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19/06/2025 | FRANCE | N°24LY02154

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 19 juin 2025, 24LY02154


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Dijon a refusé de lui verser la part modulable de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE) pour les années scolaires 2017-2018, 2018-2019 et 2019-2020, pour un montant total de 3 564,60 euros.



Par un jugement n° 2201143 du 28 mai 2024, le tribunal a annulé cette décision pour les années 2017-2018 et 2018-2019 et a enjoint l'

État à verser à M. A... la somme de 2 781,60 euros au titre de l'ISOE sur ces deux années.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Dijon a refusé de lui verser la part modulable de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE) pour les années scolaires 2017-2018, 2018-2019 et 2019-2020, pour un montant total de 3 564,60 euros.

Par un jugement n° 2201143 du 28 mai 2024, le tribunal a annulé cette décision pour les années 2017-2018 et 2018-2019 et a enjoint l'État à verser à M. A... la somme de 2 781,60 euros au titre de l'ISOE sur ces deux années.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 juillet 2024 et 20 décembre 2024, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule la décision implicite de refus, née le 10 mars 2022, opposée par le recteur de l'académie de Dijon à la demande de M. A... tendant au versement de la part modulable de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE) au titre des périodes courant de mars 2018 à août 2018 et de septembre 2018 à février 2019 et enjoint à l'État de verser à M. A... une somme supérieure à 1 390,80 euros ;

2°) de rejeter dans cette mesure la demande présentée par M. A... devant le tribunal.

Il soutient que :

- en application de l'article 3 du décret du 15 janvier 1993, la part modulable de l'ISOE est liée à l'exercice effectif des fonctions de professeur principal ; M. A... n'ayant pas exercé les fonctions de professeur principal entre mars 2018 et février 2019, il ne pouvait bénéficier de l'entière attribution de l'ISOE au titre des deux années scolaires concernées ; il ne pouvait lui être attribué qu'un montant total de 1 390,80 euros pour les deux exercices ;

- en application du deuxième alinéa de l'article 3 de ce décret, un seul professeur peut percevoir la part modulable de l'ISOE ; même à admettre que M. A... ait exercé les fonctions de professeur principal au titre des années 2017-2018 et 2018-2019, il ne les exerçait pas seul ; il ne s'occupait que de la moitié des élèves de la classe ; sur les périodes considérées, entre mars 2018 et février 2019, son collègue a perçu l'ISOE, et lui ne pouvait en bénéficier ;

- la demande indemnitaire préalable de M. A... ayant été implicitement rejetée le 17 janvier 2022, ses conclusions indemnitaires étaient tardives en première instance, tardiveté que sa nouvelle demande datée du 27 décembre 2021, portant sur le même fait générateur, ne pouvait régulariser ; il a en outre présenté cette dernière en sa qualité de commissaire paritaire SNUEP-FSU ; or le syndicat n'avait pas mandat pour représenter M. A... quant au versement de l'ISOE ; la demande indemnitaire est irrecevable à défaut de liaison du contentieux.

Par des mémoires enregistrés les 25 octobre 2024 et 17 janvier 2025, M. B... A..., représenté par Me Delhaye, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- sa demande de première instance était recevable ; son courriel du 17 novembre 2021, qui n'était pas adressé à la rectrice, ne constitue pas une demande indemnitaire préalable ; son courrier du 27 décembre 2021 fait suite à une décision du 3 mai 2021 ayant révélé l'ampleur de son préjudice, notamment dès lors que l'ISOE pour 2020-2021 lui a été versée ; ce n'est qu'aux termes de sa demande du 25 mars 2021, présentée en son nom propre, qu'il a évoqué les années 2017-2018 et 2018-2019 ;

- les professeurs de lycée professionnel exerçant en SEGPA peuvent bénéficier de l'attribution de l'ISOE à ce titre ;

- il maintient avoir effectivement exercé ses fonctions de professeur principal de mars 2018 à février 2019, soit tout au long des deux années scolaires 2017-2018 et 2018-2019, et avoir continûment assuré une tâche de coordination de suivi des élèves de 3ème, au sens des dispositions applicables, ce dont il justifie ;

- il ne peut être allégué que seule la moitié de l'ISOE lui était due au motif que son collègue, également professeur principal de la même classe, l'aurait perçue pour moitié, alors d'ailleurs que ce dernier n'en a pas été bénéficiaire au titre des années en litige ;

- il est fondé à solliciter la somme de 2 781,60 euros au titre des années 2017-2018 et 2018-2019, en application de l'article 2 de l'arrêté du 15 janvier 1993.

Par une ordonnance du 20 décembre 2024, l'instruction a été close au 17 janvier 2025.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 93-55 du 15 janvier 1993 ;

- l'arrêté du 15 janvier 1993 fixant les taux de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves instituée en faveur des personnels enseignants du second degré ;

- l'arrêté du 21 octobre 2015 relatif aux classes de section d'enseignement général et professionnel adapté ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boffy, première conseillère ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de M. C..., représentant la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., professeur de lycée professionnel en économie-gestion, a été affecté, à compter du 1er septembre 2013, dans une classe de section d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) au sein du collège Guillaume des Autels à Charolles (Saône-et-Loire). Il exerçait les fonctions de professeur principal d'une classe de 3ème depuis l'année scolaire 2013-2014. Ayant perçu la part modulable de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE) au titre de l'année scolaire 2020-2021, M. A... a sollicité de son administration la régularisation du versement de la part modulable de l'ISOE au titre des années scolaires 2017-2018, 2018-2019 et 2019-2020, soit un montant global de 4 277,52 euros sur la base de 1 425,84 euros par an. Une décision implicite de refus est née le 10 mars 2022 du silence gardé par le recteur de l'académie de Dijon. M. A..., qui a obtenu en cours d'instance le versement de la somme de 712,92 euros représentant la moitié de la part modulable de l'ISOE au titre de l'année scolaire 2019-2020, a demandé au tribunal administratif de Dijon, dans le dernier état de ses écritures, d'annuler cette décision en tant qu'elle lui refusait la part modulable de l'ISOE au titre de l'année scolaire 2017-2018 pour un montant de 1 425,84 euros, au titre de l'année scolaire 2018-2019 pour le même montant et au titre de l'année scolaire 2019-2020 pour un solde de 712,92 euros, soit une somme totale de 3 564,60 euros. Par un jugement du 28 mai 2024, le tribunal a annulé cette décision en tant qu'elle refusait à M. A... le bénéfice de l'ISOE pour les années 2017-2018 et 2018-2019, a enjoint l'État de verser à M. A... la somme de 2 781,60 euros au titre de l'ISOE sur ces deux années et rejeté le surplus de la demande. La ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse relève appel de ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de M. A....

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. D'une part, dès lors que M. A... n'a pas présenté de conclusions indemnitaires aux termes de sa demande de première instance, mais a seulement conclu à l'annulation de la décision implicite par laquelle la rectrice de l'académie de Dijon a rejeté sa demande tendant au versement de la part variable de l'ISOE pour les années 2017-2018, 2018-2019 et 2019-2020, et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui verser cette indemnité pour les années considérées, la ministre n'est pas fondée à soutenir que la demande était irrecevable à défaut de liaison du contentieux.

3. D'autre part, si M. A... a demandé le bénéfice du versement de la part variable de l'ISOE aux termes d'une demande présentée le 25 mars 2021, celle-ci ne portait que sur les années 2019-2020 et 2020-2021. Le courrier adressé par M. A... en tant que commissaire paritaire SNUEP-FSU le 17 novembre 2021 à l'administration se bornait à alerter l'administration et à lui demander d'inscrire la question du versement de cette indemnité lors de la prochaine commission administrative paritaire. M. A... n'a effectivement demandé le bénéfice du versement de cette prime, pour les années 2017-2018 et 2018-2019, que dans sa demande reçue par l'administration le 10 janvier 2022, qu'il a certes présentée en qualité de commissaire paritaire SNUEP-FSU pour l'ensemble des adhérents concernés par le non versement de l'ISOE, mais également, et expressément, en son nom propre. Le silence gardé par l'administration ayant fait naître une décision de rejet de cette demande le 10 mars 2022, laquelle n'était ainsi aucunement confirmative d'une décision antérieure, les conclusions de première instance de M. A..., portant sur les années 2017-2018 et 2018-2019, présentées le 3 mai 2022, n'étaient pas tardives.

4. Il y a lieu par suite d'écarter les fins de non-recevoir opposées par la ministre de l'éducation nationale.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Aux termes de l'article 1er du décret du 15 janvier 1993 visé ci-dessus, instituant une indemnité de suivi et d'orientation des élèves en faveur des personnels enseignants du second degré, dans sa rédaction applicable jusqu'au 29 septembre 2019 : " Une indemnité de suivi et d'orientation des élèves non soumise à retenues pour pensions est allouée aux personnels enseignants du second degré exerçant dans les établissements scolaires du second degré ou affectés au Centre national d'enseignement à distance. / Cette indemnité comprend une part fixe à laquelle peut s'ajouter une part modulable ". Selon l'article 3 du même décret, dans sa version applicable au litige : " La part modulable est allouée aux personnels enseignants désignés à l'article 1er ci-dessus, qui assurent une tâche de coordination tant du suivi des élèves d'une division que de la préparation de leur orientation, en liaison avec les psychologues de l'éducation nationale de la spécialité " éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle ", et en concertation avec les parents d'élèves. L'attribution de cette part est liée à l'exercice effectif de ces fonctions. Une seule part modulable est allouée par division. Elle n'est attribuée qu'à un seul professeur, désigné avec l'accord de l'intéressé par le chef d'établissement pour la durée de l'année scolaire. (...) ".

6. Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 15 janvier 1993 visé ci-dessus, dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er septembre 2021 : " Les taux de la part modulable de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves prévue à l'article 1er du décret du 15 janvier 1993 susvisé sont fixés ainsi qu'il suit : / (...) Divisions de troisième des collèges et des lycées professionnels : 1 390,80 € (...) ". Enfin, l'article 1er de l'arrêté du 21 octobre 2015 dispose : " Les élèves des classes de collège peuvent bénéficier d'une orientation en section d'enseignement général et professionnel adapté conformément aux dispositions de l'arrêté du 7 décembre 2005 susvisé. / L'organisation des enseignements dans ces sections relève des dispositions de l'arrêté du 19 mai 2015 susvisé, sauf dispositions spécifiques prévues par le présent arrêté. / Le programme d'enseignement en vigueur pour ces classes est celui des cycles 3 et 4 ".

7. Il résulte de ces dispositions que l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves, qui ne constitue pas un supplément de traitement, ne peut être attribuée, tant pour sa part fixe que pour sa partie modulable, à un professeur de l'enseignement du second degré si celui-ci n'a pas effectivement exercé des fonctions d'enseignement.

8. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des captures d'écran du logiciel Pronote, du cahier de texte numérique de la classe, et d'échanges de mails, que M. A... a effectivement exercé les fonctions de professeur principal en classe de troisième au titre des années 2017-2018 et 2018-2019, tout au long de ces deux années, comportant notamment des tâches de coordination du suivi des élèves et de préparation de leur orientation en liaison avec des psychologues de l'éducation nationale et en concertation avec les parents d'élèves, au sens des dispositions précitées de l'article 3 du décret du 15 janvier 1993. Par suite, la ministre de l'éducation nationale n'est pas fondée à soutenir que la part modulable ne devait lui être attribuée que pour une partie de l'année.

9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les élèves concernés étaient répartis selon deux spécialités, vente et habitat, et que si M. A... exerçait les fonctions de professeur principal pour la section vente, son collègue était le professeur principal de la section habitat de la même classe de troisième pour chacune des deux années. Si l'article 3 précité du décret du 15 janvier 1993 ne prévoit l'attribution que d'une part modulable par " division ", en l'espèce, les fonctions de professeur principal n'étaient pas assumées conjointement par les deux professeurs, mais la classe était divisée de telle sorte que chacun des deux professeurs assurait le suivi d'une " division " distincte d'élèves, soit la section habitat d'une part et la section vente d'autre part. Enfin, les dispositions précitées ne prévoient aucunement un partage du versement de la part modulable de l'ISOE. En outre, et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que le collègue de M. A... aurait perçu une somme au titre de la part modulable de l'ISOE ni n'aurait présenté une réclamation à ce titre.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... remplissait les conditions requises pour l'attribution de la part modulable de l'ISOE au titre des deux années scolaires 2017-2018 et 2018-2019. Par suite, la ministre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé la décision par laquelle il a implicitement rejeté la demande de M. A... tendant à l'attribution de la part modulable de l'ISOE, et lui a fait injonction de verser à M. A... la somme de 2 781,60 euros au titre de la part variable de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves pour ces années.

11. Il résulte de ce qui précède que la requête de la ministre de l'éducation nationale doit être rejetée en toutes ses conclusions. Il y a lieu en revanche, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à M. A....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse est rejetée.

Article 2 : L'État versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Dijon.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement ;

M. Chassagne, premier conseiller,

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.

La rapporteure,

I. BoffyLa présidente,

A. Duguit-Larcher

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02154

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02154
Date de la décision : 19/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. - Rémunération. - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme DUGUIT-LARCHER
Rapporteur ?: Mme Irène BOFFY
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : DELHAYE FLORENCE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-19;24ly02154 ?
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