La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2025 | FRANCE | N°23LY03696

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 26 juin 2025, 23LY03696


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La société par actions simplifiée (SAS) Alsine a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2014, ainsi que des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts qui a été appliquée.



Par un jugement n° 2205116 du 3 octobre 2023, le tribunal a rejet

é sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2023, la société...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée (SAS) Alsine a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2014, ainsi que des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts qui a été appliquée.

Par un jugement n° 2205116 du 3 octobre 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2023, la société Alsine, représentée par Me Graillat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de faire droit à sa demande ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premier juges ont omis de répondre au moyen, fondé, tiré de ce qu'elle exerce un rôle de holding animatrice et facture en cette qualité des prestations d'animation et aux arguments invoqués au soutien du moyen, également fondé, tiré de ce que l'administration n'était pas fondée à appliquer la majoration pour manquement délibéré prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts ;

- les prestations réalisées par la holding doivent être clairement distinguées, entre celles qui relèvent de l'animation et celles qui constituent des prestations de services techniques ;

- les fonctions de direction exercées par M. et Mme A... et les prestations facturées à la SAS Entreprise Thomas sont distinctes ;

- le Conseil d'État a jugé que l'acte anormal de gestion ne se déduit pas, d'une part, de l'identité de prestations rendues par un dirigeant commun des sociétés parties à une convention de management et, d'autre part, de la décision par la société bénéficiaire des prestations au titre de cette convention de ne pas rémunérer directement son dirigeant à raison de son mandat social ;

- elle a bénéficié de contreparties attestées par les rapports trimestriels du directoire au conseil de surveillance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SAS Alsine ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Soubié, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. À la suite de la vérification de comptabilité de la société par actions simplifiée (SAS) Entreprise Thomas, qui exerce une activité de promotion immobilière et appartient depuis 2014 à un groupe fiscalement intégré dont la société mère est la SAS Alsine, l'administration fiscale a réintégré dans le résultat déclaré de l'exercice 2014 de la SAS Entreprise Thomas des charges correspondant à des prestations facturées par la société mère. La SAS Entreprise Thomas n'ayant pas accepté le rehaussement envisagé, l'administration, après avis favorable de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de la Loire, a cependant mis en recouvrement la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés relative à l'exercice 2014 auprès de la SAS Alsine, en sa qualité de société mère du groupe fiscalement intégré. Par un jugement dont la SAS Alsine demande l'annulation, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition ainsi que des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts qui ont été appliqués.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des motifs du jugement attaqué que les premiers juges ont examiné les prestations fournies par la SAS Alsine aux membres du groupe pour caractériser un rôle de holding animatrice et identifier les prestations fournies en vertu de la convention la liant à la SAS Entreprise Thomas. Si la SAS Alsine fait grief au tribunal d'avoir confondu la fourniture de prestations de services techniques avec son rôle de holding animatrice, un tel moyen, qui se rattache au bien-fondé du jugement, n'affecte pas sa régularité. Par ailleurs les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par la SAS Alsine au soutien du moyen tiré de ce que l'administration n'était pas fondée à appliquer la majoration pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts, ont effectivement répondu à ce moyen aux points 8 et 9 du jugement attaqué. Par suite, ce jugement n'est pas entaché d'omission de réponse à des moyens.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

3. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre (...). ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. / (...). ". En adoptant le premier alinéa de l'article L. 192 précité, le législateur n'a pas entendu déroger aux principes généraux ci-dessus énoncés en exigeant de l'administration fiscale qu'elle justifie qu'une charge n'est pas déductible dans son principe, dès lors que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires, saisie, a rendu un avis favorable au contribuable.

5. Comme exposé au point 1, la SAS Entreprise Thomas, dont Mme A... est la présidente non rémunérée et M. A... le directeur général, est la filiale de la SAS Alsine, dont Mme et M. A... sont respectivement présidente du directoire et directeur général. La société mère et la filiale ont conclu le 23 novembre 2012 un " contrat d'animation et de prestation de services " par lequel la société mère s'engage à son article 1.1, intitulé " animation et coordination ", à fournir à la filiale " une assistance et une coordination en matière de management, de politique commerciale et de développement d'activité " et à son article 1.2, intitulé " services ", à lui fournir " son assistance et ses conseils " pour la réalisation de ses activités immobilières et en matière notamment de gestion commerciale, de comptabilité, gestion et fiscalité, de contrôle de gestion et organisation, d'informatique, de ressources humaines ou encore de services administratifs, en contrepartie d'une rémunération trimestrielle forfaitaire et globale de 55 000 euros hors taxes.

6. Pour remettre en cause la déductibilité des charges d'un montant total de 220 000 euros pour l'exercice 2014 correspondant aux factures intitulées " prestations administratives " émises par la SAS Alsine, l'administration fiscale a estimé que les prestations ainsi facturées ne correspondaient pas à des charges effectives et réelles, au motif notamment que la holding n'aurait fourni aucune prestation distincte des activités attendues des dirigeants de la SAS Entreprise Thomas.

7. Une société holding qui a pour activité principale, outre la gestion d'un portefeuille de participations, la participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, est animatrice de son groupe. Il résulte du caractère facultatif de la fourniture de telles prestations que la circonstance qu'une société soit animatrice du groupe ne saurait suffire, par elle-même, à attester de la réalité et de l'effectivité de prestations de services administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers facturées à une filiale. Par suite, il incombe à la SAS Alsine d'apporter des éléments suffisamment précis portant sur la nature des charges en litige, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'elle en a retirée.

8. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces produites par la SAS Alsine, dont la majorité se rapportent à des années postérieures à l'exercice 2014 et qui, soit ne sont pas datées, soit sont établies au nom de la SAS Entreprise Thomas, qu'elle aurait fourni à sa filiale des prestations en matière de comptabilité, de gestion, d'informatique ou encore de ressources humaines, alors qu'elle ne disposait pas de ressources humaines pour le faire tandis que sa filiale employait en 2014 une dizaine de salariés constituant un pôle commercial et marketing, un pôle travaux, un pôle développement et un pôle comptabilité. En outre, les rapports trimestriels d'activité du directoire au conseil de surveillance de l'exercice 2014 ne font état que de réflexions sur la stratégie du groupe, notamment la recherche de partenaires bancaires pour le financement des opérations immobilières, sur la stratégie de commercialisation des produits et sur le développement de nouveaux produits, qui reflètent l'exercice par la SAS Alsine de son pouvoir de contrôle en qualité d'actionnaire et non la fourniture de services rendus à sa filiale.

9. En second lieu, la conclusion par une société d'une convention de prestations de services avec une autre société pour la réalisation, par le dirigeant de la première, de missions relevant des fonctions inhérentes à celles qui lui sont normalement dévolues ne relève pas d'une gestion commerciale anormale si cette société établit que ses organes sociaux compétents ont entendu en réalité, par le versement des honoraires correspondant à ces prestations, rémunérer indirectement le dirigeant et qu'ainsi ce versement n'est pas dépourvu pour elle de contrepartie, le choix d'un mode de rémunération indirect ne caractérisant pas en lui-même un appauvrissement à des fins étrangères à son intérêt. Toutefois, la SAS Alsine se prévaut de ce que la convention conclue avec la SAS Entreprise Thomas ne prévoyait pas de prestations inhérentes aux fonctions de direction de l'entreprise exercées par M. et Mme A..., d'une part, et elle n'allègue pas que le organes sociaux de la SAS Entreprise Thomas auraient entendu rémunérer indirectement ses dirigeants en concluant avec elle la convention litigieuse, d'autre part.

10. Il résulte de ce qui précède que les prestations intragroupes ne sont pas justifiées.

Sur la pénalité :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...). ".

12. Pour assortir l'imposition en litige de la pénalité prévue par les dispositions précitées, l'administration fiscale a relevé que la comptabilisation des prestations litigieuses avait permis à la SAS Entreprise Thomas de minorer l'impôt sur les sociétés dans des proportions importantes, alors qu'elle savait que ces sommes n'étaient pas engagées dans l'intérêt de l'entreprise et avait ainsi créé une situation lui permettant de réduire sa matière imposable tout en donnant à sa comptabilité, régulière en la forme en présence de factures, une apparence de sincérité. L'administration établit, par ces éléments, l'intention délibérée de la société d'éluder une partie significative de l'impôt dû. La SAS Alsine n'est, dès lors, pas fondée à demander la décharge de la pénalité appliquée.

13. Il résulte de ce qui précède que la SAS Alsine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Alsine est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Alsine et à la ministre chargée des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente de chambre,

Mme Vinet, présidente assesseure,

Mme Soubié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 juin 2025.

La rapporteure,

A.-S. SoubiéLa présidente,

C. Michel

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY03696

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03696
Date de la décision : 26/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Anne-Sylvie SOUBIE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : FIDAL DIRECTION PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-26;23ly03696 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award