Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 10 juin 2021 par lequel le président de la communauté de communes du pays rochois (CCPR) l'a suspendu de ses fonctions.
Par un jugement n° 2105390 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 1er mars 2024, et un mémoire en réplique, enregistré le 23 janvier 2025, la communauté de communes du pays rochois, représentée par Me Kaczmarczyk, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. B... ;
3°) de rejeter cette demande ;
4°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, faute de comporter les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- il n'y a plus lieu de statuer sur la requête dès lors que la décision contestée n'est pas entrée en vigueur compte tenu du placement du requérant en congé de maladie et ne le sera jamais compte tenu de son départ de la collectivité au 1er août 2021 ;
- la mesure était fondée ;
- les moyens invoqués par M. B... en première instance doivent être écartés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2024, M. B..., représenté par Me Verne, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la CCPR une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 13 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 janvier 2025.
Par un courrier du 6 mai 2025, les parties ont été informées en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble, en raison de l'absence d'entrée en vigueur de la mesure de suspension contestée, et de son inapplicabilité dans l'avenir.
Par un mémoire enregistré le 15 mai 2025, M. B... a présenté ses observations en réponse au moyen d'ordre public soulevé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Lordonné, rapporteure publique,
- et les observations de Me Alibert, représentant la CCPR, et celles de Me Verne, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., attaché territorial principal, exerçait les fonctions de directeur général des services de la communauté de communes du pays rochois (CCPR) depuis le 1er février 2014. Par un arrêté du 10 juin 2021, le président de cet établissement l'a suspendu de ses fonctions. Par un jugement du 28 novembre 2023 dont la communauté de communes relève appel, le tribunal administratif de Grenoble, sur demande de M. B... et après avoir écarté l'exception de non-lieu à statuer soulevée en défense, a annulé l'arrêté contesté.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dont les dispositions sont codifiées à l'article L. 531-2 du code général de la fonction publique : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline ". La suspension d'un fonctionnaire, sur la base de ces dispositions, est une mesure à caractère conservatoire, prise dans le souci de préserver l'intérêt du service public. Elle ne peut être prononcée que lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l'intéressé au sein de l'établissement présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours.
3. D'une part, aux termes de l'article L. 221-8 du code des relations entre le public et l'administration : " Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables, une décision individuelle expresse est opposable à la personne qui en fait l'objet au moment où elle lui est notifiée ". Il ressort des mentions de l'arrêté du 10 juin 2021 attaqué, en particulier ses articles 1er et 3, que la suspension décidée " entrera en vigueur à compter du caractère exécutoire de cet acte ", et que le président de la communauté de communes a certifié ce caractère exécutoire. Toutefois, si la décision de suspension était opposable à M. B... dès la notification de celle-ci, le 12 juin suivant selon ce dernier, impliquant le déclenchement du délai de recours ouvert pour sa contestation, il ressort des écritures de la communauté de communes non contredites par les termes de l'arrêté, que, quand bien même l'acte en cause n'aurait pas prévu expressément de date de report de son entrée en vigueur, cette administration a édicté l'acte dans la perspective de la fin du congé de maladie ordinaire de son agent ayant débuté le 2 avril 2021. Ainsi, en l'absence de précision explicite du caractère immédiat de l'entrée en vigueur de la mesure de suspension, celle-ci doit être regardée comme n'ayant été prévue qu'à la date à laquelle le congé devait prendre fin et ayant ainsi été différée, en l'espèce, jusqu'au 31 juillet 2021. Elle n'était donc pas applicable jusqu'à cette date.
4. D'autre part, il ressort des écritures convergentes des parties que M. B... a quitté l'établissement public le 1er août 2021, après avoir obtenu de manière anticipée la fin de son détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services au sein de la communauté de communes, et la mutation qu'il avait sollicitée auprès de la commune d'Oyonnax. Il en résulte que la circonstance de fait et de droit nouvelle, postérieure à l'édiction de la mesure litigieuse, constituée par le départ de M. B... de l'établissement public conduisant à la rupture du lien entre ce dernier et le service, a emporté l'inapplicabilité pour l'avenir de l'acte de suspension, qui a perdu tout effet et n'est plus susceptible de recevoir exécution.
5. Contrairement à ce que l'agent soutient, une telle mesure, qui n'a pour objet que de l'écarter à titre conservatoire du service et ne constitue pas une sanction, ne figure pas dans son dossier individuel et n'a fait l'objet d'aucun commencement d'exécution. L'atteinte à l'honneur et la réputation à laquelle porterait la décision de suspension, avec effet sur sa santé physique et mentale, que M. B... fait valoir en dépit de son absence d'exécution, n'est illustrée par aucun commencement de preuve. En tout état de cause, le seul bénéfice moral qu'il tirerait de l'annulation de cette mesure ne suffit pas à préserver l'objet du litige. Ainsi, et quand bien même une telle décision était valide à la date à laquelle elle a été prise, elle avait disparu de l'ordonnancement juridique à la date à laquelle le requérant de première instance a présenté un recours tendant à son annulation.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la demande introduite par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble était irrecevable et que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, la communauté de communes du pays rochois est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal a annulé la décision en litige du 10 juin 2021. Il convient dès lors d'annuler ce jugement et de rejeter les conclusions présentées en première instance par M. B....
Sur les frais liés au litige :
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 novembre 2023 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la communauté de communes du pays rochois.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2025 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2025.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00585