Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... A... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2017, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2201325 du 31 octobre 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 8 décembre 2023, M. et Mme A..., représentés par la société d'exercice libéral par actions simplifiée Fidal, agissant par Me Thomann, demandent à la cour :
1°) d'annuler ou réformer ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'option pour l'impôt sur les sociétés comme n'a pas mis fin au report d'imposition prévu au IV de l'article 93 quater du code général des impôts ;
- le report d'imposition était applicable à la société puisque lors de l'acte de levée d'option, l'option pour le régime dérogatoire du report d'imposition de la plus-value latente était formellement mentionnée et qu'aucun évènement n'est intervenu au 31 décembre 2017 pour mettre fin au report d'imposition au sens de la doctrine administrative BOI-BNC-BASE-30-30-20-10 ;
Par un mémoire, enregistré le 11 juillet 2024 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 20 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée le 9 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SCI A... Monéteau, société soumise au régime des sociétés de personnes dont M. et Mme A... détenaient ensemble la totalité des parts, donnait en sous-location à la société SV Pro un immeuble à usage d'entrepôt et de bureaux à Monéteau et Auxerre (Yonne), qu'elle avait pris en crédit-bail, tirant ainsi de cette activité des revenus imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Elle a levé l'option d'achat pour cet immeuble, le 31 juillet 2017, et l'a par la suite donné en location à cette société. Dans l'acte de transfert de propriété, M. et Mme A... ont opté pour le report d'imposition de la plus-value résultant de la cessation d'activité initiale de la société et du changement de son régime fiscal constatée lors de la levée de l'option d'achat, conformément à l'article 93 quater IV du code général des impôts. Enfin, par lettre reçue le 20 mars 2018, la SCI A... Monéteau a opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés avec effet au 1er janvier 2018. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration a taxé la plus-value de 249 489 euros constatée à l'occasion de la levée de l'option d'achat au motif que le changement de régime d'imposition de la société entraînait l'imposition immédiate de ses revenus par application du II de l'article 202 ter du code général des impôts. Par la présente requête, M. et Mme A... relèvent appel du jugement susvisé par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2017, en vertu de l'article 8 du code général des impôts, à raison de la taxation de cette plus-value.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. D'une part, aux termes de l'article 202 ter du code général des impôts : " I. L'impôt sur le revenu est établi dans les conditions prévues aux articles 201 et 202 lorsque les sociétés ou organismes placés sous le régime des sociétés de personnes défini aux articles 8 à 8 ter cessent totalement ou partiellement d'être soumis à ce régime ou s'ils changent leur objet social ou leur activité réelle ou lorsque les personnes morales mentionnées aux articles 238 ter, 239 quater A, 239 quater B, 239 quater C, 239 quater D, 239 septies et au paragraphe I des articles 239 quater et 239 quinquies deviennent passibles de l'impôt sur les sociétés. / Toutefois en l'absence de création d'une personne morale nouvelle, les bénéfices en sursis d'imposition, les plus-values latentes incluses dans l'actif social et les profits non encore imposés sur les stocks ne font pas l'objet d'une imposition immédiate à la double condition qu'aucune modification ne soit apportée aux écritures comptables et que l'imposition desdits bénéfices, plus-values et profits demeure possible sous le nouveau régime fiscal applicable à la société ou à l'organisme concerné. / II. Si une société ou un organisme dont les revenus n'ont pas la nature de bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou minière, d'une exploitation agricole ou d'une activité non commerciale cesse totalement ou partiellement d'être soumis à l'un des régimes définis aux articles 8 à 8 ter, 238 ter, 239 quater A, 239 quater B, 239 quater C, 239 quater D, 239 septies et au I des articles 239 quater et 239 quinquies, l'impôt sur le revenu est établi au titre de la période d'imposition précédant immédiatement le changement de régime, à raison des revenus et des plus-values non encore imposés à la date du changement de régime, y compris ceux qui proviennent des produits acquis et non encore perçus ainsi que des plus-values latentes incluses dans le patrimoine ou l'actif social. / Toutefois, en l'absence de création d'une personne morale nouvelle, ces dernières plus-values ne sont pas taxées dans les conditions prévues au premier alinéa du présent II si l'ensemble des éléments du patrimoine ou de l'actif sont inscrits au bilan d'ouverture de la première période d'imposition ou du premier exercice d'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, en faisant apparaître distinctement, d'une part, leur valeur d'origine et, d'autre part, les amortissements et provisions y afférents qui auraient été admis en déduction si la société ou l'organisme avait été soumis à l'impôt sur les sociétés depuis sa création. / (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une société de personnes, dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux qui leur est attribuée, opte pour l'impôt sur les sociétés, ce changement de régime d'imposition implique, en principe, l'imposition immédiate des plus-values latentes au nom des associés selon les règles applicables aux plus-values des particuliers. Sous réserve des conditions prévues au II de l'article 202 ter, la société peut toutefois opter pour une imposition différée des plus-values latentes, en son nom, selon les règles applicables en matière d'impôt sur les sociétés. Ce choix est matérialisé par les valeurs inscrites à l'actif du bilan d'ouverture de la première période d'imposition ou du premier exercice d'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, qui doit être adressé à l'administration dans un délai de soixante jours suivant l'événement qui a entraîné le changement de régime d'imposition.
4. D'autre part, aux termes de l'article 93 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Sous réserve des dispositions de l'article 151 sexies, il tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle (...) ". Aux termes du IV de l'article 93 quater de ce code : " 1. Pour l'application des dispositions du premier alinéa du I aux immeubles acquis dans les conditions prévues au 6 de l'article 93 et précédemment donnés en sous-location, l'imposition de la plus-value consécutive au changement de régime fiscal peut, sur demande expresse du contribuable, être reportée au moment où s'opérera la transmission de l'immeuble ou, le cas échéant, la transmission ou le rachat de tout ou partie des titres de la société propriétaire de l'immeuble ou sa dissolution (...) / 3. L'acte qui constate le transfert de propriété des immeubles mentionnés au 1 consécutivement à l'acceptation de la promesse unilatérale de vente doit indiquer si le nouveau propriétaire, ou les associés s'il s'agit d'une société, demandent le report de l'imposition de la plus-value dans les conditions prévues au 1. A défaut, les dispositions du 1 ne sont pas applicables. (...) ".
5. Il résulte des dispositions du 1 de l'article 92 du code général des impôts, que les revenus tirés de la sous-location nue d'un immeuble pris en crédit-bail sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Il résulte des dispositions des articles 93 et 93 quater du même code que la levée d'option entraîne un changement de régime fiscal qui fait perdre à l'immeuble sa nature d'élément affecté à l'activité non commerciale et emporte transfert du bien dans le patrimoine privé, c'est-à-dire sans rapport avec cette activité. Par suite, la plus-value générée par ce transfert est nécessairement à court terme, dès lors que l'acquisition de l'immeuble et son transfert dans son patrimoine privé sont concomitants du fait et lors de la levée de l'option d'achat. Elle peut toutefois faire l'objet d'un report d'imposition dans les conditions prévues au IV de l'article 93 quater du code général des impôts.
6. Il résulte de l'instruction qu'à la levée de l'option du crédit-bail, le 31 juillet 2017, la SCI A... Monéteau a fait l'acquisition du bien qu'elle donnait en location à Monéteau et Auxerre. L'entrée de cet immeuble dans le patrimoine de la société consécutive à la levée d'option de crédit-bail s'est traduite par un changement de nature de l'activité exercée, la société cessant son activité de sous-location au profit d'une activité de location directe, taxable dans la catégorie des revenus fonciers. Si les associés de la SCI A... Monéteau ont opté pour le report d'imposition de la plus-value constatée lors de la levée de l'option d'achat dans l'acte de transfert de propriété du 31 juillet 2017 en application du IV de l'article 93 quater du code général des impôts, il résulte également de l'option de la société pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, avec effet à compter du 1er janvier 2018, que la société ayant cessé d'être soumise au régime des sociétés de personnes relevait, à cette date, du champ du II de l'article 202 ter du code général des impôts, lequel emporte l'imposition immédiate des plus-values non encore imposées, y compris la plus-value placée en report d'imposition dont il s'agit, sans que les requérants puissent utilement invoquer l'absence de survenance d'un évènement mettant fin au bénéfice du report d'imposition prévu au IV de l'article 93 quater du code pour faire échec à l'application de ces dispositions. Par suite, c'est par une exacte du II de l'article 202 ter du code général des impôts que M. et Mme A... ont été imposés à l'impôt sur le revenu à raison de cette plus-value, au titre de la période d'imposition précédant immédiatement le changement de régime fiscal de la société à la date du 1er janvier 2018, soit au titre de l'année 2017.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) ".
8. Les appelants ne peuvent utilement se prévaloir des énonciations de la doctrine référencée BOI-BNC-BASE-30-30-20-10 paragraphes n° 180 et suivants du 12 septembre 2012 dans les prévisions desquelles ils ne rentrent pas et qui ne comporte pas une interprétation différente de celle qui résulte de la loi dont il est fait application.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions au titre de L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être qu'écartées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et Mme D... A... et à la ministre chargée des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 juin 2025.
Le rapporteur,
X. Haïli
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. B...La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY03764