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19/06/2025 | FRANCE | N°24LY02432

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 19 juin 2025, 24LY02432


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. M'hamed A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 30 novembre 2022 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2300020 du 18 juillet 2024, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé

la décision relative au délai de départ volontaire et rejeté le surplus des conclusions de la demande.




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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. M'hamed A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 30 novembre 2022 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2300020 du 18 juillet 2024, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision relative au délai de départ volontaire et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 août 2024, M. M'hamed A..., représenté par Me Bourg membre de l'AARPI Ad'vocare, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 2300020 du 18 juillet 2024 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 30 novembre 2022 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui remettre dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir une autorisation provisoire de séjour et de travail, ainsi que de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours, ou subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. A... soutient que :

- sa requête n'est pas tardive ;

- le jugement est irrégulier dès lors que la procédure n'a pas été communiquée au préfet ni à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- le refus de séjour méconnait le 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; il est entaché d'erreur de droit dans la mesure où le préfet s'est cru tenu de suivre l'avis du collège de médecins de l'OFII ; il méconnait le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; il est entaché de défaut d'examen de sa situation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ; elle a été adoptée sans examen de sa situation ; elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la fixation du pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son état de santé ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par décision du 2 octobre 2024, M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Des pièces produites par le préfet du Puy-de-Dôme et enregistrées le 21 mai 2025 n'ont pas été communiquées en l'absence d'utilité.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 2 octobre 1991, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, en invoquant son état de santé sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, et en invoquant sa vie privée et familiale sur le fondement du 5° du même article. Par un arrêté du 30 novembre 2022, le préfet du Puy-de-Dôme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi. Par le jugement attaqué du 18 juillet 2024, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision fixant le délai de départ volontaire et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A..., portant sur le refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire français et la fixation du pays de renvoi.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il ressort du dossier de première instance que la requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme, en étant mise à sa disposition le 9 janvier 2023 et effectivement reçue le même jour à 17h05. Au demeurant, le préfet du Puy-de-Dôme a lui-même produit une pièce par mémoire du 9 mai 2023, qui a été mise à la disposition du conseil de M. A... le 10 mai à 17h11 et que celui-ci a effectivement reçue le 10 mai à 18h15. Le moyen tiré de ce que la procédure serait irrégulière en l'absence de communication de la requête au préfet doit ainsi être en tout état de cause écarté comme manquant en fait. Le tribunal n'était par ailleurs pas tenu à peine d'irrégularité de mentionner cette communication.

3. En second lieu, aucun texte, et notamment l'article L. 425-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile issu de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, ni aucun principe, ne faisait obligation au tribunal de communiquer la procédure à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui n'est pas l'auteur de la décision et n'a pas qualité pour représenter l'Etat dans l'instance au sens de l'article R. 611-12 du code de justice administrative. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement en l'absence d'une telle communication doit dès lors être écarté comme inopérant.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'analyse circonstanciée de la situation de M. A... à laquelle le préfet du Puy-de-Dôme s'est livré pour motiver sa décision, qu'il n'a pas omis d'examiner cette situation.

5. En deuxième lieu, le préfet du Puy-de-Dôme, qui a expressément recherché si les éléments du dossier ou des circonstances particulières pouvaient justifier la délivrance d'un titre de séjour nonobstant le sens de l'avis du collège de médecins de l'OFII, ne peut dès lors être regardé comme s'étant à tort cru lié par cet avis. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit en conséquence être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : " 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

7. Il n'est pas contesté que l'état de santé de M. A..., qui indique être atteint d'une pathologie psychiatrique schizophrénique et produit quelques éléments médicaux succincts en ce sens, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis du collège de médecins de l'OFII, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé algérien, M. A... peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il en ressort également qu'il peut voyager pour se rendre en Algérie sans risque médical. S'il fait valoir la présence de trois sœurs en France ainsi que le lien thérapeutique qui s'est établi dans le cadre de sa prise en charge en France, il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales en Algérie où il a résidé jusqu'à son entrée en février 2018, à l'âge de 26 ans et où le tribunal a relevé que demeurent notamment ses parents. Il en ressort également que le retour en Algérie pour continuer sa prise en charge n'est pas impossible médicalement, l'avis du collège de médecins attestant au contraire de la disponibilité d'un traitement adapté dans ce pays et les deux certificats médicaux produits par M. A... n'indiquant pas qu'un retour dans son pays d'origine serait médicalement exclu. Le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit en conséquence être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice du pouvoir de régularisation doit également être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : " 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est né en Algérie le 2 octobre 1991 et qu'il est de nationalité algérienne. Il est entré en France, sous couvert d'un visa de court séjour, le 3 février 2018, à l'âge de 26 ans. S'il a bénéficié le 5 octobre 2020 de la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé, il ressort de l'avis du collège de médecins de l'OFII que cet état de santé n'implique pas le renouvellement de ce titre, dès lors que M. A... peut bénéficier effectivement en Algérie d'un traitement approprié. A la date de la décision, M. A... n'était présent en France que depuis quatre ans. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ses activités brèves de manœuvre en mai 2022 et de manutentionnaire en août 2022, ni son recrutement comme manutentionnaire à compter du 12 décembre 2022, postérieurement à la décision, caractériseraient une insertion professionnelle ancrée dans la durée en France, pas davantage que la création d'une auto-entreprise de coursier à vélo en mars 2021, sur l'activité concrète de laquelle aucune indication n'est produite. Si M. A... invoque la présence en France de trois sœurs, il dispose nécessairement d'attaches privées et familiales ancrées dans la durée en Algérie, qu'il n'a quittée que récemment à la date de la décision et où il a vécu la plus grande partie de son existence. Eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. A..., ainsi qu'à la possibilité d'une prise en charge adaptée de sa pathologie en Algérie, le préfet du Puy-de-Dôme, en lui refusant le séjour, n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts que cette décision poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit en conséquence être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, eu égard à ce qui vient d'être dit sur la légalité de la décision portant refus de séjour, M. A... n'est pas fondé à exciper de son illégalité.

11. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'examen de la situation de M. A... fait par le préfet pour motiver son arrêté, qu'il n'a pas omis d'examiner cette situation.

12. En troisième lieu, en l'absence d'autre argument, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision d'éloignement sur la situation personnelle de M. A... doivent être écartés pour les motifs qui ont été exposés au point 9.

Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi :

13. En premier lieu, eu égard à ce qui vient d'être dit sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. A... n'est pas fondé à exciper de son illégalité.

14. En deuxième lieu, pour les motifs relatifs à la disponibilité en Algérie d'un traitement adapté à l'état de santé de M. A... qui ont été exposés au point 7, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont motivés par référence au seul état de santé de M. A..., doivent être écartés.

15. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été indiqué au point précédent et alors que le préfet du Puy-de-Dôme a retenu comme pays de destination l'Algérie, dont M. A... a la nationalité, où il est né et a longuement vécu et où il conserve des attaches, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans le choix du pays doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les conclusions restant en litige de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. M'hamed A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02432


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02432
Date de la décision : 19/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : AD'VOCARE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-19;24ly02432 ?
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