Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2024 par lequel la préfète du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2410086 du 12 octobre 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2024, M. C... représenté par Me Iderkou, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Rhône du 7 octobre 2024 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions attaquées sont entachées d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur de qualification juridique des faits ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est disproportionnée au regard des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public.
La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 5 février 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 21 février 2025.
Par une décision du 8 janvier 2025 le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle de M. C....
Par une ordonnance du 24 février 2025, le président de la cour a rejeté le recours de M. C... dirigé contre cette décision.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Haïli, président-assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant monténégrin né le 10 juin 1959, a présenté une demande d'asile, le 26 juillet 2002, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 23 septembre 2002, puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 17 juillet 2003. Il a sollicité le réexamen de sa demande d'asile le 29 mai 2007, laquelle a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 1er juin 2007. Le recours qu'il a exercé devant la Cour nationale du droit d'asile, à l'encontre de cette décision, a été jugé irrecevable par une ordonnance du 18 juillet 2007. M. C... a sollicité une deuxième fois le réexamen de sa demande d'asile, le 29 novembre 2017 et cette demande a été jugée irrecevable par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 8 décembre 2017. Par ailleurs, l'intéressé a fait l'objet de deux obligations de quitter le territoire français les 19 mai 2014 et 1er aout 2019. Par la présente requête, M. C... relève appel du jugement susvisé du 12 octobre 2024 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2024 par lequel la préfète du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignation d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. (...) ". Aux termes de l'article 61 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " (...) L'admission provisoire est accordée par le président du bureau ou de la section ou le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle ou d'aide à l'intervention de l'avocat sur laquelle il n'a pas encore été statué ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'aide juridictionnelle a été refusée à M. C... par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 8 janvier 2025. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui les moyens communs aux décisions attaquées :
4. Le requérant reprend en appel les moyens qu'il avait soumis au premier juge tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige et du défaut d'examen particulier de sa situation. La magistrate désignée du a répondu de manière suffisamment précise aux moyens soulevés. Ainsi, le requérant ne se prévalant devant la cour d'aucun élément de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif, il y a lieu d'écarter les moyens susmentionnés par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
5. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ".
6. Le requérant, dont la dernière demande d'asile, a, ainsi qu'il a été dit au point 1, été définitivement rejetée, entre dans le champ d'application du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et pouvait faire l'objet d'une décision l'obligeant à quitter le territoire français.
7. La décision attaquée n'étant pas fondée sur la menace à l'ordre public que le comportement du requérant serait susceptible de représenter, le requérant ne peut utilement faire valoir que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il bénéficie d'un droit de réhabilitation légale et d'un droit à l'oubli au vu de l'ancienneté de ses condamnations pénales.
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté que M. C... est défavorablement connu des services de police pour des faits de vol simple d'accessoires sur véhicule immatriculé commis le 20 août 2023, des faits de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé et de vol par effraction dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt commis le 15 mai 2022, des faits de recels commis le 5 octobre 2013, des faits de vol aggravé commis le 23 août 2013 et des faits de vols et recels en réunion en bande organisée commis le 26 janvier 2010. Ces faits commis en 2023 et 2022 présentent un caractère récent. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'antérieurement, M. C... a été écroué, selon les termes de la décision attaquée, le 10 mars 2014 et condamné à une peine de huit mois de prison pour des faits de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé par une autre circonstance et que pendant sa détention, le requérant a également été condamné à une peine de six mois de prison par le tribunal de grande instance de Béziers. Par ailleurs, au titre de ses relations personnelles et familiales qui l'attachent au territoire français, le requérant ne se prévaut que de son hébergement stable et de la présence de son épouse en France. A cet égard, il ressort des pièces du dossier que la présence en France de l'intéressé procède d'une situation durablement irrégulière, en dépit des obligations de quitter le territoire dont il a fait l'objet et auxquelles il n'a pas déféré, et que son épouse est également en situation irrégulière. Enfin, l'appelant fait état de sa responsabilité parentale à l'égard de sa petite-fille née le 1er avril 2015. Toutefois, ainsi que l'a relevé le premier juge, il ressort des pièces du dossier et en particulier du jugement du juge des enfants du 17 juillet 2024, que le requérant est domicilié à l'Armée du Salut, que son épouse et leur petite-fille vivent à trois dans une seule pièce et que l'enfant lui a été confiée en qualité de tiers de confiance pour une durée d'un an, soit jusqu'au 31 juillet 2025. De surcroît, si les attributs de l'autorité parentale sur cette enfant relatifs aux soins et à la scolarité ont été transférés à M. C... dans l'attente d'une décision du juge aux affaires familiales, il résulte des pièces du dossier que, par un jugement du juge aux affaires familiales de Lyon du 5 septembre 2024, la demande de délégation de l'autorité parentale présentée par le requérant à l'égard de sa petite-fille a été rejetée, le juge relevant notamment que si l'enfant était accueillie par son grand-père, les conditions d'accueil de l'enfant étaient très défavorables, ce que ne conteste pas l'appelant. Par suite, et dans ces conditions, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme ayant porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le requérant ne peut davantage soutenir que le préfet n'a pas pris en compte l'intérêt supérieur de ses enfants, au sens de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :
10. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...), qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation (...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de son audition par les services de police le 7 octobre 2024, M. C... a déclaré qu'il n'avait pas l'intention de quitter le territoire français. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a déjà fait l'objet de trois précédentes mesures d'éloignement en 2014, et 2019 qu'il n'a pas exécutées et qu'il a été définitivement débouté de l'asile en 2017. Enfin, il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes dès lors qu'il réside dans un hébergement d'urgence. Par suite, et dans ces conditions, la préfète du Rhône pouvait, en application des dispositions précitées, refuser de lui accorder un délai de départ volontaire, sans entacher la décision en litige d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
12. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
13. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, que M. C... n'établit pas avoir des liens ancrés et stables avec la France. En outre, l'intéressé a été reconnu coupable de plusieurs infractions pénales et s'est déjà soustrait à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement. Dans ces conditions, la préfète du Rhône n'a pas méconnu les dispositions précitées en assortissant la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, ni porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale.
14. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris, en tout état de cause, celles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C... tendant à l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : La requête de M. C... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 juin 2025.
Le rapporteur,
X. Haïli
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 24LY03166