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05/06/2025 | FRANCE | N°24LY02576

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 05 juin 2025, 24LY02576


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



Le syndicat professionnel de l'enseignement libre catholique (SPELC) unité régionale Grenoble a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision par laquelle la rectrice de l'académie de Grenoble a nommé Mme C... D... sur un poste de professeur d'anglais au collège du Sacré Cœur de Saint-Jean-de-Moirans.



Par un jugement n° 2305831 du 10 juillet 2024, le tribunal a fait droit à sa demande.





Procédures devant la c

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I- Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 septembre 2024 et 28 mars 2025 sous le n° 24LY02576, Mm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat professionnel de l'enseignement libre catholique (SPELC) unité régionale Grenoble a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision par laquelle la rectrice de l'académie de Grenoble a nommé Mme C... D... sur un poste de professeur d'anglais au collège du Sacré Cœur de Saint-Jean-de-Moirans.

Par un jugement n° 2305831 du 10 juillet 2024, le tribunal a fait droit à sa demande.

Procédures devant la cour

I- Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 septembre 2024 et 28 mars 2025 sous le n° 24LY02576, Mme D..., représentée par Me Conti, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande du SPELC unité régionale Grenoble ;

3°) subsidiairement, de réformer le jugement en dérogeant à l'effet rétroactif de l'annulation ;

4°) de mettre à la charge du SPELC unité régionale Grenoble une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son appel est recevable ;

- la minute du jugement n'a pas été signée ;

- en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, il est fait mention du " SPELC " alors qu'il s'agit d'une union de syndicats ;

- la demande du SPELC était irrecevable faute d'identification précise du requérant, permettant de s'assurer de son existence, son intérêt à agir et de la qualité de la personne le représentant ;

- le " SPELC, unité régionale de Grenoble " n'avait pas intérêt à agir ; s'il s'agit d'un syndicat, il n'avait pas produit ses statuts ; s'il s'agit de l'union des syndicats " Union régionale Grenoble ", elle n'a pas démontré son intérêt à agir en tant qu'union syndicale, ses statuts ne lui donnant pas un tel intérêt ; compte tenu de la portée de l'acte, elle n'avait pas un intérêt suffisamment direct et certain à le contester ; ce sont les syndicats SPELC Isère et Drôme qui ont participé à la commission consultative mixte académique (CCMA) qui s'est prononcée à titre consultatif sur le poste ; ni un syndicat, ni une union de syndicat n'ont intérêt à agir contre un refus de nomination ;

- la demande était tardive, faute pour l'union syndicale d'avoir exercé un recours gracieux ; le recours gracieux a été reçu par l'administration au-delà du délai de recours contentieux de sorte qu'il n'a pu proroger le délai de recours ;

- le classement opéré par le chef d'établissement n'avait pas à être motivé par application de l'article R. 914-77 du code de l'éducation et du principe de libre organisation des établissements d'enseignement privé sous contrat ; la motivation n'est requise que s'il y a refus du seul candidat proposé ou bien de tous les candidats proposés par le recteur ; aucun autre texte n'imposait de motivation ; la circulaire n° 2005-203 du 28 novembre 2005 est irrégulière ;

- à supposer que la motivation ait été nécessaire, l'établissement du classement constitue une motivation suffisante ; l'absence de motif légitime n'a pas d'effet sur la légalité de la nomination du candidat classé en première position et sur le refus de nomination des autres candidats ;

- aucun des autres moyens soulevés en première instance n'était fondé ; la CCMA a bien rendu un avis ; à supposer que le règlement intérieur de la CCMA ait été méconnu sur la mise au vote des revendications du SPELC le 6 juillet, cette irrégularité serait sans effet sur la légalité de la nomination ; la CCMA n'avait pas à être consulté de nouveau.

Par des mémoires enregistrés les 17 septembre 2024 et 28 mars 2025, ce dernier non communiqué, M. A... B..., représenté par Me Conti, demande qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête n° 24LY02476 et qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge du SPELC unité régionale Grenoble sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- en qualité de chef de l'établissement dans lequel Mme D... a été nommée, n'ayant été ni présenté ni appelé dans l'instance devant le tribunal, il aurait eu qualité pour former tierce opposition contre le jugement de sorte qu'il peut intervenir en appel et acquiert de ce fait la qualité de partie à l'instance ;

- le jugement doit être annulé et la demande rejetée par les mêmes moyens que ceux qui sont exposés par Mme D....

Par une intervention et un mémoire enregistrés les 23 décembre 2024 et 28 mars 2025, ce dernier non communiqué, le syndicat national des chefs d'établissement d'enseignement libre (SNCEEL), représenté par Me Conti, demande qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête n° 24LY02476 et qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge du SPELC unité régionale Grenoble sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- son intervention est recevable ;

- le jugement doit être annulé et la demande rejetée par les mêmes moyens que ceux qui sont exposés par Mme D....

Par un mémoire enregistré le 24 février 2025, le syndicat professionnel de l'enseignement libre catholique (SPELC) unité régionale de Grenoble, représenté par Me Florent, conclut au rejet de la requête et qu'une somme de 4 000 euros soit solidairement mise à la charge de Mme D..., M. B... et le SNCEEL en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les interventions de M. B... et du SNCEEL sont irrecevables ;

- sa demande était recevable ; il était précisément identifié ; il disposait d'un intérêt à agir ; sa demande n'était pas tardive ;

- comme l'a jugé le tribunal, la décision était illégale ; l'avis préalable de la CCMA n'a pas été obtenu ; le directeur d'établissement n'a pas donné de motivation au changement d'ordre des candidats ; il n'y a pas eu de mise au vote.

Par un mémoire enregistré le 4 mars 2025, la rectrice de l'académie de Grenoble conclut à l'annulation du jugement et au rejet de la demande de première instance.

Elle soutient que :

- le classement opéré par le directeur d'établissement n'avait pas à être motivé ;

- un éventuel défaut de motivation est sans incidence sur la légalité de la décision ;

- dans le cas où la cour confirmerait l'annulation, il conviendrait d'en différer les effets.

Par une ordonnance du 31 mars 2025, l'instruction a été close en dernier lieu au 8 avril 2025.

II- Par une requête enregistrée le 17 octobre 2014 sous le n° 24LY02919, M. A... B..., représenté par Me Conti, demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2305831 du 10 juillet 2024 du tribunal administratif de Grenoble.

Il soutient que :

- sa demande de sursis à exécution est recevable ; ayant qualité pour former tierce opposition et étant intervenu à l'instance principale, il a la qualité de partie ;

- les moyens qu'il a invoqués dans l'instance principale sont sérieux et de nature à justifier outre l'annulation ou la réformation, le rejet des conclusions aux fins d'annulation accueillies par le jugement.

En application des dispositions de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

III- Par une demande, enregistrée le 5 septembre 2024, le syndicat professionnel de l'enseignement libre catholique (SPELC) unité régionale de Grenoble demande à la cour de prendre les mesures qu'implique l'exécution du jugement n° 2305831 rendu le 10 juillet 2024 par le tribunal administratif de Grenoble.

Par une ordonnance en date du 4 mars 2025, le président de la cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle qui a été enregistrée sous le n° 25LY00628.

Par des mémoires enregistrés les 19 mars et 8 et 30 avril 2025, ce dernier non communiqué, le syndicat professionnel de l'enseignement libre catholique (SPELC) unité régionale de Grenoble demande à la cour d'enjoindre au rectorat de l'académie de Grenoble de mettre à disposition le poste n° 2444 de professeur d'anglais dans l'établissement du Sacré Cœur de Saint-Jean-de-Moirans, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Il soutient que :

- sa demande est recevable ;

- le rectorat n'a pas exécuté le jugement ;

- les arguments avancés par le rectorat pour ne pas exécuter la décision ne sont pas valables.

Par un mémoire enregistré le 10 avril 2025, le recteur de l'académie de Grenoble conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il a décidé de maintenir à titre provisoire pour la seule année scolaire 2024-2025 Mme D... en poste et a exécuté le reste du jugement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Conti pour Mme D..., le syndicat national des chefs d'établissement d'enseignement libre et M B..., ainsi que celles de Me Florent pour le syndicat professionnel de l'enseignement libre catholique unité régionale Grenoble ;

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre des mouvements de mutation des établissements privés sous contrat, le recteur de l'académie de Grenoble a nommé Mme D... sur un poste de professeur d'anglais au collège du Sacré Cœur de Saint-Jean-de-Moirans, au titre de l'année scolaire 2023/2024. A la demande du syndicat professionnel de l'enseignement libre catholique (SPELC) unité régionale Grenoble, le tribunal administratif de Grenoble a, par un jugement du 10 juillet 2024, annulé cette nomination. Mme D..., sous le n° 24LY02476, demande à la cour d'annuler ce jugement. M. B..., directeur de l'établissement, demande, sous le n° 24LY02919, d'en prononcer le sursis à exécution. Le SPELC unité régionale Grenoble demande, sous le n° 25LY00628, que soient prises les mesures afin que le recteur de l'académie de Grenoble exécute le jugement en lui enjoignant de mettre à disposition le poste n° 2444 de professeur d'anglais dans l'établissement du Sacré Cœur de Saint-Jean-de-Moirans, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

2. Les deux premières requêtes étant dirigées contre le même jugement, et la troisième étant relative à son exécution, il y a lieu de les joindre pour statuer par un unique arrêt.

Sur la requête n° 24LY02576 :

En ce qui concerne l'intervention du syndicat national des chefs d'établissement d'enseignement libre :

3. Le syndicat national des chefs d'établissement d'enseignement libre a, compte tenu de son objet, intérêt à l'annulation du jugement attaqué. Ainsi son intervention est recevable.

En ce qui concerne les conclusions de M. B... :

4. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision. ".

5. Une tierce-opposition contre le jugement rendu par le tribunal administratif formée après qu'une partie a frappé ce jugement d'appel est irrecevable. La personne qui aurait eu qualité pour former tierce-opposition est dans ce cas recevable à intervenir dans la procédure d'appel. La personne ainsi recevable à intervenir dans la procédure d'appel acquiert la qualité de partie dans cette instance.

6. M. B... présente ses écritures en son nom, en se prévalant de sa qualité de chef de l'établissement du Sacré Cœur de Saint-Jean-de-Moirans, et non au nom de cet établissement. Ce jugement ne préjudicie pas de façon suffisamment directe à ses droits pour se voir reconnaître la qualité pour former tierce opposition et, comme il a été dit au point précédent, la qualité de partie à l'instance d'appel. En revanche il justifie avoir intérêt à l'annulation du jugement attaqué, et donc à intervenir en appel au soutien de la requête, sans toutefois avoir la qualité de partie.

En ce qui concerne la régularité du jugement :

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte la signature de la présidente rapporteure, de l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau et de la greffière d'audience. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'à défaut de telles signatures, prévues par l'article R. 741-7 du code de justice administrative, le jugement serait irrégulier.

8. En second lieu, le jugement mentionne le nom du demandeur figurant dans la demande, à savoir le syndicat professionnel de l'enseignement libre catholique (SPELC), unité régionale de Grenoble. L'article R. 741-2 du code de justice administrative, qui prévoit qu'est mentionné le nom des parties, n'a ainsi pas été méconnu.

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

9. En premier lieu, et ainsi qu'il a été dit au point 8, le SPELC, unité régionale de Grenoble, était précisément identifié comme demandeur, ainsi que l'adresse de son siège. Étaient joints les statuts de l'union régionale de Grenoble, ainsi qu'une délibération de l'assemblée générale autorisant son président à représenter l'union régionale en justice. Ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la demande de première instance n'était pas recevable faute d'identification précise du requérant, permettant de s'assurer de son existence, son intérêt à agir et de la qualité de la personne le représentant.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2131-1 du code du travail : " Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts ". Aux termes de l'article L. 2132-3 du même code : " Les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. / Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ". Aux termes de l'article L. 2133-3 de ce code : " Les unions de syndicats jouissent de tous les droits conférés aux syndicats professionnels par le présent titre ".

11. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 2131-1 et L. 2132-3 du code du travail que tout syndicat professionnel peut utilement, en vue de justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation d'une décision administrative, se prévaloir de l'intérêt collectif que la loi lui donne pour objet de défendre, dans l'ensemble du champ professionnel et géographique qu'il se donne pour objet statutaire de représenter, sans que cet intérêt collectif soit limité à celui de ses adhérents. En application de l'article L. 2133-3 précité du même code, il en va de même d'une union de syndicats, sauf stipulations contraires de ses statuts. Dans ce cadre, l'intérêt pour agir d'un syndicat ou d'une union de syndicats en vertu de cet intérêt collectif s'apprécie au regard de la portée de la décision contestée.

12. Il résulte des statuts de l'union régionale qu'elle est formée entre les syndicats professionnels de l'enseignement libre de la région académique de Grenoble. L'article 3 des statuts prévoit qu'elle a notamment pour but " c) de représenter les membres des syndicats adhérents et de défendre leurs intérêts auprès des autorités administratives, universitaires et patronales se situant sur le même plan régional ". Eu égard à la portée de la décision contestée, et alors même qu'ont participé à la commission consultative mixte les syndicats SPELC Isère et Drôme, l'union régionale, située sur le même plan régional que le recteur de l'académie de Grenoble, et dont la demande était dirigée directement contre une mesure de nomination et non contre un refus de faire droit à des vœux de mutation, avait, compte tenu de son objet tel que rappelé ci-dessus, intérêt à en demander l'annulation. La fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir du demandeur de première instance doit être écartée.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ".

14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de nomination de Mme D..., qui présente un caractère individuel, aurait été publiée. Le délai de recours de deux mois n'a dès lors pu commencer à courir à l'égard des tiers. Si le syndicat, demandeur de première instance, a indiqué dans sa demande que la commission consultative mixte sur ce poste s'étant tenue le 8 juin 2023, Mme D... n'a pu être nommée avant cette date et qu'en conséquence il " pouvait donc contester cette décision jusqu'au 08 août 2023. ", une telle circonstance ne saurait être retenue à son encontre. Dans ces conditions, à supposer même que son recours gracieux, adressé à l'administration le 1er août 2023 et reçu le 17 août suivant, n'a pu interrompre le délai de recours à son égard, l'unité régionale, non directement visée, a présenté sa demande devant le tribunal le 12 septembre 2023, dans le délai raisonnable d'un an. Sa demande n'était donc pas tardive.

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal :

15. Aux termes de l'article R. 914-77 du code de l'éducation : " L'autorité académique soumet les candidatures, accompagnées de l'avis des chefs d'établissement ou, à défaut d'avis, de la justification qu'ils ont été informés des candidatures par les intéressés, à la commission consultative mixte compétente. Lorsque l'avis sur les candidatures est donné dans le cadre d'un accord sur l'emploi auquel l'établissement adhère, le chef d'établissement en informe la commission consultative mixte. / Sont présentées par ordre de priorité les candidatures : / (...) 2° Des maîtres titulaires d'un contrat définitif candidats à une mutation ; / (...) Au vu de l'avis émis par la commission consultative mixte, l'autorité académique notifie à chacun des chefs d'établissement la ou les candidatures qu'elle se propose de retenir pour pourvoir à chacun des services vacants dans l'établissement. En cas de pluralité de candidatures, celles-ci sont classées par l'autorité académique par ordre de priorité conformément aux alinéas précédents et, pour les candidatures de même ordre de priorité, par ordre d'ancienneté. / Le chef d'établissement dispose d'un délai de quinze jours pour faire connaître à l'autorité académique son accord ou son refus. / A défaut de réponse dans ce délai, le chef d'établissement est réputé avoir donné son accord à la candidature qui lui est soumise ou, s'il a été saisi de plusieurs candidatures pour le même service, à la première de ces candidatures. / La décision par laquelle le chef d'établissement fait connaître à l'autorité académique son refus de la ou des candidatures qui lui ont été soumises est motivée. Si le chef d'établissement refuse sans motif légitime la ou les candidatures qui lui ont été soumises, il ne peut être procédé à la nomination de maîtres délégués dans la discipline concernée au sein de l'établissement. / (...). ".

16. Il résulte de ces dispositions du code de l'éducation que l'autorité académique est responsable de la gestion des candidatures et du bon déroulement des opérations de mutation des personnels enseignants des établissements d'enseignement privés sous contrat d'association, notamment en publiant les vacances de postes déclarées par les chefs d'établissement, en soumettant les candidatures recueillies à la commission consultative mixte compétente selon l'ordre de priorité défini par l'article R. 914-77 du code de l'éducation et en notifiant aux chefs d'établissement les candidatures qu'elle se propose de retenir au vu de l'avis de la commission consultative mixte. Si le recteur d'académie n'a le pouvoir ni d'imposer la candidature ou le recrutement d'un maître à un chef d'établissement privé sous contrat d'association, ni d'affecter d'office ce maître, en cas d'absence d'accord du chef d'établissement, il lui appartient cependant d'apprécier le caractère légitime du motif opposé par le chef d'établissement pour refuser la ou les candidatures qui lui ont été soumises.

17. En outre, lorsque le chef d'établissement choisit l'une des candidatures en dérogeant à l'ordre de classement établi par l'autorité académique, il doit être regardé comme ayant refusé chacune des candidatures mieux classées. En application des dispositions précitées de l'article R. 914-77 du code de l'éducation, ce refus ou ces refus successifs doivent faire l'objet d'une motivation écrite soumise à l'appréciation de l'autorité académique.

18. En l'espèce, et ainsi que l'a indiqué le tribunal, le chef d'établissement du collège du Sacré Cœur a modifié le classement des candidatures par ordre de priorité et d'ancienneté opéré par le rectorat et a choisi de retenir directement la candidate figurant au quatrième rang de cette liste. En modifiant l'ordre de priorité retenu par le recteur pour donner ainsi son accord à une candidature moins bien classée, le chef d'établissement doit être regardé comme ayant refusé les candidatures mieux classées qui lui étaient soumises. Faute pour ce refus d'être motivé, le recteur, qui devait apprécier son caractère légitime, ne pouvait, sans méconnaître les dispositions ci-dessus, procéder à la nomination de Mme D.... Ni l'établissement du classement ni même la communication, dans le cadre de la présente procédure, d'un avis du 11 janvier 2024 rédigé par le chef d'établissement exposant les qualités de la candidate retenue, et non les raisons pour lesquelles les autres candidats ont été écartés, ne sauraient permettre de pallier cette absence de motivation.

19. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif s'est fondé sur le défaut de motivation de l'avis du directeur du collège pour annuler la décision la nommant.

En ce qui concerne la demande de modulation dans le temps des effets de l'annulation :

20. L'annulation d'un acte administratif implique, en principe, que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à l'annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.

21. Il ne résulte pas de l'instruction que le caractère rétroactif de l'annulation de la nomination de Mme D..., qui occupe le poste de professeur d'anglais du collège depuis la rentrée 2023, eu égard aux intérêts en présence et aux inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets d'une telle annulation, serait, en l'espèce, de nature à emporter des conséquences manifestement excessives. Par suite, la demande présentée en ce sens par Mme D... ne peut qu'être rejetée.

En ce qui concerne les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SPELC unité régionale de Grenoble une somme à verser à Mme D... et, en tout état de cause, à M. B... et au SNCEEL, sur le fondement de ces dispositions.

23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D..., et en tout état de cause de M. B... et du SNCEEL une somme à verser au SPELC unité régionale de Grenoble en application de ces dispositions.

Sur la requête n° 24LY02919 :

24. Le présent arrêt statue sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 juillet 2024. Par suite, les conclusions de la requête de M. B... enregistrée sous le n° 24LY02919 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur la requête n° 25LY00628 :

25. Le jugement du tribunal, portant annulation de la nomination de Mme D..., implique la reprise par le recteur de la procédure de mutation du poste n° 2244 de professeur d'anglais au collège du Sacré Cœur de Saint-Jean-de-Moirans, au stade de la formulation par le directeur d'établissement de son avis sur les candidatures qui lui ont été soumises en 2023/2024. Il ne résulte pas de l'instruction que le recteur de l'académie de Grenoble aurait procédé à la reprise de cette procédure. Il y a lieu, en conséquence, de lui enjoindre, après avoir demandé aux personnes s'étant portées alors candidates et figurant sur la liste proposée au directeur d'établissement si elles maintenaient leur candidature sur ce poste, de reprendre la procédure à ce stade afin de pourvoir ce poste pour la rentrée 2025/2026, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24LY02919 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 10 juillet 2024 du tribunal administratif de Grenoble.

Article 2 : Les interventions du syndicat national des chefs d'établissement d'enseignement libre et de M. B... présentées dans l'instance n° 24LY02576 sont admises.

Article 3 : La requête n° 24LY02576 et les demandes présentées par le syndicat national des chefs d'établissement d'enseignement libre, M. B... et le syndicat professionnel de l'enseignement libre catholique (SPELC) unité régionale Grenoble sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Il est enjoint au recteur de l'académie de Grenoble de reprendre la procédure de mutation du poste n° 2244 de professeur d'anglais au collège du Sacré Cœur de Saint-Jean-de-Moirans dans les conditions prévues au point 25 du présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., à M. A... B..., au syndicat professionnel de l'enseignement libre catholique (SPELC) unité régionale Grenoble, au syndicat national des chefs d'établissement d'enseignement libre et à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2025 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02576, 24LY02919, 25LY00628

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02576
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-02-07-01 Enseignement et recherche. - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement. - Établissements d'enseignement privés. - Personnel.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SELARL PAILLAT CONTI & BORY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;24ly02576 ?
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