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15/05/2025 | FRANCE | N°24LY02112

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 15 mai 2025, 24LY02112


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



1°) Sous le n° 2309962, M. B... E... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 24 octobre 2023 par lesquelles la préfète du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a désigné le pays de renvoi.



2°) Sous le n° 2309965, Mme A... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon

d'annuler les décisions du 24 octobre 2023 par lesquelles la préfète du Rhône lui a refusé la délivrance d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1°) Sous le n° 2309962, M. B... E... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 24 octobre 2023 par lesquelles la préfète du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a désigné le pays de renvoi.

2°) Sous le n° 2309965, Mme A... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 24 octobre 2023 par lesquelles la préfète du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a désigné le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2309962-2309965 du 28 juin 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2024, M. B... E... C... et Mme A... D... épouse C..., représentés par la SELARL BS2A Bescou - Sabatier avocats associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2309962-2309965 du 28 juin 2024 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 24 octobre 2023 par lesquelles la préfète du Rhône leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a désigné le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de leur délivrer à chacun un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut de réexaminer leur situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à leur conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. et Mme C... soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il omet de répondre à leurs conclusions tendant à la production du dossier médical détenu par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- il appartiendra à la cour de demander à l'OFII la production de ce dossier médical ;

- les décisions ne sont pas motivées et sont entachées d'erreur de droit dès lors qu'elles n'examinent pas l'intérêt supérieur de leur enfant au sens de l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- les refus de séjour ont été décidés sans examen de leur situation ; ils méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien ; ils méconnaissent l'intérêt supérieur de leur enfant au sens de l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant ; il sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle et dans l'exercice du pouvoir de régularisation ;

- les obligations de quitter le territoire français sont illégales en conséquence de l'illégalité des refus de séjour ; elles méconnaissent le droit au séjour qu'ils tiennent de l'article 7 bis, h) de l'accord franco-algérien compte tenu de leur durée de résidence régulière et ininterrompue en France ; elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elles méconnaissent l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- la décision désignant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.

La préfète du Rhône, régulièrement mise en cause, n'a pas produit.

Par décision du 11 septembre 2024, M. et Mme C... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C..., ressortissants algériens nés respectivement le 15 novembre 1977 et le 14 mai 1988, ont demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 24 octobre 2023 par lesquelles la préfète du Rhône leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a désigné le pays de renvoi. Par le jugement attaqué du 28 juin 2024, le tribunal a rejeté ces demandes.

Sur la régularité du jugement :

2. Le juge administratif n'est pas tenu, à peine d'irrégularité de sa décision, de viser des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de produire dans l'instance, dans le cadre de l'instruction de l'affaire, diverses pièces, ni d'indiquer les motifs pour lesquels il a ou non décidé de procéder à une telle mesure d'instruction.

3. Les requérants font valoir qu'ils ont invité le tribunal à demander la production du dossier médical de leur fille détenu par les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Le tribunal administratif, qui dirige seul l'instruction, a pu estimer que cette production n'était pas utile en l'espèce et il n'était pas tenu de répondre aux conclusions tendant à ce que soit ordonnée la production dont il s'agit. Le moyen tiré de l'omission à statuer sur ces prétendues conclusions avant-dire droit doit dès lors être écarté.

Sur la légalité des refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, les requérants ont sollicité la délivrance de titres de séjour sur le fondement de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien susvisé, en faisant valoir l'état de santé de leur fille mineure, née en 2016. Si, conformément aux stipulations de l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant, il appartient à l'autorité préfectorale de prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant pour toutes les décisions qui le concernent, y compris celles qui, sans régler sa situation personnelle, ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, sa situation, ce dernier article n'était pas en l'espèce le fondement des demandes de séjour formées par M. et Mme C.... Ainsi, la préfète du Rhône, qui a au demeurant visé la convention relative aux droits de l'enfant et n'a pas refusé de tenir compte de son intérêt supérieur, n'était pas tenue d'examiner spécialement et expressément l'existence d'un droit au séjour sur le seul fondement de l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant. Les moyens tirés du défaut de motivation et de l'erreur de droit doivent en conséquence être écartés.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de la teneur même de la décision que la préfète du Rhône n'a pas omis d'examiner la situation de M. et Mme C....

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... sont nés en Algérie respectivement le 15 novembre 1977 et le 14 mai 1988 et qu'ils sont de nationalité algérienne. Ils se sont mariés en Algérie le 17 décembre 2015 et leur fille y est née le 2 décembre 2016. Ils sont entrés en France le 8 avril 2018 sous couvert de visas de court séjour. Ils ont obtenu la délivrance de titres de séjour, renouvelés du 2 septembre 2019 au 9 novembre 2022, en raison de l'état de santé de leur fille. Compte tenu des soins qui ont été prodigués à celle-ci, son état de santé s'est amélioré et il ressort de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, que la préfète du Rhône a produit en première instance, qu'un défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entrainer de conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'enfant, de telle sorte que cet état de santé n'impose plus la prolongation du droit au séjour de ses parents. M. et Mme C..., dont la présence en France demeure récente, ne justifient pas d'attaches familiales en France ni n'établissent une insertion sociale ou professionnelle ancrée dans la durée sur le territoire français. Rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer en Algérie, dont tous ses membres ont la nationalité. Eu égard à l'amélioration de l'état de santé de leur enfant ainsi qu'à la durée et aux conditions du séjour en France de M. et Mme C..., la préfète du Rhône n'a dès lors pas méconnu leur droit au respect de leur vie privée et familiale en leur refusant le séjour, au regard des buts que ces décisions poursuivent. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent, en conséquence, être écartés. Compte tenu de ce qui vient d'être indiqué sur la situation, en particulier médicale, de l'enfant mineure des requérants et alors que rien ne fait notamment obstacle à ce qu'elle puisse continuer en Algérie la scolarité amorcée en France, la préfète du Rhône n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de cette enfant au sens de l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant. Enfin, la préfète du Rhône, compte tenu des éléments qui viennent d'être exposés, n'a pas entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de M. et Mme C... ni d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit sur la légalité des décisions portant refus de séjour que M. et Mme C... ne sont pas fondés à exciper de leur illégalité.

8. En deuxième lieu, la préfète du Rhône, si elle était tenue de prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant de M. et Mme C..., n'était pas tenue de motiver spécialement ses décisions sur ce point, l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant n'étant pas la base légale des décisions d'éloignement. Les moyens tirés de l'erreur de droit et du défaut de motivation doivent en conséquence être écartés.

9. En troisième lieu, en l'absence d'argument spécifique, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les motifs qui ont été exposés au point 6.

10. En quatrième lieu, d'une part, lorsque la loi ou une convention bilatérale prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français.

11. D'autre part, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) / Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit (...) : / (...) / h) Au ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une validité d'un an portant la mention "vie privée et familiale", (...) lorsqu'il justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France (...) ". Il ressort des termes mêmes de ces stipulations que l'algérien titulaire d'un certificat de résidence d'un an a droit à un certificat de résidence valable dix ans, sauf si sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public, dès lors notamment qu'il est en mesure de justifier de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France, et ce quel que soit le fondement du titre de séjour sous le couvert duquel il a résidé en France pendant ces cinq années.

12. Si, ainsi qu'il a été dit précédemment, M. et Mme C... ont chacun obtenu la délivrance d'un titre de séjour le 2 septembre 2019, ils ne peuvent justifier de cinq années de résidence régulière ininterrompue à compter de cette date et jusqu'au jour des mesures d'éloignement en litige, qui ont été adoptées le 24 octobre 2023, soit au terme d'un délai de moins de cinq ans. Ils ne sont dès lors pas fondés à soutenir que la préfète du Rhône aurait méconnu un droit au séjour qu'ils tiendraient des stipulations précitées de l'article 7 bis, h) de l'accord franco-algérien.

Sur la légalité de la fixation du délai de départ volontaire :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit sur la légalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français que M. et Mme C... ne sont pas fondés à exciper de leur illégalité.

14. En deuxième lieu, la préfète du Rhône, si elle était tenue de prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant de M. et Mme C..., n'était pas tenue de motiver spécialement ses décisions sur ce point, l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant n'étant pas la base légale des décisions fixant le délai de départ volontaire. Les moyens tirés de l'erreur de droit et du défaut de motivation doivent en conséquence être écartés.

Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi :

15. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit sur la légalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français que M. et Mme C... ne sont pas fondés à exciper de leur illégalité.

16. En deuxième lieu, la préfète du Rhône, si elle était tenue de prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant de M. et Mme C..., n'était pas tenue de motiver spécialement ses décisions sur ce point, l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant n'étant pas la base légale des décisions désignant le pays de renvoi. Les moyens tirés de l'erreur de droit et du défaut de motivation doivent en conséquence être écartés.

17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit utile de procéder à la mesure d'instruction demandée par M. et Mme C..., qu'ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... C... et Mme A... D... épouse C..., ainsi qu'au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président-assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

B. Berger

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02112


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02112
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-15;24ly02112 ?
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