Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
1) Le 23 juin 2022, la société Bio+ a demandé au tribunal administratif de Dijon, sous le n° 2201634, d'annuler la décision du 26 avril 2022 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté a prononcé à son encontre une amende administrative d'un million d'euros ou, à titre subsidiaire, de réduire le montant de cette amende à une somme n'excédant pas 20 000 euros.
2) Le 8 juillet 2022 la société Bio+ a demandé au tribunal administratif de Dijon, sous le n° 2201786, d'annuler le titre exécutoire n° 2022/0000029, d'un montant d'un million d'euros, émis par l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté le 9 mai 2022 et de la décharger de l'obligation de payer cette somme ou, à titre subsidiaire, de réduire le montant de cette amende à une somme n'excédant pas 20 000 euros.
Par un jugement n° 2201634-2201786 du 28 mars 2024, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision 26 avril 2022 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté a prononcé une amende administrative d'un million d'euros à l'encontre de la société Bio+, a annulé le titre exécutoire n° 2022/0000029 émis le 9 mai 2022, a déchargé la société Bio+ de l'obligation de payer la somme en cause et a mis à la charge de l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mai 2024, l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 2201634-2201786 du 28 mars 2024 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement n° 2201634-2201786 du 28 mars 2024 du tribunal administratif de Dijon en révisant le montant de la sanction financière prononcée à l'encontre de la société Bio + ;
3°) de condamner la société Bio + à lui verser une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal administratif est entaché d'irrégularité dès lors que le rejet de la fin de non-recevoir soulevée à l'encontre des conclusions de la société Bio + dirigées contre le titre exécutoire du 9 mai 2022 n'est pas motivé ; les conclusions de la société Bio+ dirigées contre le titre exécutoire du 9 mai 2022, qui n'avait pas été transmis à la requérante, sont dépourvues d'objet et, par suite, irrecevables ;
- le tribunal a considéré à tort que la société Bio+ avait satisfait à ses obligations au regard des dispositions du point 2-1 de l'annexe à l'arrêté du 15 mai 2018 fixant les conditions de réalisation des examens de biologie médicale d'immuno-hématologie érythrocytaire et il a commis une erreur de fait ;
- l'infraction relative au défaut de transmission à la maternité et au site de délivrance des produits sanguins labiles d'un résultat positif de recherche d'agglutines irrégulières pour une patiente enceinte n'était pas contestée au jour de la décision prononçant la sanction et elle devait être prise en compte ;
- au regard de la gravité des manquements commis par la société Bio+ et de leur réitération sur une période d'un an et neuf mois, l'agence régionale de santé était bien fondée à prononcer à son encontre une sanction financière d'un million d'euros en application des dispositions des articles L. 6241-2 et R. 6241-1 du code de la santé publique.
Par un mémoire en défense du 24 février 2025, la société Bio+, représentée par Magenta-société d'avocats agissant par Me Jothy et Me Martinat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal administratif de Dijon a retenu la recevabilité des conclusions dirigées contre le titre exécutoire du 9 mai 2022 ;
- la sanction litigieuse a été prononcée en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- la sanction repose sur des faits matériellement inexacts, les infractions n° 2 et n° 3 n'étant pas caractérisées ;
- le montant de l'amende est manifestement disproportionné.
Par une ordonnance du 25 février 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 mars 2025 à 16h30.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 15 mai 2018 fixant les conditions de réalisation des examens de biologie médicale d'immuno-hématologie érythrocytaire ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Jothy, représentant la société Bio+.
Une note en délibéré, présentée pour la société Bio+ a été enregistrée le 20 juin 2025.
Considérant ce qui suit :
1. La société Bio+, dont le siège est situé à Sens, exploite un laboratoire de biologie médicale, sur plusieurs sites dans l'Yonne et dans la Nièvre, en vertu d'une autorisation que l'agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne-Franche-Comté lui a délivrée, en dernier lieu, le 30 décembre 2021. A la suite de signalements concernant des incidents dans la chaine transfusionnelle, le directeur de l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté a décidé, par un arrêté du 27 janvier 2022, de suspendre l'activité d'immuno-hématologie de la société Bio+, puis par un arrêté du 15 avril 2022, après avoir constaté que l'ensemble des mesures proposées par le laboratoire Bio+ était de nature à permettre de corriger les causes à l'origine des incidents transfusionnels, il a décidé d'abroger la mesure de suspension. Par ailleurs, par une décision du 26 avril 2022, le directeur général de l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté a prononcé à l'encontre de la société Bio+ une amende administrative d'un million d'euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 6241-2 du code de la santé publique au regard des infractions relevées dans la chaine transfusionnelle liées à l'activité d'immuno-hématologie puis a émis, le 9 mai 2022, un titre exécutoire de même montant en vue de procéder au recouvrement de cette amende. Par un jugement du 28 mars 2024 dont l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté interjette appel, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision 26 avril 2022 par laquelle le directeur général de l'ARS a prononcé une amende administrative d'un million d'euros à l'encontre de la société Bio+, a annulé le titre exécutoire n° 2022/0000029 émis le 9 mai 2022, a déchargé la société Bio+ de l'obligation de payer la somme en cause et a mis à la charge de l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté à l'encontre des conclusions dirigées contre le titre exécutoire émis le 9 mai 2022 :
2. Il est constant que le 15 juin 2022, l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté a adressé à la société Bio+ une relance relative à un avis des sommes à payer d'un montant d'un million d'euros mentionnant un titre exécutoire n°2022/0000029 émis le 9 mai 2022. La circonstance que ce titre exécutoire n'ait été lui-même notifié à la société Bio+ que le 16 août 2022 n'est pas de nature à avoir privé d'objet les conclusions dirigées contre ce titre et enregistrées le 8 juillet 2022 au tribunal administratif de Dijon dès lors que l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté ne conteste ni l'existence ni la date d'émission du titre exécutoire en litige et qu'elle n'a pas procédé à son retrait. La fin de non-recevoir soulevée par l'ARS doit donc être écartée.
Sur le cadre juridique applicable :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 6241-1 du code de la santé publique : " Constituent une infraction soumise à sanction administrative : / (...) / 2° Le fait, pour un laboratoire de biologie médicale, de réaliser des examens de biologie médicale sans respecter les conditions et modalités prévues aux articles L. 6211-2, L. 6211-7 à L. 6211-9, L. 6211-11 à L. 6211-20 et L. 6211-22 ; (...)". Aux termes de l'article L. 6211-22 du même code : " Les conditions de réalisation de certains examens de biologie médicale susceptibles de présenter un risque particulier pour la santé publique sont précisées par arrêté du ministre chargé de la santé, pris après avis de la commission mentionnée à l'article L. 6213-12 et du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 6241-2 du code de la santé publique : I. - Lorsqu'une des infractions mentionnées à l'article précédent est commise par le laboratoire de biologie médicale, le directeur général de l'agence régionale de santé peut prononcer une amende administrative à l'encontre de l'auteur de l'infraction. Il peut assortir cette amende d'une astreinte journalière lorsque l'auteur de l'infraction ne s'est pas conformé à ses prescriptions à l'issue du délai fixé par une mise en demeure. Le montant de l'amende administrative ne peut être supérieur à : ;(...) 2° Deux millions d'euros pour les infractions mentionnées aux 1°, 2°, 4° lorsqu'il s'agit d'un laboratoire, 5°, 6°, 10°, 12°, 13°, 14° et 17° du même article. ". Aux termes de l'article R. 6141-1 du même code : " I. - Lorsqu'il est constaté la commission par un laboratoire de biologie médicale d'une ou plusieurs des infractions énumérées à l'article L. 6241-1, le directeur général de l'agence régionale de santé notifie, par tout moyen permettant d'en accuser réception, au représentant légal de ce laboratoire les faits qui sont reprochés au laboratoire et les sanctions encourues et lui demande de faire connaitre, dans le délai d'un mois, ses observations écrites ainsi que les mesures correctrices adoptées ou envisagées. La personne concernée a accès au dossier et peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. II. - A l'issue de l'échéance du délai prévu au I, si le directeur général de l'agence régionale de santé ne donne pas acte au représentant légal du laboratoire de biologie médicale, au vu de ses observations, qu'aucune infraction n'a été commise, il peut dans le délai de deux mois : 1° Prononcer une amende administrative dont le montant ne peut excéder, selon la nature de l'infraction et la qualité de son auteur, celui fixé aux 1° et 2° du I ou au IV de l'article L. 6241-2 ; /(...) / Pour fixer le montant de la pénalité mentionnée au 1°, le directeur général de l'agence régionale de santé prend en compte les circonstances et la gravité du manquement. La décision indique la nature des faits constitutifs du manquement et précise le délai et les modalités de paiement de l'amende ainsi que les voies et délais de recours. "
Sur la régularité de la procédure de sanction :
5. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 27 janvier 2022, la société Bio+ a été informée par l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté des infractions relevées à son encontre au regard des dispositions de l'article L. 6211-22 du code de la santé publique et des dispositions de l'arrêté du 15 mai 2018 fixant les conditions de réalisation des examens de biologie médicale d'immuno-hématologie érythrocytaire, de ce que ces faits étaient susceptibles de donner lieu au prononcé d'une pénalité financière pouvant aller jusqu'à deux millions d'euros en application des dispositions de l'article L. 6241-2 du même code et a été invitée à présenter ses observations écrites dans un délai d'un mois conformément aux dispositions de l'article R. 6141-1 de ce code . Par suite, la société Bio+ n'est pas fondée à soutenir que le principe du contradictoire aurait été méconnu.
Sur le bien-fondé de la sanction :
6. Il ressort des termes de la décision du 26 avril 2022 que la sanction financière de un million d'euros prononcée par le directeur général de l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté à l'encontre de la société Bio+ sur le fondement des dispositions de l'article L. 6241-2 du code de la santé publique a été prise au motif que les déclarations d'incident grave de la chaine transfusionnelle liées à l'activité d'immuno-hématologie du laboratoire Bio+, transmises à l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé entre le 11 mai 2020 et le 11 janvier 2022, révélaient des infractions au regard des dispositions de l'article L. 6211-22 du code de la santé publique et de l'arrêté du 15 mai 2018 fixant les conditions de réalisation des examens de biologie médicale d'immuno-hématologie érythrocytaire. Il résulte des termes de cette décision qu'ont été retenues : deux infractions relatives à la méconnaissance des obligations fixées au point 1-3 de l'annexe à l'arrêté du 15 mai 2018 (infraction n° 1 et n° 4) à raison, d'une part, de l'existence de deux résultats de phénotypes érythrocytaires discordants édités sur une même carte de groupe sanguin et, d'autre part, de l'existence d'un résultat de phénotype érythrocytaire incompréhensible ; une infraction relative à la méconnaissance des obligations fixées au point 2-1 de l'annexe de l'arrêté du 15 mai 2018 (infraction n° 2) à raison du rendu de six résultats de recherche d'agglutine irrégulière positifs sans identification précise d'anticorps et une infraction relative à la méconnaissance des obligations fixées au 3ème alinéa de l'article 5 de l'arrêté du 15 mai 2018 (infraction n° 3) en raison de la non transmission à la maternité et au site de délivrance des produits sanguins labiles d'un résultat positif de recherche d'agglutine irrégulière pour une patiente enceinte.
7. Si les deux infractions (infraction n° 1 et n° 4) relatives à la méconnaissance des obligations fixées au point 1-3 de l'annexe à l'arrêté du 15 mai 2018 ne sont pas contestées, la société Bio+ soutient en revanche que la matérialité des infractions 2 et 3 n'est pas établie.
En ce qui concerne l'infraction n° 2 :
8. Le point 2-1 de l'annexe à l'arrêté du 15 mai 2018 fixant les conditions de réalisation des examens de biologie médicale d'immuno-hématologie érythrocytaire prévoit notamment que " La recherche d'anticorps anti-érythrocytaires (appelée anciennement recherche d'agglutinines irrégulières ou RAI) comporte deux étapes : le dépistage et l'identification en cas de dépistage positif. Le dépistage, puis l'identification si besoin des anticorps anti-érythrocytaires est réalisé à l'aide de gammes d'hématies-tests d'origine humaine, dans du sérum ou du plasma. Dans certains cas, ces examens peuvent être réalisés sur adsorbat ou sur éluat direct. (...) L'étape de dépistage consiste à mettre en évidence la présence ou non d'anticorps anti-érythrocytaires autres que ceux du système ABO. Au terme de cette étape, le laboratoire de biologie médicale doit répondre " dépistage positif " ou " dépistage négatif ". En cas de dépistage positif, l'identification de l'anticorps est obligatoire et réalisée dans un délai compatible avec la prise en charge du patient. (...) L'étape d'identification consiste à déterminer la spécificité du ou des anticorps présents, en confrontant la distribution des réactions positives et négatives obtenues avec la distribution des antigènes sur les gammes d'hématies-tests utilisées. Cette étape repose sur l'utilisation, outre la gamme de dépistage, d'au moins 10 hématies-tests (...) Cette étape permet l'identification d'un anticorps courant isolé ainsi qu'une orientation dans l'identification des mélanges d'anticorps. Elle est réalisée sur un échantillon biologique non décanté, et non ouvert si possible, si elle est mise en œuvre par un laboratoire de biologie médicale différent de celui qui a réalisé le dépistage. (...) Lorsque les critères de validation de chaque spécificité anticorps ne sont pas obtenus, une étape supplémentaire avec un plus grand nombre d'hématies informatives doit être mise en œuvre.(...) ".
9. Il ressort des termes de la décision du 26 avril 2022 que l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté reproche au laboratoire Bio+ de ne pas avoir procédé à l'identification obligatoire des anticorps pour les analyses ayant donné lieu à des résultats de recherche d'anticorps anti-érythrocytaires positifs et de ne pas avoir mis en œuvre l'étape supplémentaire avec un plus grand nombre d'hématies lorsque les critères de chaque spécificité d'anticorps n'étaient pas obtenus.
10. Il résulte de l'instruction, notamment des comptes-rendus d'analyses réalisées directement par l'établissement français du sang communiqués en défense, qui relèvent la présence d'allo-anticorps dont la spécificité n'est pas indentifiable, comme du rapport du professeur A..., médecin biologiste désigné en qualité de personne qualifiée au titre de l'article L. 1421-1 du code de la santé publique pour assister les pharmaciens inspecteurs de santé publique dans le cadre de l'inspection dont a fait l'objet le laboratoire Bio+ le 12 avril 2022 sur son site d'Auxerre et dont des extraits sont repris dans le rapport d'inspection de l'ARS, qu'il existe des situations dans lesquelles la spécificité des anticorps n'est pas identifiable après la réalisation de l'étape d'identification. Aux termes de ses écritures, l'ARS reconnait l'existence de telles situations et précise que les laboratoires médicaux ont cependant une obligation de moyens qui consiste à mettre en œuvre des techniques complémentaires, notamment les techniques sur adsorbat ou sur éluats direct, ou de transmettre l'échantillon à un laboratoire plus spécialisé en immuno-hématologie ayant accès à des réactifs permettant l'identification d'anticorps rares.
11. Cependant, il résulte également de l'instruction, notamment des comptes rendus d'analyse produits en défense par le laboratoire Bio+, que les analyses ayant donné lieu à un dépistage positif ont fait l'objet d'une recherche complémentaire d'anticorps anti-érythrocytaires sur adsorbat, que l'étape supplémentaire d'identification avec un plus grand nombre d'hématies a été respectée ainsi qu'en atteste les mentions " En Coombs indirect " et " Sur hématies papaïnées " figurant sur les comptes rendus d'analyse et que cette étape d'identification a été réalisée par un laboratoire d'immuno-hématologie érythrocytaire plus spécialisé, le laboratoire BRP. Si les résultats de cette étape supplémentaire d'identification n'ont pas été conclusifs s'agissant des analyses ayant fait l'objet de fiches d'évènements graves, aucune disposition du point 2-1 de l'annexe à l'arrêté du 15 mai 2018 ne prévoit l'obligation, dans une telle hypothèse, de recourir à un laboratoire ayant accès à des réactifs permettant l'identification d'anticorps rares. Ainsi, la circonstance que les comptes rendus d'analyse ayant fait l'objet de signalement comportaient la seule mention " A transfuser selon les recommandations de l'EFS ", ne permettant pas d'éclairer le prescripteur et l'EFS pour la délivrance de produits labiles en vue d'une transfusion, n'est pas de nature à démontrer que le laboratoire Bio+, qui n'est en tout état de cause pas habilité à délivrer des conseils transfusionnels, n'aurait pas respecté ses obligations.
12. Il résulte de ce qui précède que la matérialité de l'infraction n° 2 retenue à l'encontre du laboratoire Bio+ n'est pas établie.
En ce qui concerne l'infraction n° 3 :
13. Le 3ème alinéa de l'article 5 de l'arrêté du 15 mai 2018 fixant les conditions de réalisation des examens de biologie médicale d'immuno-hématologie érythrocytaire dispose que : " (...) L'ensemble des résultats est adressé par voie électronique, selon le cas, au site présumé de délivrance des produits sanguins labiles désigné pour le patient et, en outre dans le cas particulier d'une parturiente, à la maternité dans laquelle celle-ci est susceptible d'accoucher. Lorsque le résultat comporte des données qui nécessitent une attention particulière ou urgente du clinicien, le laboratoire de biologie médicale communique le résultat directement au clinicien. Il s'assure également que les résultats ont bien été communiqués de façon appropriée, en urgence si nécessaire, conformément à l'article L. 6211-2, à la parturiente ou au patient. Le biologiste informe le patient qu'il peut obtenir un exemplaire papier des résultats ".
14. Il ressort des termes de la décision du 26 avril 2022 que l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté reproche au laboratoire Bio+ de ne pas avoir procédé à la transmission à la maternité et au site de délivrance des produits sanguins labiles d'un résultat positif de recherche d'agglutines irrégulières pour une patiente enceinte. Cependant, d'une part, la fiche d'incident grave, référencée FIG. IG. 8902.890975527.22.0001, établie par le centre hospitalier d'Auxerre ne mentionne pas une telle absence de transmission et, d'autre part, il résulte des pièces produites par le laboratoire Bio+ que la transmission a été faite le jour même de l'analyse, ce que l'ARS reconnait au demeurant dans ses écritures. Par suite, la matérialité de l'infraction n° 3 retenue à l'encontre du laboratoire Bio+ n'est pas établie, quand bien même l'ARS n'aurait pas eu connaissance de cette transmission à la date à laquelle elle a pris la sanction en litige.
Sur le quantum de l'amende :
15. Il résulte des dispositions de l'article R. 6141-1 du code de la santé publique citées au point 5 du présent arrêt que pour prononcer une pénalité financière à raison des infractions visées à l'article L. 6241-1 du même code et en fixer le montant, le directeur général de l'ARS doit prendre en compte les circonstances et la gravité du manquement.
16. D'une part, il résulte de ce qui a été dit aux points 11 et 14 du présent arrêt que les infractions n° 2 et 3 retenues à l'encontre de la société Bio+ ne sont pas caractérisées. Par ailleurs, si l'infraction n° 1, qui consiste en des résultats de phénotypes érythrocytaire discordants sur une même carte de groupe sanguin, et l'infraction n° 4, qui consiste en un résultat de phénotype érythrocytaire inexploitable, ne sont pas contestées, il résulte de l'instruction que ces infractions n'ont fait respectivement l'objet que d'une seule fiche d'incident grave et il ressort des termes du rapport d'inspection du 12 avril 2022 que ces deux incidents isolés ont été attribués à une erreur de logiciel doublée d'une erreur humaine aléatoire dans un contexte d'activité particulièrement chargé et tendu à raison de la crise sanitaire de la Covid 19. Il est par ailleurs constant que la société Bio+ a très rapidement mis en œuvre des mesures correctrices visant à éviter que de tels manquements ne se reproduisent ainsi qu'à corriger l'ensemble des dysfonctionnements relevés à son encontre et que ces mesures correctrices ont conduit l'ARS à lever la mesure de suspension d'activité prononcée le 27 janvier 2022 dès le 15 avril 2022. Cependant, il est constant que ces incidents étaient susceptibles de présenter un risque particulièrement grave pour la santé des patients concernés dans l'hypothèse d'un besoin urgent de transfusion sanguine. Par suite et eu égard à l'ensemble de ces éléments, la sanction financière prononcée à l'encontre de la société Bio+ est disproportionnée et il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'en ramener le montant à 25 000 euros.
Sur les conclusions dirigées contre le titre exécutoire et les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer :
17. Il résulte de ce qui précède que le titre exécutoire n° 2022/0000029 d'un montant d'un million d'euros émis à l'encontre de la société Bio+ le 9 mai 2022 doit être annulé en tant qu'il excède la somme de 25 000 euros et que la société Bio+ doit être déchargée de l'obligation de payer la somme de 975 000 euros.
18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé le titre exécutoire du 9 mai 2022. Toutefois, le montant de la sanction financière doit être ramené à 25 000 euros.
Sur les frais d'instance :
19. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser les frais d'instance à la charge de chacune des parties.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 28 mars 2024 est annulé.
Article 2 : Le montant de la pénalité financière prononcée le 26 avril 2022 par le directeur général de l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté à l'encontre de la société Bio+ est ramené à un montant de 25 000 euros.
Article 3 : Le titre exécutoire n° 2022/0000029 d'un montant d'un million d'euros émis le 9 mai 2022, à l'encontre de la société Bio+ est annulé en tant qu'il excède la somme de 25 000 euros.
Article 4 : La société Bio+ est déchargée de l'obligation de payer la somme de 975 000 euros.
Article 5 :Le surplus des conclusions de la société Bio+ et les conclusions présentées par l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bio+ et à l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2025.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 24LY01487