Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, qui a transmis cette demande par une ordonnance du 10 octobre 2022 de la présidente de la 5ème chambre de ce tribunal prise sur le fondement de l'article R. 351-3 du code de justice administrative au tribunal administratif de Lyon, d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2022 par lequel le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique lui a infligé la sanction du déplacement d'office et l'arrêté du 28 juillet 2022 l'affectant à la direction départementale des finances publiques de la Loire.
Par un jugement n° 2207626 du 29 décembre 2023, le tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 février, 17 juillet, 16 octobre et 23 octobre 2024, Mme B..., représentée par Me Thalamas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés des 13 juillet et 28 juillet 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la sanction contestée est entachée d'un vice de procédure, en l'absence de possibilité lui ayant été offerte de consulter son dossier dans un délai raisonnable avant la tenue du conseil de discipline ;
- la sanction contestée est également entachée d'un vice de procédure, au regard des dispositions de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, faute de l'avoir informée qu'elle bénéficiait du droit de se taire à tous les stades de la procédure disciplinaire et notamment lors de l'audition du 6 avril 2022 ;
- elle est illégale, une partie substantielle des faits lui étant reprochés étant prescrite en application des dispositions de l'article L 532-2 du code de la fonction publique, l'administration ayant eu connaissance de tels faits dès l'année 2018 ;
- elle est fondée sur des faits matériellement inexacts, les faits reprochés n'étant pas matériellement établis ;
- la sanction est fondée sur des faits qui ne sont pas de nature à la justifier, dès lors que les faits qui lui sont reprochés relatifs à un retentissement dans la presse des accusations pénales dont elle a fait l'objet ne sont pas de nature à justifier une sanction, n'ayant pas été personnellement commis par elle ;
- la sanction lui ayant été infligée est disproportionnée au regard des faits sur lesquels elle est fondée, compte tenu de sa carrière exemplaire et du fait qu'elle n'a jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire ;
- l'arrêté du 28 juillet 2022 doit être annulé par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté du 13 juillet 2022.
Par un mémoire enregistré le 21 octobre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'il s'en remet à son mémoire de première instance qu'il joint.
Par une ordonnance du 16 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 86-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le décret n° 2010-986 du 26 août 2010 ;
- la décision n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Thalamas, pour Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., titulaire du grade d'administratrice des finances publiques adjointe, était affectée à la direction régionale de contrôle fiscal (DIRCOFI) Sud-Pyrénées en qualité de cheffe de la division 4 du pôle fiscal " opérations coordonnées " et était à ce titre responsable du soutien et de la supervision de dix brigades. A la suite d'une perquisition réalisée à Toulouse dans les locaux d'une entreprise au mois de novembre 2018, la direction nationale des enquêtes fiscales a signalé, le 7 décembre 2018, en application de l'article 40 du code de procédure pénale, des faits susceptibles de revêtir une qualification pénale visant Mme B... et son époux, également agent de l'administration fiscale. Le procureur de la République de Toulouse a, à l'issue de l'enquête préliminaire, engagé des poursuites pénales à l'encontre de Mme B..., notamment des chefs de prise illégale d'intérêt et violation du secret professionnel, l'intéressée ayant été placée, le 10 septembre 2020, à la demande de cette autorité, sous contrôle judiciaire, avec interdiction d'exercer toute activité professionnelle en lien notamment avec le pôle " gestion fiscale " de la direction régionale des finances publiques par une ordonnance du juge des libertés et de la détention. Le procureur de la République de Toulouse a, par courrier du 11 septembre 2020, informé le directeur régional des finances publiques des poursuites engagées à l'encontre de Mme B... et de ce placement. A la suite de cette information, Mme B... a fait l'objet de deux décisions de suspension de fonctions à titre conservatoire, des 15 septembre 2020 et 11 janvier 2021, devenues ultérieurement définitives. A la suite d'un premier jugement du tribunal correctionnel de Toulouse, rendu au titre des poursuites précitées, d'une nouvelle citation à comparaître devant ce tribunal pour répondre de faits de prise illégale d'intérêt et de violation du secret professionnel visant l'intéressée, dont le procureur de la République de Toulouse a informé le directeur régional des finances publiques le 22 septembre 2021, ainsi que d'un nouveau jugement du même tribunal à ce titre, cette autorité a ouvert une information judiciaire à l'encontre de Mme B... par réquisitoire introductif, le 22 octobre 2021, des chefs de prise illégale d'intérêt, recel de prise illégale d'intérêt et violation du secret professionnel. A l'issue d'une procédure disciplinaire dont Mme B... a été informée de l'engagement par un courrier du 28 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, par un arrêté du 13 juillet 2022, lui a infligé la sanction disciplinaire du déplacement d'office. Puis, par un arrêté du 28 juillet 2022, il l'a affectée, à compter du 1er septembre 2022, auprès de la direction départementale des finances publiques de la Loire. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon qui a rejeté sa demande d'annulation de ces deux arrêtés.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 532-4 du code général de la fonction publique, ayant repris les dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, dont l'alinéa 2 sera abrogé à compter du 1er octobre 2025 conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 4 octobre 2024 visée ci-dessus : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes. L'administration doit l'informer de son droit à communication du dossier. / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à l'assistance de défenseurs de son choix. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'État : " L'administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. / Les pièces du dossier et les documents annexes doivent être numérotés. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été informée de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre par un courrier du 28 février 2022 du ministre en charge des finances publiques, et notamment de son droit à consulter ses dossiers disciplinaire et individuel à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées dans un délai de quinze jours francs à compter de sa réception. Mme B... a ainsi consulté ces deux dossiers le 10 mars 2022, ayant d'ailleurs obtenu copie des pièces n° 1 à 111 de son dossier disciplinaire. Par la suite, l'intéressée a été convoquée à un entretien devant avoir lieu le 6 avril 2022 dans les locaux de la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées, destiné à recueillir ses observations concernant cette procédure disciplinaire, signifié par un huissier de justice le 25 mars 2022. A l'issue de cet entretien, dans le cadre duquel Mme B... était assistée de son conseil, l'intéressée a été destinataire d'un compte-rendu écrit, signé par ce conseil, qui lui a été remis en mains propres le même jour et adressé par un courrier du 14 avril 2022, reçu le 19 suivant. Puis, Mme B... a été convoquée à une séance du conseil de discipline devant se tenir le 6 juillet 2022 dans les locaux du ministère de l'économie, des finances, de la souveraineté industrielle et numérique, à Paris, par un courrier du 10 juin 2022, signifié par un huissier de justice le 14 juin suivant. Le rapport de proposition de sanction auprès du conseil de discipline établi par le directeur de la direction du contrôle fiscal Sud-Pyrénées le 23 juin 2022 lui a été également signifié par un huissier de justice le lendemain. Si le courrier de convocation du 10 juin 2022 précisait en particulier à Mme B... qu'un exemplaire du rapport au conseil de discipline et que les dossiers individuel et disciplinaire étaient tenus à sa disposition et à celle de son conseil dans les cinq jours ouvrés précédant la séance, dans les locaux de la direction générale des finances publiques situés à Paris, il apparaît qu'elle a été mise à même de consulter électroniquement les pièces de ces dossiers, le 30 juillet 2022, ayant d'ailleurs pris copie des pièces n° 112 à 166 de la nomenclature et de la pièce n° 167 de son dossier disciplinaire. Contrairement à ce que soutient Mme B..., qui ne conteste pas avoir pu consulter électroniquement en dernier lieu tous les éléments le composant, elle a donc été mise à même de consulter l'intégralité de son dossier individuel et des documents annexes, au sens des dispositions précitées aux points 2 et 3, dans un délai raisonnable avant la tenue du conseil de discipline. Le moyen doit donc être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. ". Il en résulte le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire. Ces exigences s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition.
6. De telles exigences impliquent que l'agent public faisant l'objet d'une procédure disciplinaire ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu'il soit préalablement informé du droit qu'il a de se taire. A ce titre, il doit être avisé, avant d'être entendu pour la première fois, qu'il dispose de ce droit pour l'ensemble de la procédure disciplinaire. Dans le cas où l'autorité disciplinaire a déjà engagé une procédure disciplinaire à l'encontre d'un agent et que ce dernier est ensuite entendu dans le cadre d'une enquête administrative diligentée à son endroit, il incombe aux enquêteurs de l'informer du droit qu'il a de se taire. En revanche, sauf détournement de procédure, le droit de se taire ne s'applique ni aux échanges ordinaires avec les agents dans le cadre de l'exercice du pouvoir hiérarchique, ni aux enquêtes et inspections diligentées par l'autorité hiérarchique et par les services d'inspection ou de contrôle, quand bien même ceux-ci sont susceptibles de révéler des manquements commis par un agent.
7. Dans le cas où un agent sanctionné n'a pas été informé du droit qu'il a de se taire alors que cette information était requise en vertu des principes énoncés aux points 5 et 6, cette irrégularité n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la sanction prononcée que lorsque, eu égard à la teneur des déclarations de l'agent public et aux autres éléments fondant la sanction, il ressort des pièces du dossier que la sanction infligée repose de manière déterminante sur des propos tenus alors que l'intéressé n'avait pas été informé de ce droit.
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... aurait été informée, à quelque moment que ce soit de la procédure disciplinaire diligentée à son encontre, et notamment lors de l'engagement de cette procédure par un courrier du 28 février 2022 ainsi qu'avant l'audition ayant eu lieu le 6 avril 2022, précédemment évoqués, de son droit de se taire. Toutefois, compte-tenu notamment tant des motifs de la sanction contestée, mais également du rapport de proposition de sanction auprès du conseil de discipline établi par le directeur de la direction du contrôle fiscal Sud-Pyrénées le 23 juin 2022 et du rapport fait au conseil de discipline du 4 juillet 2022, ainsi que de l'avis du conseil de discipline du 6 juillet 2022, il n'apparaît pas que la sanction contestée reposerait de manière déterminante sur des propos tenus par l'intéressée au cours de la procédure disciplinaire, que ce soit notamment lors de l'audition du 6 avril 2022 au cours de laquelle Mme B... a été invitée à s'exprimer longuement sur les faits lui étant reprochés ou lors du conseil de discipline auquel l'intéressée n'a pas été présente. Le moyen ne saurait donc, dans ces circonstances, être retenu.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 532-2 du code général de la fonction publique : " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. / En cas de poursuites pénales exercées à l'encontre du fonctionnaire, ce délai est interrompu jusqu'à la décision définitive de classement sans suite, de non-lieu, d'acquittement, de relaxe ou de condamnation. / Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre du fonctionnaire avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire. ".
10. Mme B... soutient qu'une partie des faits retenus à son encontre pour prendre la sanction en litige, relatifs à la situation anormale dans laquelle elle se serait placée ou au regard de laquelle elle aurait tardé à se déporter à raison de ses relations jugées privilégiées avec certains contribuables, auraient été prescrits à la date de l'engagement de la procédure disciplinaire en cause, le 28 février 2022, dès lors que l'administration a eu la connaissance de ces faits au plus tard au mois de juillet 2018, date à laquelle il a été décidé par son supérieur hiérarchique de la dessaisir d'un dossier, sans que l'exercice de poursuites pénales à son encontre ne puisse avoir interrompu la prescription. Or, la circonstance invoquée par Mme B..., tirée de ce que les faits pour lesquels elle a fait l'objet de poursuites pénales et une partie de ceux pour lesquels elle a été sanctionnée seraient distincts en ce qu'ils ne revêtent pas les mêmes qualifications sur les plan pénal et disciplinaire, est sans incidence sur l'application des dispositions précitées nécessitant seulement que ces faits soient identiques, ce qui est le cas en l'espèce. Par suite, et pour le surplus, par adoption des motifs des premiers juges, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la sanction contestée serait illégale, en application des dispositions de l'article L. 532-2 du code général de la fonction publique, du fait de la prescription de certains des faits lui étant reprochés.
11. En quatrième lieu, selon les termes mêmes de la décision en litige du 13 juillet 2022, pour sanctionner Mme B..., le ministre a retenu, d'abord, qu'elle avait omis d'informer sa hiérarchie de ses liens avec les dirigeants de plusieurs sociétés relevant du contrôle de la DIRCOFI Sud-Pyrénées au sein de laquelle elle était affectée, et pour lesquelles des contrôles fiscaux étaient soit programmés, soit engagés par des brigades relevant d'elle, ce qui avait retardé son dessaisissement de ces dossiers par sa hiérarchie et ce qui lui avait ainsi permis de se maintenir en situation de participer à des réunions pendant lesquelles ces dossiers étaient évoqués, d'influencer les décisions concernant les contrôles fiscaux de ces sociétés et de connaître les modalités de ces contrôles. Plus particulièrement, il a été reproché à l'intéressée de ne pas s'être déportée spontanément du suivi du contrôle fiscal de la SARL La Compagnie Française alors qu'elle entretenait des relations de proximité avec l'un des co-gérants de cette société, pourtant confié à l'une des brigades placées sous son autorité dès le mois de mars 2017, et de s'être immiscée dans ce dossier en sollicitant le vérificateur en charge du contrôle afin de connaître la date du contrôle inopiné et en tentant de le dissuader de procéder à tout contrôle avant le début de l'année 2018. Mais également, il lui a été fait grief de ne pas s'être non plus déportée spontanément du suivi du contrôle fiscal de la SAS Cabinet Moulis, dirigée par une personne qui avait indiqué en novembre 2018 au chef de l'une des brigades relevant de son autorité la connaître personnellement et l'avoir invitée dans le cadre privé au Portugal, alors qu'elle avait, au mois de mars 2019, sollicité ce chef afin de connaître la date d'engagement de l'examen de la situation fiscale personnelle de cette personne, bien qu'elle avait été déchargée oralement du suivi de ses dossiers par son supérieur hiérarchique en novembre 2018. Le ministre a ensuite retenu que Mme B... avait été citée à plusieurs reprises dans la presse nationale et locale s'agissant des poursuites pénales dont elle avait fait l'objet, en étant identifiée comme dirigeant de la DIRCOFI.
12. Il ressort tant du rapport de proposition de sanction adressé par le directeur de la DIRCOFI Sud-Pyrénées aux services ministériels du 23 juin 2022, que du rapport au conseil de discipline du 4 juillet 2022, ainsi que du rapport d'enquête réalisé par la mission " Risques et Audit " du mois de mars 2019, établis par l'administration et produits en défense par le ministre, notamment que l'agent, alors chef de la brigade en charge du contrôle de la SARL La Compagnie Française, a témoigné que Mme B..., qui connaissait les dirigeants de cette société, ce dont plusieurs agents ont attesté, avait tenté de dissuader l'engagement du contrôle fiscal de celle-ci durant l'année 2017, ce qui l'avait contraint d'en informer le supérieur hiérarchique de l'intéressée, jusqu'en février 2018, pour passer outre son avis et engager ce contrôle. D'autres agents ont confirmé avoir été interrogés par l'intéressée sur ce dossier ou sa volonté de bénéficier d'informations. Ainsi, Mme B... avait été déchargée du pilotage de ce contrôle durant l'été 2018 par sa hiérarchie en raison de la proximité qu'elle entretenait avec ces dirigeants sans l'avoir clairement sollicité elle-même. De même, il apparaît également que le chef de la brigade, ayant pris ses fonctions au mois de septembre 2018, alors en charge du contrôle de la SAS Cabinet Moulis, a indiqué que le dirigeant de cette société avait fait part à un vérificateur de son étonnement à la réception d'un avis de contrôle fiscal dès lors qu'elle connaissait personnellement Mme B... et avait passé des vacances à l'étranger avec elle, et que plus tard, Mme B..., pourtant dessaisie du pilotage de ce dossier par sa hiérarchie au mois de décembre 2018, avait demandé à ce chef de brigade si un contrôle fiscal concernant ce dirigeant allait être engagé. Cette première série de faits fautifs est ainsi suffisamment établie. De plus, le ministre produit en défense plusieurs articles de presse faisant état de la mise en cause de l'intéressée devant la juridiction judiciaire qui mentionnent son nom et son appartenance à l'administration fiscale, ce qui atteste de la réalité de la seconde série de faits reprochés à Mme B..., à savoir, d'avoir, par son attitude, reprise dans la presse, terni l'image de l'administration. Par suite, Mme B..., qui se borne à critiquer les éléments précités en indiquant qu'ils constitueraient seulement des rumeurs ou des allégations, ou en faisant valoir des éléments généraux et non circonstanciés, n'est donc pas fondée à soutenir que la sanction en litige serait fondée sur des faits matériellement inexacts.
13. En cinquième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
14. Pour infliger la sanction en litige à Mme B..., le ministre a retenu que les faits lui étant reprochés étaient constitutifs, d'une part, d'une omission, de manière répétée de faire cesser ou de prévenir des situations de nature à compromettre son indépendance ou à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial, objectif de ses fonctions, contrevenant à l'obligation de prévention des conflits d'intérêts s'imposant à elle en tant que fonctionnaire et cadre de l'administration fiscale, mais également d'un manque à l'obligation de neutralité et d'impartialité, ainsi qu'au devoir d'exemplarité et à l'obligation de loyauté dont elle était redevable en ces qualités, d'autre part, d'une atteinte au renom de l'administration fiscale en jetant le discrédit quant à son action et à celle de ses agents, et en outre, d'un trouble au bon fonctionnement des services de la DIRCOFI.
15. Alors que Mme B... ne critique pas sérieusement le caractère fautif des autres faits lui étant reprochés, elle fait valoir qu'elle n'est pas responsable du retentissement dans la presse des faits. Toutefois, dès lors que les faits relatifs à son propre comportement sont, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, matériellement établis et qu'ils étaient fautifs, le ministre pouvait légalement retenir à son encontre que son comportement avait entraîné une atteinte au renom de l'administration en raison de l'écho donné dans la presse aux poursuites judiciaires dont elle avait fait l'objet. Mme B... n'est donc pas fondée à soutenir que la sanction contestée serait fondée sur des faits qui ne sont pas de nature à la justifier, n'ayant, pour partie, pas été personnellement commis par elle. Le moyen doit être écarté.
16. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 533-1 du code général de la fonction publique : " Les sanctions disciplinaires pouvant être infligées aux fonctionnaires sont réparties en quatre groupes : / (...) / 2° Deuxième groupe : / (...) / d) Le déplacement d'office dans la fonction publique de l'État. / (...). ".
17. Compte tenu de la gravité des manquements commis par Mme B... et de leur nature, qui rendent impossible son maintien en fonctions au sein de la DIRCOFI Sud-Pyrénées, le ministre, n'a pas, malgré son absence de condamnation pénale à la date de cette décision et même si elle bénéficiait auparavant de bonnes appréciations de sa hiérarchie et n'avait pas fait l'objet d'une sanction disciplinaire, prononcé une sanction disproportionnée en lui infligeant la sanction du déplacement d'office, qui constitue seulement une sanction disciplinaire du deuxième groupe.
18. En dernier lieu, compte tenu de ce qui précède Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2022 par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté du 13 juillet 2022.
19. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement ;
M. Chassagne, premier conseiller ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.
Le rapporteur,
J. ChassagneLa présidente,
A. Duguit-Larcher
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00399
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