 2015 et 2017.

5. Il résulte également des termes de la décision de licenciement du 11 mars 2022 que, s'agissant du non-respect des besoins fondamentaux des enfants, il est reproché à Mme C... des restrictions de nourritures, le non-respect du rythme des enfants concernant les heures de sommeil et des manquements concernant les vêtements, les affaires personnelles et l'hygiène des enfants. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport établi le 23 septembre 2021 par l'éducateur spécialisé chargé du suivi des enfants confiés à Mme C... et du compte rendu d'entretien préalable au licenciement du 22 octobre 2021 que les enfants confiés à l'assistante familiale se sont plaints d'avoir souvent faim, de l'interdiction de prendre un goûter, ce qui a été constaté lors de visites médiatisées avec leurs parents, et de l'absence de petits déjeuners, notamment le week-end. Ils ont réitéré l'ensemble de ces déclarations lors de leur audition par le juge des enfants du tribunal pour enfants D... le 8 octobre 2021. Ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme C... a reconnu imposer un coucher entre 19h et 20h en semaine, ce qui justifierait l'absence de goûter en semaine, et que les enfants se couchaient entre 23h et minuit le week-end, ce qui justifierait par ce fait l'absence de petits déjeuners le week-end. Il ressort des mêmes documents que les enfants se voyaient obligés de rester dans leurs chambres de nombreuses heures entre l'heure du coucher et l'heure du lever. Il en ressort également que les enfants ont déclaré ne pouvoir prendre qu'une à deux douches par semaine et qu'ils se voyaient parfois confisquer leurs effets personnels sans justification. Il a par ailleurs été constaté que les brosses à dent et peignes des enfants n'étaient pas régulièrement renouvelés et qu'ils portaient des chaussures trouées ou leur occasionnant des blessures, ce qui est corroboré par les photographies produites en défense. Il ressort en outre des pièces du dossiers, notamment de la mise en demeure du 29 octobre 2021 et du courriel de Mme C... du 5 novembre 2020, qu'elle n'a restitué que le 3 novembre 2020 une partie des vêtements et effets personnels des enfants, après leur départ en urgence vers de nouvelles familles d'accueil début octobre 2020. Aucun des éléments produits par Mme C... n'est de nature à remettre en cause ces différents constats.

6. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 4 et 5 que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la matérialité des griefs retenus à son encontre ne serait pas établie. A... ailleurs, au regard des constats opérés, le président du conseil départemental de l'Yonne a pu considérer, sans commettre d'erreur d'appréciation, que ces manquements divers et réitérés de Mme C... à son obligation de garantir la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis prévue par les dispositions de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles étaient de nature à justifier son licenciement. Les circonstances selon lesquelles les contrats d'accueil ne comportaient aucune information sur leur prise en charge et leur situation, que ce soit sur le plan de la santé, de leur scolarité, de leur état psychologique ou des conséquences au quotidien de leur situation et qu'aucun projet personnalisé n'aurait été élaboré s'agissant des enfants concernés, sont en l'espèce sans incidence sur la légalité de cette décision.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de licenciement du 11 mars 2022.

Sur les frais d'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. A... ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme C... la somme demandée par le département de l'Yonne sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département de l'Yonne sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au département de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2025, à laquelle siégeaient :

M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

H. Stillmunkes

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au préfet de l'Yonne, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02080


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02080
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-02-04-02 Aide sociale. - Différentes formes d'aide sociale. - Aide sociale aux personnes handicapées. - Accueil et hébergement.


Composition du Tribunal
Président : M. STILLMUNKES
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;24ly02080 ?
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