Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... B... et M. E... D..., agissant en leur nom propre et en tant que représentants légaux de leur fils mineur A..., ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier de Vichy à leur verser, en réparation des préjudices que leur ont causés les conditions de la naissance A..., la somme de 1 583 344,48 euros ainsi qu'une rente trimestrielle de 7 113,60 euros et une rente mensuelle de 812,25 euros pour A... et la somme de 190 717,95 euros pour eux-mêmes.
Par un jugement avant-dire droit du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a décidé qu'il serait procédé à une expertise.
Par un jugement n° 1600017 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier de Vichy à verser, d'une part, à A... D..., représenté par ses parents, la somme de 145 976,26 euros et une rente semestrielle de 7 025,12 euros à servir jusqu'à réévaluation de son état de consolidation, sous déduction de la prestation de compensation du handicap et de toute allocation ayant le même objet et, d'autre part, à Mme B... et M. D..., une somme de 57 771,92 euros en réparation de leurs préjudices personnels.
Procédure devant la cour avant cassation
Par une requête enregistrée le 14 février 2022, Mme C... B... et M. E... D..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur fils mineur A... D..., représentés par le cabinet Preziosi - Ceccaldi - Albenois, ont demandé à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 14 décembre 2021, en portant les sommes que le centre hospitalier de Vichy a été condamné à leur verser à hauteur de :
- 1 201 844,24 euros, outre intérêts et capitalisation à compter de la demande préalable, pour A... D..., outre une rente trimestrielle de 7 113,60 euros et une rente mensuelle de 820,80 euros, toutes deux indexées annuellement sur le SMIC et à servir jusqu'au jour du dépôt du prochain rapport d'étape ;
- 38 846,35 euros, outre intérêts et capitalisation à compter de la demande préalable, pour Mme B... et M. D..., parents de l'enfant ;
- 151 871,60 euros, outre intérêts et capitalisation à compter de la demande préalable, pour Mme B... ;
- et 95 000 euros, outre intérêts et capitalisation à compter de la demande préalable, pour M. D... ;
2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Vichy une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutenaient que :
- ainsi que le font apparaître les expertises, le centre hospitalier a commis des fautes médicales ;
- le taux de perte de chance doit être évalué à 95 % et non à 50 % ;
- en l'absence de consolidation, ils ne demandent que la réparation des préjudices temporaires établis à la date de l'arrêt, en réservant la question d'un réexamen ultérieur de l'évolution de l'état de l'enfant ;
- ils ont dû engager des dépenses de petits consommables, d'aides techniques, d'adaptation du véhicule et d'assistance par une tierce personne ;
- l'enfant a subi un préjudice scolaire, un déficit fonctionnel temporaire, un préjudice esthétique temporaire et a enduré des souffrances ;
- ses parents ont engagé des frais d'assistance à expertise, de demande de dossiers médicaux, de reproduction de dossiers, de déplacements pour expertises et de transport ; ils ont également subi un préjudice d'affection et un préjudice d'accompagnement ;
- Mme B... a subi un préjudice de perte de gains professionnels.
Par un mémoire enregistré le 9 décembre 2022, les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme et de l'Allier, représentées par Me Nolot, concluaient :
1°) à la réformation du jugement attaqué, en portant les sommes que le centre hospitalier de Vichy a été condamné à leur verser à hauteur de 1 705 084,06 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2016 et capitalisation, pour les débours, outre 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
2°) à ce que la somme de 1 600 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Vichy sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutenaient que :
- c'est à bon droit que le tribunal a retenu que le centre hospitalier a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité ;
- la perte de chance doit être évaluée à hauteur d'un taux de 95 % et non de 50 % ;
- des débours ont été exposés en raison de frais hospitaliers, de frais médicaux, de frais pharmaceutiques, de frais d'appareillage et de frais de transport.
Par un mémoire enregistré le 27 décembre 2022, le centre hospitalier de Vichy, représenté par la Selarl Fabre et Associés, concluait :
1°) au rejet de la requête et des conclusions des CPAM du Puy-de-Dôme et de l'Allier ;
2°) à titre incident, à la réformation du jugement du 14 décembre 2021 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en réduisant à de plus justes proportions les sommes qu'il a été condamné à verser à A... D..., ainsi qu'à ses parents Mme B... et M. D....
Il soutenait que :
- le jugement doit être confirmé en tant qu'il retient le principe de la responsabilité et un taux de perte de chance de 50 % ;
- il ne conteste pas le montant de frais divers exposés ;
- les frais d'adaptation du véhicule ne peuvent inclure le coût du véhicule lui-même, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;
- aucun préjudice scolaire n'est caractérisé ;
- aucun préjudice d'agrément temporaire ne peut être retenu ;
- il ne conteste pas les montants alloués pour le déficit fonctionnel temporaire, le préjudice esthétique temporaire et les souffrances endurées ;
- il ne conteste pas les frais divers exposés par les parents, à l'exception des frais de transport ; il ne conteste pas davantage les sommes allouées au titre de leur préjudice d'affection, ni celles allouées à M. D... au titre du préjudice d'accompagnement ;
- aucun préjudice de perte de revenu de Mme B... n'apparaît en lien avec la faute ;
- l'évaluation par les requérants des autres préjudices est excessive ;
- il ne conteste pas les débours exposés par la caisse.
Par un arrêt n° 22LY00494 du 10 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a condamné le centre hospitalier de Vichy à verser à Mme B... et M. D..., en qualité de représentants légaux de leur fils A..., une somme de 523 061,32 euros, et au titre de leurs propres préjudices, des sommes de respectivement 42 277 euros et 35 000 euros ainsi qu'à eux deux une somme de 18 014,13 euros au titre des frais exposés conjointement, avec les intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2016, ces intérêts étant capitalisés au 6 janvier 2017 et à chaque échéance annuelle pour produire eux-mêmes intérêts.
Par une décision du 26 novembre 2024, rectifiée par une ordonnance du 16 décembre 2024, le Conseil d'État a annulé l'arrêt du 10 novembre 2023 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il fixe l'indemnisation due à A... D... au titre de l'assistance par une tierce personne, et renvoyé l'affaire devant la cour dans la mesure de la cassation prononcée.
Procédure devant la cour après cassation
Par un courrier du 20 décembre 2024, les parties ont été informées de la reprise de l'instance devant la cour après renvoi de l'affaire par le Conseil d'État.
Par des mémoires enregistrés les 17 janvier et 2 avril 2025, Mme B... et M. D..., agissant en leur nom propre et au nom de leur fils A..., représentés par le cabinet Preziosi - Ceccaldi - Albenois, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) de condamner le centre hospitalier de Vichy à leur verser la somme de 521 136 euros, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir, en réparation du besoin en assistance par tierce personne de l'enfant A... à compter du 15 juin 2009 jusqu'au 31 janvier 2025 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Vichy à leur verser les intérêts de droit avec capitalisation des intérêts à compter de la demande préalable ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Vichy la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la faute du centre hospitalier de Vichy est établie, à l'origine d'une perte de chance de 50 % d'éviter le dommage à l'origine du sévère handicap présenté par l'enfant A... ;
- l'état de santé de l'enfant n'est pas consolidé ; atteint d'une paralysie cérébrale de stade V sur V, il est dépendant pour tous les gestes de la vie quotidienne ; il est dans l'incapacité de se déplacer et doit porter différents corsets ainsi que des orthèses ; il est alimenté par gastrostomie et porte des protections ; il est sous assistance respiratoire pour les heures de sommeil, avec nécessité d'un drainage respiratoire par un kinésithérapeute 6 jours sur 7 ; il a déjà présenté des épisodes de détresse respiratoire ; son état nécessite de la kinésithérapie de mobilisation une fois par semaine ; il ne peut communiquer autrement que par vocalises ; son traitement médicamenteux est très lourd ; l'état de santé A... nécessite par suite une assistance spécialisée 24 heures par 24 heures ;
- l'assistance nécessitée par son état de santé jusqu'à ses trois ans ne peut être regardée comme équivalente à celle dont a besoin un enfant en bas âge en bonne santé, alors qu'elle a demandé dès la naissance un niveau accru de présence, de vigilance et de savoir-faire ; il présentait des troubles de déglutition compliquant la prise des biberons, des troubles du sommeil avec des épisodes très courts d'endormissement de 15 à 30 minutes et pouvait avoir jusqu'à dix rendez-vous par semaine ; l'enfant a été pris en charge en centre d'action médico-sociale précoce (CAMSP) puis dès avant ses trois ans en centre médico-infantile ;
- à compter de mai 2016, soit aux sept ans A..., la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) a accordé 14 heures d'assistance par tierce personne par jour lorsqu'Hugo était à domicile, outre 2 heures par mois en service prestataire ; la prestation de compensation du handicap a été attribuée dès 2012 ;
- il sera fait une exacte appréciation du besoin en tierce personne de l'enfant A..., à raison de 24 heures sur 24 heures ;
- pour l'année 2009, du 15 juin 2009, date de sortie de l'hôpital, sans hospitalisation ni prise en charge extérieure, du 16 juin au 31 décembre 2009 compris, soit 199 jours, donc 4 776 heures ;
- pour l'année 2010, l'enfant a été hospitalisé du 20 au 22 mars 2010 et du 2 au 5 juillet 2010, soit durant 7 jours ; le besoin en aide humaine a été constant du 1er janvier au 19 mars 2010, du 24 mars au 1er juillet 2010 et du 6 juillet au 31 décembre 2010, soit 358 jours, donc 8 592 heures ;
- pour l'année 2011, l'enfant a été hospitalisé du 1er au 3 juillet puis du 18 au 20 août 2011 ; le besoin en aide humaine hors période d'hospitalisations s'est étendu du 1er janvier au 30 juin 2010, puis du 4 juillet au 17 août 2011 et du 21 août au 30 novembre 2011, soit 328 jours, donc 7 872 heures ; du 1er décembre jusqu'au 31 décembre 2011, l'enfant a été hospitalisé de jour au centre médical infantile de Romagnat à raison de 3 jours par semaine les mardis, mercredis et jeudis de 9 heures à 17 heures avec prise en charge pour le transport en ambulance à compter de 8 heures le matin et retour à domicile à compter de 18 heures ; soit un besoin en tierce personne pour la période du1er au 31 décembre 2011 de 614 heures ; le besoin en aide humaine pour l'année 2011 est de 8 486 heures ;
- pour l'année 2012, l'hospitalisation de jour s'est poursuivie du 1er janvier au 31mai 2012, selon le même rythme outre le trajet en ambulance, soit 2 988 heures de présence à domicile entre janvier et mai 2012 ; à compter du 1er juin et jusqu'au 17 septembre, l'hospitalisation de jour s'est poursuivie à raison de 4 jours par semaine (les lundis, mardis, mercredis et jeudis), sur un volume horaire de 10 heures par jour (comprenant les trajets) ; le total d'heures à charge des parents a donc été de 2 006 heures entre juin et septembre 2012 ; du 18 au 24 septembre 2012, A... a été hospitalisé au centre hospitalier de Clermont Ferrand pour la mise en place de la gastrostomie puis en hospitalisation complète au CMI de Romagnat jusqu'au 30 septembre 2012 ; du 1er au 14 octobre 2012, A... a été hospitalisé en hospitalisation de jour du lundi au vendredi sur un volume de 10 heures par jour, comprenant les temps de trajet, et rentrait tous les soirs au domicile de ses parents, soit 260 heures sur cette période ; à compter du 15 octobre 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012, A... a été en hospitalisation complète et il n'est rentré à domicile que tous les weekends, du samedi matin au lundi matin, soit un volume à domicile de 48 heures par semaine, pour un total de 528 heures au domicile pour cette période ; le volume horaire global d'aide humaine pour l'année 2012 est de 5 782 heures ;
- jusqu'en octobre 2015, les modalités d'hospitalisation complète au CMI de Romagnat et les retours à domicile a minima toutes les fins de semaines demeurent les mêmes ; à partir du mois d'octobre 2015, l'enfant A... est demeuré en hospitalisation complète avec un retour à domicile une fin de semaine sur deux et certaines vacances ;
- soit, pour l'année 2013, au regard des attestations de versements de prestation de handicap, 110 jours passés à domicile au cours de l'année, donc un besoin en aide humaine constant de 2 640 heures ;
- pour l'année 2014, 139 jours au cours de l'année, donc un besoin en aide humaine de 3 336 heures ;
- pour l'année 2015, 62 jours au cours de l'année, donc un besoin en aide humaine constant de 1 488 heures ;
- pour l'année 2016, 50 jours au cours de l'année, donc un besoin en aide humaine de 1 200 heures ;
- pour l'année 2017, 53 jours au cours de l'année, donc un besoin en aide humaine de 1 272 heures ;
- pour l'année 2018, 52 jours au cours de l'année, donc un besoin en aide humaine constant de 1 248 heures ;
- pour l'année 2019, 37 jours au cours de l'année, donc un besoin en aide humaine constant de 888 heures ;
- pour l'année 2020, du fait de la crise sanitaire, ses parents n'ont pas pu admettre leur enfant à domicile ni lui rendre visite durant de nombreuses semaines ; A... n'a passé que 18 jours à domicile au cours de l'année, soit un besoin en aide humaine constant de 432 heures ;
- pour l'année 2021 : 21 jours au cours de l'année, soit un besoin en aide humaine constant de 504 heures ;
- pour l'année 2022 : 39 jours au cours de l'année, soit un besoin en aide humaine de 936 heures ;
- pour l'année 2023, 40 jours, soit un besoin en aide humaine de 960 heures ;
- pour l'année 2024, 35 jours, soit un besoin en aide humaine de 840 heures ;
- pour janvier 2025, 2 jours, soit un besoin en aide humaine de 48 heures ;
- soit un total du 16 juin 2009 au 31 janvier 2025 de 43 428 heures, évaluation à parfaire en tenant compte des jours de retour à domicile A... à partir du mois de janvier 2025 et jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir ;
- le montant de la tierce personne doit être indemnisé au regard du besoin de la victime qui n'a pas à justifier de l'engagement de la dépense et l'indemnisation doit intégrer l'ensemble des composantes du coût de la tierce personne, y compris les charges patronales, quand bien même ce rôle est assumé par la famille ; c'est sur la base du service prestataire, conforme au principe de réparation intégrale, que doit être calculé le coût horaire de l'aide humaine ; la distinction entre assistance passive et assistance active n'a pas ici de pertinence au regard des coûts engagés dans tous les cas et sans distinction par la victime ; un décret du 2 janvier 2024 fixe le taux horaire plancher à la somme horaire de 23,50 euros ; il sera retenu un taux horaire de 24 euros ;
- la prestation de compensation du handicap n'a pas à être déduite du préjudice indemnisable au titre du besoin d'assistance par une tierce personne ;
- l'assistance par tierce personne, du 15 juin 2009 au 31 janvier 2025, au taux horaire de 24 euros sur 43 428 heures, sera exactement réparée par un montant de 1 042 272 euros, ramené après application du taux de perte de chance de 50 % à la somme de 521 136 euros.
Par des mémoires enregistrés les 14 mars et 25 mars 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, les CPAM du Puy-de-Dôme et de l'Allier, représentées par Me Nolot, demandent à la cour de condamner le centre hospitalier de Vichy à leur verser la somme de 1 296 369,457 euros, après application du taux de perte de chance de 50 %, au titre de leur créance provisoire arrêtée au 14 mars 2025, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2016, avec capitalisation des intérêts, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, et de mettre à la charge du centre hospitalier de Vichy la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent qu'elles ont dû payer des débours provisoires nouveaux, d'un montant de 1 296 369,47 euros, le total de leurs débours s'élevant à 2 592 738,94 euros.
Par des mémoires enregistrés les 17 mars et 2 avril 2025, le centre hospitalier de Vichy, représenté par la Selarl Fabre et Associés, demande à la cour :
1°) d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand quant aux besoins en aide humaine ;
2°) de fixer l'indemnisation des besoins en aide humaine de septembre 2012 à novembre 2023 à la somme de 54 820,66 euros, dont il conviendra de déduire les sommes perçues au titre de la prestation de compensation du handicap pour cette même période, soit 48 303,01 euros ;
3°) de sursoir à statuer sur l'indemnisation au titre des besoins en aide humaine postérieurs à novembre 2023 et, à défaut, de fixer la somme due à ce titre entre les mois de décembre 2023 à décembre 2024 à 5 036,85 euros, dont il convient de déduire la prestation de compensation du handicap pour cette même période, soit 5 137,90 euros, et de rejeter toutes les autres demandes ainsi que les conclusions présentées par Mme B... et M. D... au tire de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- même si l'arrêt a été annulé du fait de la non-prise en compte par la cour d'appel des jours réellement et précisément passés à domicile, il a été annulé en toutes ses dispositions relatives aux besoins en aide humaine ;
- tout nourrisson puis tout enfant en bas âge jusqu'à l'âge de trois ans nécessite une assistance et une surveillance permanente pour tous les actes de la vie courante ; la différence dans la nature de l'assistance ne correspond pas aux besoins en tierce personne entendu comme un besoin d'aide, de substitution et de surveillance dont tout jeune enfant a un besoin constant, mais relève d'un préjudice d'accompagnement des parents ; le besoin en tierce personne ne doit être retenu qu'à compter de l'âge de trois ans ;
- tout enfant entre trois et treize ans a besoin de l'assistance et de la surveillance d'un adulte, notamment la nuit ; l'indemnisation doit donc évaluée, de septembre 2012 jusqu'au six ans A..., à hauteur de 4 heures par jour d'aide active ; des six ans A... jusqu'à ses dix ans, à hauteur de 6 heures d'aide active dans la journée et 2 heures d'aide active la nuit ; à compter de ses onze ans, à hauteur de 8 heures d'heures actives le jour et de 3 heures d'heures actives la nuit ;
- au regard de la loi du 11 février 2005, le montant attribué pour l'assistance par tierce personne est évalué en application de la législation du travail et de la convention collective en vigueur ; la convention collective des salariés du particulier employeur, et notamment son avenant du 15 janvier 2024, fixe une rémunération à 12,26 euros bruts de l'heure ; il convient de retenir un tarif horaire de 12,91 euros de septembre 2012 à 2021 et de 14,35 euros à partir de 2021, ainsi que l'ont évalué les premiers juges ; il ne peut être raisonné sur la base des tarifs de sociétés prestataires qui tiennent compte de différents frais qui n'ont pas à être répercutés dans le cadre de l'indemnisation de la tierce personne puisqu'ils correspondent au coût de la prestation de services ;
- en tenant compte de ces taux horaires, du besoin en assistance par tierce personne journalier, et des jours de présence au domicile des parents, en déduisant les périodes d'hospitalisations et de prise en charge en centre spécialisé, la tierce personne sera exactement évaluée, de septembre à décembre 2012, par un montant de 2 272,16 euros ; pour l'année 2013, par un montant de 5 680,40 euros ; pour l'année 2014, par un montant de 7 177,96 euros ; pour l'année 2015, par un montant de 4 027,92 euros ; pour l'année 2016, par un montant de 5 164 euros ; pour l'année 2017, par un montant de 5 473,84 euros ; pour l'année 2018, par un montant de 5 370,56 euros ; pour l'année 2019, par un montant de 3 821,36 euros ; pour l'année 2020, par un montant de 1 420,10 euros ; pour l'année 2021, par un montant de 2 712,15 euros ; pour l'année 2022, par un montant de 5 036,85 euros ;
- pour l'année 2023, les requérants ont borné leur demande au mois de novembre 2023, quand bien même ils ont indiqué une somme à parfaire et ont produit de nouvelles pièces ; l'indemnisation, jusqu'à cette date, sera évaluée à 4 649,40 euros pour l'année 2023 ;
- soit un total de 54 820,66 euros, à déduire les versements de prestation de compensation de handicap, s'élevant à 48 303,01 euros ;
- si la cour voulait admettre les pièces versées pour la période de décembre 2023 à décembre 2024, l'indemnisation s'élèvera à 5 036,85 euros sur cette période, à déduire 5 137,90 euros au titre de la prestation de compensation du handicap.
Par une ordonnance du 2 avril 2025, l'instruction a été close au 17 avril 2025.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boffy, première conseillère ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Fort, pour Mme B... et M. D..., ainsi que celles de Me Cantaloube, pour le centre hospitalier de Vichy ;
Considérant ce qui suit :
1. L'enfant A... D..., né le 5 avril 2009 au centre hospitalier de Vichy, présente un handicap imputable à une encéphalopathie anoxo-ischémique d'origine intra et per-partum. Par un jugement du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier à indemniser l'enfant, ses parents, Mme B... et M. D..., ainsi que les CPAM du Puy-de-Dôme et de l'Allier, en retenant que les fautes commises au cours de l'accouchement avaient fait perdre une chance, estimée à 50 %, d'éviter le dommage. Par un arrêt du 10 novembre 2023, la cour a réévalué les indemnités dues à A... D... et à ses parents, annulé l'article 2 de ce jugement et réformé le surplus de celui-ci en ses dispositions contraires. Par une décision du 26 novembre 2024 rectifiée par une ordonnance du 16 décembre 2024, le Conseil d'État a annulé cet arrêt seulement en tant qu'il fixe l'indemnisation due au jeune A... au titre des frais d'assistance par une tierce personne, et a renvoyé dans cette mesure l'affaire devant la cour.
2. Lorsque le juge administratif indemnise la victime d'un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, il détermine d'abord l'étendue de ces besoins d'aide et les dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit, à cette fin, se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.
3. En vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il appartient ensuite au juge de déduire du montant de l'indemnité allouée à la victime au titre de l'assistance par tierce personne les prestations ayant pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune. Les règles rappelées au point précédent ne trouvent à s'appliquer que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation de la victime. Lorsque la personne publique n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, cette déduction ne se justifie, le cas échéant, que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne.
4. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise décidée avant-dire droit par le tribunal, que l'état du jeune A... crée pour lui un besoin majeur d'assistance par une tierce personne. L'enfant présente une quadriplégie dystonique asymétrique. Il est dépendant pour tous les gestes de la vie quotidienne et ne présente aucune autonomie. Par ailleurs, il a développé une insuffisance respiratoire chronique et des troubles pharyngolaryngés, ayant imposé la mise en place d'une alimentation exclusive par gastrostomie depuis 2012. Cet enfant est également sous assistance respiratoire, selon différents appareillages en phase d'éveil ou de sommeil, et il a présenté des épisodes de détresse respiratoire jusqu'au malaise, notamment en 2019, cette précarité physiologique nécessitant une vigilance constante. A cet égard, un complément à l'expertise, réalisé le 7 mars 2021 après examen de l'enfant et évaluation d'une journée-type, retient un besoin particulier d'assistance de l'ordre de 20 à 24 heures par jour et que " le temps de la tierce personne va rester important car A... n'a aucune autonomie. Son poids va devenir plus lourd rendant les soins à sa personne plus contraignants ". Dans leur rapport établi le 7 janvier 2021, les docteurs Bretelle et Martin-Lebrun indiquaient que le déficit fonctionnel de l'enfant, dont l'état n'est pas encore consolidé, serait à terme supérieur à 95 %.
5. Il est vrai que, pour les premières années de vie, la charge normale inhérente à un très jeune enfant doit être prise en compte. Il apparaît toutefois ici que, comme le font valoir ses parents, les conséquences de l'anoxo-ischémie dont a été victime leur fils, eu égard à leur gravité, et compte tenu notamment de prises alimentaires longues et difficiles, de cycles de sommeil fragmentés, d'un développement moteur anormal avec impossibilité de maintien spontané, ont impliqué dès son plus jeune âge une attention notablement plus soutenue et des soins excédant largement ceux que nécessite normalement un enfant du même âge en bonne santé ainsi qu'un suivi médical important et de nombreux rendez-vous à honorer. Dans un tel contexte, eu égard à la nécessité d'un soutien spécifique et adapté du jeune A... dès la naissance et à la dégradation progressive de son état au plan respiratoire et alimentaire, il sera fait une juste appréciation de son besoin d'assistance par une tierce personne en le fixant à 20 heures par jour pour la période allant de sa naissance à ses trois ans et à 24 heures par jour au-delà.
6. D'une part, dans les trois premières années suivant sa naissance, le jeune A... a été hospitalisé jusqu'au 15 juin 2009 et de nouveau du 20 au 22 mars 2010, du 2 au 5 juillet 2010, du 1er au 3 juillet 2011 et du 18 au 20 août 2011, soit un total de 84 jours. Sur cette même période, il a en outre été pris en charge en centre médical infantile du 1er décembre 2011 au 5 avril 2012, à raison de trois jours par semaine (les mardis, mercredis et jeudis) de 9 heures à 17 heures, avec des trajets en ambulance imposant un départ à 8 heures et un retour à 18 heures, soit 10 heures par jour pendant 55 jours, équivalent à 22 jours et 22 heures. Ainsi, de sa naissance à ses trois ans révolus, le besoin en tierce personne assuré par la famille a représenté 19 758 heures.
7. D'autre part, et au-delà de cette période, il a été pris en charge du 6 avril au 31 mai 2012 au centre médico-infantile (CMI), soit 10 heures par jour en tenant compte des trajets en ambulance à raison de 3 jours par semaine, soit 24 jours sur cette période (240 heures). A compter du 1er juin 2012, l'hospitalisation de jour s'est poursuivie à raison de 4 jours par semaine (les lundis, mardis, mercredis et jeudis), soit 10 heures par jour sur 60 jours (600 heures), compte tenu des transports en ambulance. L'enfant a ensuite été hospitalisé du 18 au 24 septembre 2012, dans le cadre de la mise en place de la gastrostomie, puis il a été accueilli en hospitalisation complète au CMI du 25 septembre 2012 au 30 septembre 2012 soit pendant 12 jours (288 heures). Du 1er au 14 octobre 2012, l'hospitalisation de jour a repris, du lundi au vendredi, sur 10 jours, à hauteur de 10 heures par jour, avec les trajets (100 heures). A compter du 15 octobre 2012 et jusqu'au 31 décembre 2012, ainsi qu'en justifient les débours de la caisse primaire d'assurance maladie et les décomptes de la prestation de compensation du handicap, l'hospitalisation au CMI a été complète et les retours à domicile n'ont plus eu lieu que les weekends, du samedi matin au lundi matin, soit 48 heures par semaine sur 11 semaines (528 heures). Ainsi, sur l'année 2012 l'aide par une tierce personne a représenté 3 908 heures.
8. Au regard des décomptes de versement de la prestation de compensation du handicap, versée au prorata des jours passés à domicile, il apparaît également que pour les années suivantes, le jeune A... a passé, en 2013, 110 jours à domicile, soit 2 640 heures, en 2014, 139 jours, soit 3 336 heures, en 2015, 62 jours, soit 1 488 heures, en 2016, 50 jours soit 1 200 heures, en 2017, 53 jours soit 1 272 heures, en 2018, 52 jours, soit 1 248 heures, en 2019, 37 jours, soit 888 heures, en 2020, 18 jours, soit 432 heures, en 2021, 21 jours, soit 504 heures, en 2022, 39 jours soit 936 heures, en 2023, 40 jours soit 960 heures, en 2024, 35 jours soit 840 heures et en janvier 2025, 2 jours soit 48 heures, soit à ce jour un total de 15 792 heures.
9. Globalement, depuis sa naissance au mois de janvier 2025, le jeune A... a donc reçu l'assistance d'une tierce personne au domicile familial sur une durée s'élevant à 39 458 heures.
10. Par ailleurs, pour justifier du taux horaire de 24 euros qu'ils demandent, les requérants se prévalent de l'arrêté du 30 décembre 2021 et du décret n° 2024-2 du 2 janvier 2024 relatifs au montant minimal mentionné au I de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles, qui en fixent le tarif respectivement à 22 euros pour 2022, compte tenu du coût minimal d'une heure d'aide et d'accompagnement réalisé par un service autonomie à domicile prestataire et à 23,50 euros pour 2024. Ils indiquent en outre que la MDPH leur a attribué 2 heures par mois en coût prestataire, de 17,77 euros à compter de 2016, puis de 24,55 euros à partir de 2019. Ils produisent enfin les tarifs pratiqués par différents prestataires d'aide à domicile entre 2019 et 2021 qui varient entre 24,65 et 30,66 euros de l'heure. Dans ces conditions, sur la base d'un tarif horaire moyen de 22 euros, le coût de l'assistance par une tierce personne sur une durée de 39 458 heures s'élève à 868 076 euros.
11. Toute double indemnisation étant exclue, la prestation de compensation du handicap, eu égard à son montant, ne peut être déduite du préjudice indemnisable au titre du besoin d'assistance par une tierce personne que si le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne. En l'espèce, le montant de l'indemnité due en réparation des frais occasionnés par l'assistance par une tierce personne, compte tenu de la part de 50 % de remboursement devant être finalement assumée par l'établissement hospitalier, s'élève à 434 038 euros. Il apparaît que les requérants ont perçu 53 446,91 euros au titre de la prestation de compensation du handicap, 814 624,09 euros étant, à la date du présent arrêt, demeurés à leur charge. Il n'y a pas lieu, dès lors, de déduire les sommes perçues au titre de la prestation de compensation du handicap de l'indemnité due par le centre hospitalier de Vichy en réparation de ce poste de préjudice.
12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... et M. D..., qui ont seulement demandé la réparation du préjudice temporaire tenant au besoin d'assistance par une tierce personne, tel qu'il se présente à la date du présent arrêt, sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a pas porté à 434 038 euros le montant de l'indemnité allouée à ce titre, et de réformer le jugement du 14 décembre 2021 dans ce sens.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
13. Cette somme de 434 038 euros sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2016, seule date avérée de la demande indemnitaire de première instance. La capitalisation des intérêts a été demandée à la même date, à laquelle un an d'intérêts n'était toutefois pas encore dû. La capitalisation des intérêts n'interviendra ainsi qu'au 6 janvier 2017, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les conclusions des caisses primaires d'assurance maladie :
14. Au regard de la cassation prononcée, les conclusions des CPAM du Puy-de-Dôme et de l'Allier, tendant à la condamnation du centre hospitalier de Vichy à leur verser une somme au titre de leurs débours actualisés au 14 mars 2025, ainsi que les intérêts sur cette somme et la capitalisation des intérêts, et tendant au versement de l'indemnité forfaitaire de gestion en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Vichy une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... et M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
16. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Vichy une somme au titre des frais que les CPAM de l'Allier et du Puy-de-Dôme réclament au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le centre hospitalier de Vichy est condamné à verser à Mme B... et M. D..., pris en leur qualité de représentants légaux de leur fils A..., au titre de l'assistance par tierce personne, une indemnité de 434 038 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2016, ces intérêts étant capitalisés au 6 janvier 2017 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 2 : Le jugement n° 1600017 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 14 décembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier de Vichy versera à Mme B... et M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative une somme de 1 500 euros.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à M. E... D..., à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, au centre hospitalier Jacques Lacarin de Vichy.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.
La rapporteure,
I. Boffy
Le président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY03523
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