Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 7 février 2024 par lesquelles la préfète du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné un pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et l'arrêté du même jour par lequel la préfète du Rhône a décidé de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours
Par un jugement n° 2401311 du 19 février 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 20 mars 2024, M. A..., représenté par Me Lefevre-Duval, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions du 7 février 2024 ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui fixer un rendez-vous pour le dépôt de sa demande de titre de séjour, dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et de fait dès lors que l'irrégularité de son entrée sur le territoire français ne peut lui être opposée, étant mineur lors de son arrivée en France ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il a été empêché par les services de préfecture de déposer sa demande de titre de séjour ; son droit d'accès au service public a été violé ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au vu de sa situation personnelle ;
- la décision refusant le délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; ses empreintes ont été relevées dans le cadre d'une vérification de son droit au séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation car il justifiait de circonstances exceptionnelles qui auraient dû conduire le préfet à lui accorder un délai de départ ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale, étant fondée sur une obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale, étant fondée sur une obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;
- il justifiait de circonstances exceptionnelles qui auraient dû conduire le préfet à ne pas prononcer d'interdiction de retour conformément à l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sa durée est disproportionnée au regard des éléments de sa situation personnelle et de l'article L. 612-10 du même code ;
- la décision l'assignant à résidence est illégale, étant fondée sur une obligation de quitter le territoire français sans délai elle-même illégale.
La préfète du Rhône, à laquelle la requête a été communiquée, n'a pas présenté d'observations.
Par une décision du 7 août 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant guinéen né le 4 novembre 2001, déclare être entré sur le territoire français le 18 août 2018. Il a fait l'objet le 20 août 2020 d'une obligation de quitter le territoire français, avec délai de départ volontaire, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois. Par les décisions du 7 février 2024, la préfète du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné un pays de destination, lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... relève appel du jugement du 19 février 2024 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 7 février 2024.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, la décision, qui vise le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et expose que M. A... ne justifie pas d'une entrée régulière en France et ne démontre pas être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, est suffisamment motivée en fait et en droit. Le préfet n'était pas tenu de mentionner qu'il était en cours de dépôt de demande de titre depuis plusieurs années, qu'il était entré en qualité de mineur et qu'il était titulaire d'un baccalauréat professionnel en chaudronnerie.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, même si la préfète n'a mentionné que sa demande de rendez-vous du 28 mars 2021 et n'a pas fait état de certains éléments que l'intéressé avait portés à sa connaissance, tenant notamment à son parcours scolaire, qu'il n'aurait pas été procédé à un examen réel et sérieux de sa situation.
4. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Sauf s'il est exempté de cette obligation, des visas exigés par les conventions internationales et par l'article 6, paragraphe 1, points a et b, du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ; / 2° Sous réserve des conventions internationales, et de l'article 6, paragraphe 1, point c, du code frontières Schengen, du justificatif d'hébergement prévu à l'article L. 313-1, s'il est requis, et des autres documents prévus par décret en Conseil d'État relatifs à l'objet et aux conditions de son séjour et à ses moyens d'existence, à la prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi qu'aux garanties de son rapatriement ; / 3° Des documents nécessaires à l'exercice d'une activité professionnelle s'il se propose d'en exercer une ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ". Aux termes de l'article R. 431-5 de ce code : " Si l'étranger séjourne déjà en France, sa demande est présentée dans les délais suivants : (...) 2° Au plus tard la veille de son dix-neuvième anniversaire, pour l'étranger mentionné aux articles L. 421-22, L. 421-23, L. 421-26 à L. 421-29, à L. 421-33, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L.424-1, L. 424-3, L. 424-24 ou L. 426-1 ; / 3° Au plus tard, deux mois après la date de son dix-huitième anniversaire, s'il ne remplit pas les conditions de délivrance de l'un des titres de séjour mentionnés au 2°. (...) ".
6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'un étranger mineur entré irrégulièrement en France doit, pour se conformer à l'obligation de possession d'un titre de séjour qui pèse sur lui à compter du jour où il devient majeur, solliciter un tel titre dans les deux mois qui suivent son dix-huitième anniversaire. Il ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que s'il s'est abstenu de solliciter un titre pendant cette période. Le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative oblige à quitter le territoire français un étranger qui se trouve dans l'un des cas mentionnés aux 1° et 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ne saurait davantage y faire obstacle la circonstance qu'un récépissé ou une autorisation provisoire de séjour a été délivré à l'intéressé pendant la durée d'instruction de cette demande de titre de séjour. Il ne saurait en aller autrement que lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à l'intéressé, cette circonstance faisant alors obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.
7. Contrairement à ce que fait valoir M. A... le fait qu'il soit entré mineur en France ne faisait pas obstacle à ce que le préfet, qui n'a de ce fait commis ni erreur de fait ni erreur de droit, lui oppose l'irrégularité de son entrée sur le territoire.
8. Si M. A... fait valoir qu'il a en vain tenté de déposer une demande de titre de séjour et produit à l'appui de ses allégations une attestation du 12 février 2024 selon laquelle il a déposé une première demande de titre de séjour le 28 mars 2021 et que sa demande est en attente d'examen par l'administration, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., né le 4 novembre 2001, aurait déposé une demande de titre de séjour dans les deux mois qui ont suivi sa majorité ni, en tout état de cause, avant la veille de ses dix-neuf ans, de sorte que le préfet pouvait prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire, sans qu'il ne puisse utilement faire valoir qu'il aurait ultérieurement été empêché par les services de la préfecture de déposer sa demande de titre de séjour et que son droit d'accès au service public aurait été violé.
9. En dernier lieu, M. A... reprend en appel le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu, par adoption des motifs du tribunal exposés aux points 8 et 9 du jugement, d'écarter ce moyen.
10. Pour les mêmes motifs de fait que ceux retenus par le tribunal pour écarter le moyentiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen, la préfète n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire.
Sur le refus de délai de départ volontaire :
11. Compte tenu de ce qui précède, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du refus de délai de départ volontaire par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.
12. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". L'article L. 612-3 de ce code dispose que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...)5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) ".
13. Ainsi que l'a indiqué le tribunal, il ressort des termes de la décision que la préfète du Rhône a fondé le refus de délai de départ volontaire opposé à M. A... sur la menace à l'ordre public que constitue son comportement mais également sur le risque de fuite révélé par la circonstance que l'intéressé relevait, notamment, des 1°) et 5°) de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier qu'il a n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 20 août 2020. Ainsi, à supposer même que le comportement de l'intéressé ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il ait été empêché par la préfecture de déposer une demande de titre de séjour, il résulte de l'instruction que la préfète du Rhône aurait pris la même décision en se fondant seulement sur l'existence d'un risque que M. A... se soustraie à son obligation de quitter le territoire français, l'intéressé relevant du 5°) de l'article L. 612-3 précité. Par ailleurs, le requérant se borne à faire valoir qu'il existerait des circonstances particulières justifiant que lui soit accordé un délai de départ volontaire, sans en préciser la nature. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 612-2 et L. 612-3 précités et de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas de délai malgré l'existence de telles circonstances, ne peuvent qu'être écartés.
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. Compte tenu de ce qui précède, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
15. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.
16. M. A... reprend en appel les moyens tirés de ce qu'il justifiait de circonstances exceptionnelles qui auraient dû conduire le préfet à ne pas prononcer d'interdiction de retour conformément à l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que la durée de l'interdiction de retour est disproportionnée au regard des éléments de sa situation personnelle et de l'article L. 612-10 du même code. Il y a lieu, par adoption des motifs du tribunal qui y a répondu aux points 15 et 16 du jugement, d'écarter ces moyens.
Sur l'assignation à résidence :
17. Compte tenu de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'assignation à résidence par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.
18. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00751
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