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05/06/2025 | FRANCE | N°23LY03544

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 05 juin 2025, 23LY03544


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme G... B..., veuve A..., Mme D... C..., née A..., et M. E... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions implicites par lesquelles le maire d'Etrembières a refusé de saisir le conseil municipal en vue d'abroger le plan local d'urbanisme de la commune, tel qu'approuvé par délibération du 14 octobre 2019 et résultant de la révision n° 1, en tant qu'il classe en zone agricole les parcelles cadastrées section B nos 2547 et 2545 et qu'il a institué u

n emplacement réservé n° 7.



Par un jugement n° 2105037 du 21 septembre 2023,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme G... B..., veuve A..., Mme D... C..., née A..., et M. E... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions implicites par lesquelles le maire d'Etrembières a refusé de saisir le conseil municipal en vue d'abroger le plan local d'urbanisme de la commune, tel qu'approuvé par délibération du 14 octobre 2019 et résultant de la révision n° 1, en tant qu'il classe en zone agricole les parcelles cadastrées section B nos 2547 et 2545 et qu'il a institué un emplacement réservé n° 7.

Par un jugement n° 2105037 du 21 septembre 2023, le tribunal administratif a annulé la décision implicite du maire d'Etrembières rejetant la demande des consorts A... en tant qu'elle refuse d'inscrire à l'ordre du jour l'abrogation de l'orientation d'aménagement et de programmation n° 11 du secteur de la République et du classement en zone 2AU des parcelles qui en font partie et de l'emplacement réservé n° 7 situé au Champ de Balme et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 novembre 2023 et 18 décembre 2024, Mme D... C... et M. E... A..., représentés par la SELARL Braud Associés devenue SELARL Jurisophia Savoie, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 septembre 2023 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'abrogation du plan local d'urbanisme en ce qu'il procède au classement en zone agricole des parcelles cadastrées section B nos 2547 et 2545 situées au lieudit Champs de Balme ;

2°) d'annuler les décisions implicites nées du silence gardé pendant plus de deux mois par le maire d'Etrembières sur leurs demandes et tendant à l'abrogation de la délibération du 14 octobre 2019 par laquelle le conseil municipal d'Etrembières a approuvé la révision n° 1 du plan local d'urbanisme ;

3°) d'enjoindre au maire d'Etrembières de convoquer le conseil municipal pour que celui-ci adopte une délibération abrogeant la dernière révision du plan local d'urbanisme, en tant qu'elle a classé le secteur dit " F... " en zone agricole dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Etrembières le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le classement des parcelles cadastrées section B nos 2547 et 2545 en zone agricole est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et d'incohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ; ce classement est contradictoire avec la mise en place sur ces parcelles d'un emplacement réservé emportant une incohérence quant à la qualification de leur terrain et à l'appréciation de la qualité agronomique ; le classement du terrain en zone agricole apparaît davantage relever d'un classement d'opportunité pour sanctuariser un terrain d'ores et déjà identifié pour la réalisation de projets communaux ; le motif d'urbanisme qui justifie le classement en zone agricole s'inscrit dans la préservation d'une ouverture paysagère et est étranger aux critères de classement en zone agricole ; aucune des orientations définies au sein du PADD ne saurait justifier un classement en zone agricole ; la seule exploitation agricole sur la commune est située à l'opposé du territoire communal et le terrain en cause ne présente pas d'intérêt particulier pour cette exploitation ; ce classement est incohérent avec les autres orientations du PADD ;

- leur tènement devrait être classé en zone urbaine dès lors que le secteur F... est encerclé par des secteurs classés en zone U et desservis par la rue de la Gare et l'impasse des Bergues ; l'axe n° 1 du PADD prévoit que le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune doit être dimensionné pour permettre une croissance annuelle de la population de l'ordre de 1,8 % et la réalisation d'au moins 400 logements et prévoit, dans le cadre des actions permettant de parvenir à l'orientation n° 1.5 d'inciter l'urbanisation des dents-creuses ; leur tènement constitue une dent-creuse parfaitement identifiable ; il est implanté dans un secteur entièrement urbanisé et est bordé sur trois côtés par des propriétés bâties et au nord par la route départementale n° 1206.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 septembre 2024, la commune d'Etrembières, représentée par Avocat CLDAA (Me Duraz), conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants le versement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à la suite du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 septembre 2023, le conseil municipal a décidé d'intégrer l'abrogation de l'OAP n° 11 et le classement en zone 2AU des parcelles qui en font partie ainsi que l'emplacement réservé n° 7 situé au champ de la Balme dans le cadre de la procédure en cours de la révision générale n° 2 du PLU prescrite par la délibération du 11 avril 2022 ;

- à supposer que les requérants se prévalent de l'illégalité de l'institution de l'emplacement réservé n° 7 en raison de son incohérence, ce moyen est inopérant ;

- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 février 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 mars 2025.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,

- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique,

- les observations de Me Duraz pour la commune d'Etrembières.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... veuve A..., Mme C... et M. A..., ont demandé par courriers des 2 et 21 avril 2021, reçus respectivement les 6 et 22 avril 2021, l'abrogation du plan local d'urbanisme (PLU) d'Etrembières en ce qu'il instaure un emplacement réservé n° 7, classe en zone Ue la parcelle cadastrée section B n° 2547 concernée par cet emplacement réservé, et en zone agricole la parcelle cadastrée section B no 2545 et le reste de la parcelle B n° 2547. Par un jugement du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé, pour erreur manifeste d'appréciation, l'institution de l'orientation d'aménagement et de programmation n° 11 et le classement des parcelles qui la compose en zone 2AU ainsi que l'instauration sur la parcelle cadastrée section B n° 2547 d'un emplacement réservé n° 7, d'une superficie de 3 258 m², destiné à recevoir un parking relais comprenant entre cent et cent vingt places de stationnement pour favoriser l'utilisation des transports en commun pour rejoindre la Suisse frontalière et a rejeté le surplus de leur demande. Mme C... et M. A... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles le maire d'Etrembières a rejeté leur demande d'abrogation du PLU en tant que le classement des parcelles cadastrées section B nos 2547 et 2545 au lieudit Champs de Balme en zone agricole est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

2. Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de définir des zones urbaines normalement constructibles et des zones dans lesquelles les constructions peuvent être limitées ou interdites. Ils ne sont pas liés par les modalités existantes d'utilisation du sol dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme ou par la qualification juridique qui a pu être reconnue antérieurement à certaines zones sur le fondement d'une réglementation d'urbanisme différente. L'appréciation à laquelle ils se livrent ne peut être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir que si elle repose sur des faits matériellement inexacts, si elle est entachée d'erreur manifeste ou de détournement de pouvoir.

3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section B n° 2547 d'une superficie de 25 651 m², hormis sa partie est pour une superficie de 3 258 m², ainsi que la parcelle cadastrée section B n° 2545 d'une superficie de 405 m² ont été classées en zone agricole par le plan local d'urbanisme (PLU) d'Etrembières approuvé par délibération du 14 octobre 2019. Elles se situent au sud de la route départementale n° 1206, à proximité de la frontière franco-suisse. Si elles sont bordées par des maisons d'habitation à l'est et à l'ouest et au sud par le chemin Verdi et la voie ferrée, elles jouxtent au nord-ouest une vaste zone agricole. Elles ont en outre été identifiées par le rapport de présentation comme espace agricole remarquable et stratégique, par le document d'orientations et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale d'Annemasse Agglo (SCoT) comme " Espace agricole à pérenniser " et la chambre d'agriculture a estimé dans son diagnostic agricole de 2013 que ces parcelles étaient de bonne qualité agricole. Par ailleurs, ces parcelles n'ont pas été identifiées par le rapport de présentation du PLU comme relevant du potentiel de densification et de mutation de l'enveloppe urbaine alors que ce même rapport a rappelé l'objectif de limiter la consommation foncière notamment des terrains agricoles dans la plaine et l'objectif d'urbaniser prioritairement dans le Chef-Lieu et le Pas de l'Echelle pour limiter la consommation spatiale sur le reste du territoire. Si le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) prévoit dans son Axe 1 relatif à une politique d'urbanisme au service de la cohésion sociale, de la qualité de vie et d'un habitat plus durable, de " dimensionner à l'échéance du PLU (2030) un potentiel d'accueil de population supplémentaire d'environ 680 habitants correspondant à une croissance annuelle de l'ordre de 1,8% par an ", et fixe à au moins 400 le nombre de logements à réaliser, ce même axe prévoit de favoriser la réutilisation/rénovation des logements vacants et la rénovation des constructions existantes, ainsi que la mutation du bâti pour accueillir une part de la production future de logement, d'inciter l'urbanisation des " dents-creuses " et de réduire la consommation foncière en extension de l'enveloppe urbaine. Le PADD comporte également un axe économique dont l'une des orientations générales est de pérenniser l'activité agricole pour son rôle économique, environnemental et paysager et qui identifie les parcelles en litige comme relevant de la préservation des " meilleures terres agricoles " et qui prévoit comme actions à engager de " protéger de l'urbanisation les principales terres agricoles indispensables situées en dehors de l'enveloppe urbaine (...), [de] préserver les tènements agricoles de proximité (....) [et de] maintenir des coupures agricoles entre les espaces urbanisés (...) ". Enfin, le PADD comprend un axe 3 relatif à la préservation du cadre de vie et du paysage qui prévoit de limiter la consommation des espace agricoles et forestiers et identifie les parcelles en litige afin de limiter la pression d'urbanisation sur les éléments de nature ordinaire. Dès lors, la circonstance que le classement en zone agricole des parcelles appartenant à Mme C... et M. A... s'inscrit dans la préservation d'une ouverture paysagère ne révèle pas une méconnaissance de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme. Il suit de là que le classement en zone agricole des parcelles précitées ne peut être regardé comme étant entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

4. D'autre part, si les requérants soutiennent que le classement de leurs parcelles est contradictoire avec la création sur une partie de la parcelle cadastrée section B n° 2547 d'un emplacement réservé emportant une incohérence quant à la qualification de leur terrain et quant à l'appréciation de sa qualité agronomique et que le classement en terrain agricole apparaît davantage relever d'un classement d'opportunité pour sanctuariser un terrain d'ores et déjà identifié pour la réalisation de projets communaux, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'emplacement réservé n° 7, d'ailleurs annulé par le jugement du 21 septembre 2023, qui n'a pas fait l'objet d'un appel de la commune d'Etrembières, n'était pas prévu sur la partie de la parcelle cadastrée section n° 2547 classée en zone agricole. Il suit de là et en tout état de cause, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le classement en zone agricole d'une partie de la parcelle cadastrée section B n° 2547 est entaché d'incohérence au regard de cet emplacement réservé et des orientations précitées du PADD. Il n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles le maire d'Etrembières a rejeté leur demande d'abrogation du PLU en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section B nos 2547 et 2545 au lieudit Champs de Balme en zone agricole.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune d'Etrembières, qui n'est pas la partie perdante, verse à Mme C... et M. A... la somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

7. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme C... et M. A... le versement à la commune d'Etrembières d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... et M. A... est rejetée.

Article 2 : Mme C... et M. A... verseront à la commune d'Etrembières la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., représentant unique en vertu de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, et à la commune d'Etrembières.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente de la formation de jugement,

Mme Claire Burnichon, première conseillère,

Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.

La rapporteure,

C. BurnichonLa présidente,

A.-G. Mauclair

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne à la préfète de Haute-Savoie en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 23LY03544 6

N° 23LY03544 2


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