Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler la décision du 14 mai 2024 par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois, ainsi que la décision du même jour par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de 30 jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de cent euros par jour de retard, ainsi que de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Par un jugement n° 2401116 du 24 mai 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 juillet 2024, Mme A... C..., représentée par Me Shveda, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2401116 du 24 mai 2024 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) d'annuler la décision du 14 mai 2024 par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois, ainsi que la décision du même jour par laquelle la même autorité l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours ;
3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ou de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 6 mois :
- cette décision est dépourvue de base légale à raison de la caducité de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 20 avril 2022 ;
- elle n'a pas été signée par une autorité compétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
Sur la décision portant assignation à résidence :
- cette décision est dépourvue de base légale à raison de l'illégalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;
- il s'agit d'une mesure disproportionnée.
La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme qui n'a pas produit.
Par une décision du 10 juillet 2024, Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante algérienne née le 13 décembre 1986, est entrée en France le 20 novembre 2019 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa court séjour valable jusqu'au 6 décembre 2019. Elle s'est mariée avec un ressortissant français le 25 juillet 2020 dont elle a divorcé le 5 novembre 2021. Le 14 janvier 2022 elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 20 avril 2022, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 21 septembre 2023, le préfet du Puy-de-Dôme lui a opposé un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi. Par un arrêté du 14 mai 2024, le préfet du Puy-de-Dôme a prononcé à l'encontre de Mme C... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois et l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours. Par un jugement du 24 mai 2024, dont Mme C... interjette appel, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les conclusions tendant à l'annulation des décisions du 14 mai 2024.
Sur la régularité du jugement :
2. Le magistrat désigné a mentionné dans son jugement du 24 mai 2024 que contrairement à ce que soutenait Mme C..., la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 20 avril 2022, dont la légalité a été confirmée par un jugement du 21 septembre 2023, n'était pas caduque à la date à laquelle la décision portant interdiction de retour sur le territoire français a été prise et a ainsi motivé le rejet du moyen tiré du défaut de base légale de cette dernière décision. Par ailleurs, eu égard au motif exposé au point 5 du jugement contesté, le magistrat désigné a suffisamment motivé le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte. Par suite les moyens tirés de l'irrégularité du jugement doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois :
3. Aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " Et aux termes de l'article L. 613-2 de ce code : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour (...) prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7 (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".
4. En premier lieu, une obligation de quitter le territoire français antérieure de plus d'un an ne se trouve pas privée d'effet, l'étranger demeurant toujours tenu de l'exécuter et ne se trouvant pas, pour ce motif, dans une situation juridique définitivement constituée qui le soustrairait à l'application des dispositions de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à se prévaloir de la caducité de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 20 avril 2022, dont la légalité a, au demeurant, été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 21 septembre 2023 devenu définitif. Le moyen tiré du défaut de base légale de la décision contestée doit donc être écarté.
5. En deuxième lieu Mme D... B..., cheffe du service de l'immigration et de l'intégration à la préfecture du Puy-de-Dôme, signataire de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français du 14 mai 2024, disposait d'une délégation de signature régulièrement consentie par le préfet du Puy-de-Dôme par arrêté du 6 février 2024, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, à fin de signer tous les actes administratifs entrant dans le cadre des attributions de son service à l'exclusion de certains actes dont ne relève pas la décision contestée. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision litigieuse doit donc être écarté.
6. En troisième lieu, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois prise à l'encontre de Mme C... vise l'article L. 612-7 cité au point 3 et, après avoir rappelé que l'intéressée a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 20 avril 2022 notifiée le 30 avril suivant, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 21 septembre 2023, indique qu'elle ne justifie d'aucune circonstance particulière justifiant la non-exécution de cette mesure d'éloignement, ni d'aucune circonstance humanitaire de nature à faire obstacle à une interdiction de retour sur le territoire français, qu'elle ne justifie pas de l'intensité ou de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France et qu'elle ne représente pas une menace pour l'ordre public. Ainsi, cette décision, énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
7. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient Mme C..., il ne ressort ni des termes de la décision contestée, ni des pièces du dossier que le préfet du Puy-de-Dôme n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle avant de prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. Mme C... se prévaut de la durée de son séjour en France et de la circonstance que le père de sa fille, née le 3 août 2021, est de nationalité tunisienne et réside régulièrement en France. Cependant, elle ne produit aucun document de nature à établir la régularité du séjour du père de son enfant en France, ni aucun document de nature à établir sa communauté de vie avec ce dernier ou permettant de justifier que le père de son enfant contribuait à l'entretien et à l'éducation de sa fille à la date de la décision litigieuse. Au demeurant, lors de son audition du 13 mai 2024 elle a indiqué vouloir quitter la ville de Clermont-Ferrand, où elle a déclaré résider avec son concubin, pour la ville de Toulouse où réside sa sœur. Par ailleurs, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans et rien ne s'oppose à ce que sa fille, compte tenu de son jeune âge, poursuive sa scolarité en Algérie où son père est susceptible de lui rendre visite. Dans ces circonstances, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, d'une part, Mme C... n'est pas fondée à se prévaloir de circonstances humanitaires et, d'autre part, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois prise à son encontre n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation dans son principe ou dans sa durée.
Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :
11. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue du 2° du VI de l'article 72 de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". Si dans sa rédaction antérieure, cet article disposait que l'obligation de quitter le territoire devait avoir été prise moins d'un an avant l'assignation à résidence, en l'absence de dispositions différant son entrée en vigueur, cette modification est entrée en vigueur le lendemain de la promulgation de la loi, soit le 28 janvier 2024.
12. En premier lieu, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant assignation à résidence serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français prise à son encontre, dès lors que la décision d'assignation à résidence en litige a pour fondement l'obligation de quitter le territoire français en date du 20 avril 2022 qui ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt ne se trouvait pas privée d'effet à la date à laquelle la décision litigieuse a été prise.
13. En se bornant à faire valoir qu'elle ne compte pas s'enfuir, Mme C... n'apporte aucun élément de nature à démontrer que la décision d'assignation à résidence dont elle a fait l'objet serait disproportionnée ou entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation des décisions du 14 mai 2024 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois et a décidé de l'assigner à résidence doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2025.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY02248