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28/05/2025 | FRANCE | N°24LY02519

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 28 mai 2025, 24LY02519


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 25 juillet 2024 par lesquelles la préfète de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.



Par

jugement n° 2407553 du 12 août 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 25 juillet 2024 par lesquelles la préfète de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par jugement n° 2407553 du 12 août 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 30 août 2024, M. B..., représenté par Me Kabila, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 août 2024 ;

2°) d'annuler les décisions du 25 juillet 2024 susvisées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les droits de la défense ont été méconnus faute pour lui d'avoir bénéficié du recours à un interprète lors de la notification de la mesure d'éloignement ;

- la mesure d'éloignement est entachée d'une insuffisance de motivation s'agissant de la menace à l'ordre public qu'il représenterait ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'une insuffisance de motivation et n'est pas justifiée dès lors qu'il démontre avoir un domicile fixe en France ;

- les décisions en litige sont entachées d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'assignation à résidence est entachée de disproportion.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2024, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 14 décembre 2001 à Tataouine (Tunisie), relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du 25 juillet 2024 de la préfète de l'Ain lui faisant obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1°) de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'assignant à résidence.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une décision portant obligation de quitter le territoire français est également informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments, traduits dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des décisions qui lui sont notifiées en application des chapitres I et II ".

3. Aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose au préfet de notifier une décision portant obligation de quitter le territoire français à son destinataire par l'intermédiaire d'un interprète ou dans une langue autre que le français. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les droits de la défense auraient été méconnus faute pour lui d'avoir bénéficié de la présence d'un interprète lors de la notification de la mesure d'éloignement en litige. Au demeurant, il ne se prévaut pas de la méconnaissance de dispositions précises et il ne peut utilement invoquer les conditions de cette notification pour contester la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige, lesquelles n'ont d'incidence que sur l'opposabilité des délais de recours.

4. En deuxième lieu, si M. B... soutient que la préfète de l'Ain n'a pas suffisamment motivé la mesure d'éloignement en litige s'agissant de la menace que son comportement constituerait pour l'ordre public en France, il ressort des termes de cette décision que la préfète de l'Ain n'a pas entendu lui opposer un tel motif pour l'éloigner du territoire national. En outre, la mesure d'éloignement est en l'espèce suffisamment motivée par le visa du 1°) de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les éléments afférents à la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, le moyen soulevé doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Et aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...). ".

6. Si en soutenant que " l'arrêté souffre d'une insuffisance de motivation sur l'existence d'un risque de se soustraire à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français ", le requérant peut être regardé comme soulevant, à l'encontre de la décision portant refus de délai de départ volontaire, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision, celle-ci est suffisamment motivée par le visa de l'article L. 612-3 du code précité et les circonstances, mentionnées par la préfète de l'Ain, tirées de ce que l'intéressé est entré irrégulièrement en France, qu'il n'a ni document de voyage, ni justificatif de domicile et qu'il a explicitement déclaré ne pas vouloir regagner la Tunisie. Il s'ensuit que le moyen, à le supposer soulevé, doit être écarté.

7. En quatrième lieu, si le requérant soutient avoir un domicile fixe en France, l'attestation d'hébergement qu'il produit datée du 29 juillet 2024 est postérieure à la date de la décision portant refus de délai de départ volontaire en litige à laquelle s'apprécie sa légalité. En outre, cette décision est légalement justifiée par les motifs de fait citées au point 6 et ressortant de la décision en litige et la préfète de l'Ain aurait pris la même décision si elle ne s'était pas fondée sur l'absence de résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale.

8. En cinquième lieu, il ne ressort ni des termes des décisions en litige, ni d'aucune pièce du dossier, que la préfète de l'Ain n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B... avant d'édicter les décisions attaquées. Le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient entachées d'un défaut d'examen doit être écarté.

9. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré irrégulièrement en France au cours du mois de juillet 2021 à l'âge de 19 ans. Il est célibataire et sans charge de famille. S'il se prévaut de la présence en France de son oncle, de sa tante et de sa grand-mère, demeurent dans son pays d'origine ses parents et ses frère et sœurs. Sa relative insertion professionnelle, par la conclusion d'un contrat à durée indéterminé le 28 février 2024 en qualité d'intérimaire et la production de bulletins de paie sur les mois de septembre 2023, de décembre 2023 et de janvier 2024 outre la réalisation de formations, est très récente à la date des décisions en litige. Il ne justifie par ailleurs d'aucune insertion sociale au sein de la société française. Il n'a en outre déposé aucune demande de titre de séjour afin de régulariser sa situation. Contrairement à ce qu'il soutient, la préfète de l'Ain n'a pas entendu lui opposer la circonstance que sa présence sur le territoire français constituerait une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, les décisions en litige n'ont pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit, par suite, être écarté. Il en va de même, pour les mêmes motifs, de celui tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

11. En septième et dernier lieu, le moyen tiré de la disproportion de la mesure d'assignation à résidence, qui n'est pas assorti du moindre argument, ne comporte pas les éléments permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Il doit en conséquence être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mai 2025.

La rapporteure,

Vanessa Rémy-NérisLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Péroline Lanoy

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière

2

N° 24LY02519


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02519
Date de la décision : 28/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LORDONNE
Avocat(s) : KABILA ENGUERRAN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-28;24ly02519 ?
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