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10/07/2025 | FRANCE | N°23LY02533

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 10 juillet 2025, 23LY02533


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des majorations correspondantes et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles Mme C... a été assujettie au titre de l'année 2016 ainsi que des maj

orations correspondantes.



Par un jugement n°s 2108071-2108072 du 30 mai 2023...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des majorations correspondantes et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles Mme C... a été assujettie au titre de l'année 2016 ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n°s 2108071-2108072 du 30 mai 2023 le tribunal, après avoir joint ces demandes, les a rejetées.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 31 juillet 2023, 11 février 2025 et 7 mars 2025, M. A... et Mme C..., représentés par Me Sainte Rose Meril, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de faire droit à leurs demandes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne les distributions provenant de l'EURL La Réserve :

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen, fondé, tiré de ce que le service a commis une erreur de droit en appliquant le c de l'article 111 du code général des impôts, dès lors qu'il ne peut y avoir dissimulation de recettes ou d'avantage occulte en l'absence de comptabilité ;

- la proposition de rectification qui leur a été notifiée est insuffisamment motivée en ce qu'elle diffère de celle notifiée de celle notifiée à l'EURL La Réserve, dans laquelle l'administration n'a pas caractérisé l'existence d'une dissimulation de recettes ;

- l'administration ne pouvait constater ni une dissimulation de recettes, ni de revenus distribués par l'EURL La Réserve au titre d'avantages occultes dès lors que cette société n'a pas présenté de comptabilité ;

- le service n'a pas communiqué à l'EURL La Réserve les tickets Z qui fondent la reconstitution de recettes ;

- la méthode de reconstitution des recettes est radicalement viciée en ce que les ventes de vins ne représentent qu'une fraction marginale des recettes du restaurant et en ce que les recettes reconstituées par l'administration correspondent à un taux de remplissage du restaurant supérieur à 100 % ;

- la méthode de reconstitution alternative qu'ils proposent démontre le caractère excessif des recettes reconstituées selon la méthode des vins ;

- la méthode de reconstitution des recettes est excessivement sommaire dans la mesure où le service a intégré à tort l'achat de grands crus de champagne, qui ont été prélevés par Mme C... ;

En ce qui concerne les distributions provenant de E... :

- E... a commis une simple erreur comptable en comptabilisant à tort diverses charges en dépenses de carburant ;

- les dépenses de plâtrerie et de peinture constituent des dépenses à caractère professionnel, qui sont déductibles ;

- l'administration ne pouvait légalement rejeter la déduction des frais de repas au motif que les justificatifs étaient mal classés ; ces dépenses sont déductibles dès lors qu'elles étaient destinées aux chauffeurs ;

- les retraits d'espèces ont été utilisés pour payer les dépenses de carburant, compte tenu de l'existence de plafonds de paiement par carte bancaire ;

- les frais de réception et de représentation ayant été comptabilisés, ils ne présentent pas un caractère occulte.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 décembre 2023, le 28 février 2025 et le 11 juin 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les rectifications fondées sur le c de l'article 111 du code général des impôts correspondant aux distributions en provenance de l'EURL La Réserve peuvent être maintenues sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109-1 du même code ;

- les moyens soulevés par M. A... et Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Moya, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- et les observations de Me Sainte Rose Meril pour M. A... et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, l'EURL La Réserve, qui exploite un restaurant à l'enseigne " L'Européen ", dont Mme C... a été la gérante et l'associée majoritaire, puis l'associée unique à compter du 6 juillet 2015, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service a refusé la déductibilité de charges non justifiées et de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante au titre de l'exercice clos en 2014. En ce qui concerne les exercices clos en 2015 et 2016, le vérificateur a écarté la comptabilité au motif qu'elle était dépourvue de valeur probante et a reconstitué le chiffre d'affaires réalisé au titre de chacun de ces exercices ainsi que les bénéfices en résultant. En conséquence de ce contrôle, l'EURL La Réserve a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 et s'est vue réclamer des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période contrôlée. D'autre part, E..., qui exerce une activité de transport routier de marchandises et dont Mme C... a été la présidente et associée unique, a fait l'objet elle aussi d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 et lui a réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 21 mars 2014 au 28 février 2017. A la suite de ces contrôles, M. A... et Mme C..., alors mariés, ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2014 et 2015 à raison de revenus distribués par les deux sociétés et Mme C... a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à raison de revenus distribués entre ses mains au titre de l'année 2016. M. A... et Mme C... d'une part, et Mme C... d'autre part, demandent l'annulation du jugement du 30 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes en décharge de ces impositions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. A... et Mme C... n'ont pas soulevé devant le tribunal le moyen tiré de ce que l'administration a commis une erreur de droit en appliquant le c de l'article 111 du code général des impôts en l'absence de comptabilité. Ils ne sont donc pas fondés à soutenir que le tribunal a omis de répondre à ce moyen.

Sur le bien-fondé des impositions :

3. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...). ".

En ce qui concerne les sommes distribuées par l'EURL La Réserve :

4. En premier lieu, si M. A... et Mme C... contestent la motivation de la proposition de rectification qui leur a été adressée, en ce qu'elle diffère de celle notifiée à l'EURL La Réserve et en ce que l'administration n'a pas caractérisé l'existence d'une dissimulation de recettes dans la proposition de rectification notifiée à cette société, ce moyen est, en vertu du principe d'indépendance des procédures, sans incidence sur les impositions personnelles procédant des revenus distribués par cette société.

5. En deuxième lieu, M. A... et Mme C... ne peuvent sérieusement soutenir que dès lors que l'EURL La Réserve n'a pas présenté de comptabilité, l'administration ne pouvait constater ni une dissimulation de recettes, ni de revenus distribués par cette société au titre d'avantages occultes.

6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, et en particulier de la proposition de rectification notifiée à l'EURL La Réserve, que la part des ventes de vins dans le chiffre d'affaires global s'élevait respectivement à 11 % et 13 % au titre des exercices clos en 2015 et 2016. Cette part était suffisamment importante pour que l'administration puisse reconstituer le chiffre d'affaires à partir de la méthode " des vins " mise en œuvre. Le moyen tiré de ce que cette méthode serait radicalement viciée doit, dès lors, être écarté.

7. En quatrième lieu, M. A... et Mme C... ne sauraient sérieusement reprocher au service de ne pas avoir transmis à l'EURL La Réserve les tickets Z utilisés pour la reconstitution des recettes puisqu'elle les détenait.

8. En cinquième lieu, si M. A... et Mme C... soutiennent que les résultats obtenus par le vérificateur aboutissent à une surévaluation de la capacité réelle d'accueil du restaurant, ils omettent de prendre en compte la capacité d'accueil, de quinze personnes, de sa seconde salle, comme indiqué dans la proposition de rectification adressée à l'EURL La Réserve. Les appelants, qui se bornent à affirmer sans l'établir que cette salle est un couloir qui ne peut être utilisé pour servir des repas, ne démontrent pas que la méthode de reconstitution des recettes serait radicalement viciée ou excessivement sommaire.

9. En sixième lieu, la méthode alternative de reconstitution des recettes de l'EURL La Réserve proposée par M. A... et Mme C... consiste à déterminer le nombre de repas vendus à partir du nombre de places de la salle principale et de la terrasse, ouverte quatre mois par an. Toutefois, cette méthode ne tient pas compte du nombre de places de la seconde salle. Par ailleurs, M. A... et Mme C... ne justifient pas l'exactitude du taux de remplissage de 50 % qu'ils appliquent, ni celui de défalcation de 15 % qui correspondrait aux places inutilisées du fait de l'accueil de groupes en nombre impair. Ainsi, la méthode qu'ils proposent ne permet pas une meilleure approximation du chiffre d'affaires de l'EURL La Réserve que celle retenue par le vérificateur.

10. En dernier lieu, M. A... et Mme C... qui affirment, sans le démontrer, que les grands crus de champagne achetés par l'EURL La Réserve ont été prélevés par Mme C..., ne sont pas fondés à soutenir que la reconstitution de recettes est excessivement sommaire.

En ce qui concerne les sommes distribuées par E... :

11. En premier lieu, E... a comptabilisé indistinctement des charges diverses dans un compte de dépenses de carburant. Cette comptabilisation, dans la mesure où elle ne fait pas ressortir de manière explicite la nature de ces charges, ne fait pas obstacle à leur qualification d'avantage occulte au sens du c de l'article 111 du code général des impôts. M. A... et Mme C... ne sont pas plus fondés à soutenir que les sommes comptabilisées par E... dans les comptes 625600 et 625700 relatifs aux frais de réception et de représentation ne peuvent revêtir un caractère occulte en raison de cette comptabilisation, dès lors que le libellé de ces écritures comptables ne permettait pas d'identifier le bénéficiaire de ces sommes.

12. En second lieu, les appelants se contentent d'avancer, sans cependant l'établir, que les travaux de plâtrerie et de peinture, qui ont été comptabilisés en charges par E..., concernent la partie de leur habitation affectée au siège social de cette société alors que l'administration produit deux factures des sociétés prestataires, qui correspondent aux sommes en litige, relatives à des travaux réalisés dans une chambre et un séjour et à la décontamination d'une salle de bain. En outre, l'une de ces factures n'a pas été établie au nom de E.... Par ailleurs, celle-ci n'a pas présenté de pièce justificative correspondant aux sommes comptabilisées en frais de repas. En se bornant à affirmer que ces sommes correspondent aux frais de repas exposés par les chauffeurs de la société et aux frais correspondant aux collations offertes à ces derniers lors des réunions, obligatoires en application de la réglementation, M. A... et Mme C... ne justifient pas davantage que ces sommes ont été engagées dans l'intérêt de l'exploitation de E....

13. En dernier lieu, selon M. A... et Mme C..., qui se prévalent uniquement de ce que les justificatifs de paiement fournis à l'administration mentionnent le nom de E..., la plaque d'immatriculation du camion et le kilométrage du véhicule au moment du paiement, les retraits d'espèces permettaient aux chauffeurs d'acheter du carburant lorsque les plafonds de paiement par carte bancaire étaient atteints. Toutefois, ils n'établissent pas que ces plafonds ne pouvaient être augmentés ni, par conséquent, que les espèces retirées ont été utilisées dans l'intérêt de l'exploitation de E....

14. Il résulte de ce qui précède que M. A... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Leur requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme D... C... et à la ministre chargée des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente,

M. Moya, premier conseiller,

Mme Soubié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2025.

Le rapporteur,

P. Moya

La présidente,

C. Michel

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY02533

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02533
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués. - Notion de revenus distribués. - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: M. Philippe MOYA
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : AGN AVOCATS PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;23ly02533 ?
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