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15/05/2025 | FRANCE | N°24LY02032

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 15 mai 2025, 24LY02032


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. K... Comte, agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de son fils mineur E... Comte, M. D... Comte, M. F... Comte, Mme I... H... épouse G..., M. A... G... et M. C... G..., agissant tous en leur nom propre et en qualité d'ayants droit de Mme J... G... épouse Comte, ont demandé au tribunal administratif de Dijon, de condamner le centre hospitalier de Nevers, ou subsidiairement l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affecti

ons iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à leur verser, en réparation des ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K... Comte, agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de son fils mineur E... Comte, M. D... Comte, M. F... Comte, Mme I... H... épouse G..., M. A... G... et M. C... G..., agissant tous en leur nom propre et en qualité d'ayants droit de Mme J... G... épouse Comte, ont demandé au tribunal administratif de Dijon, de condamner le centre hospitalier de Nevers, ou subsidiairement l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à leur verser, en réparation des préjudices résultant du décès de Mme J... Comte, les sommes respectives de :

- 52 096 euros en leur qualité d'ayants droit de Mme J... Comte,

- 225 531,50 euros à M. K... Comte,

- 33 037,76 euros à E... Comte,

- 22 403,67 euros à M. D... Comte,

- 24 905,88 euros à M. F... Comte,

- 14 000 euros à Mme I... G...,

- 14 000 euros à M. A... G...,

- et 3 600 euros à M. C... G...,

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Côte-d'Or a présenté des conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier de Nevers à lui verser la somme de 6 343,71 euros, outre l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 2101989 du 17 mai 2024, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier de Nevers à verser les sommes de :

- 14 444,80 euros aux ayants droit de Mme J... Comte,

- 217 931,45 euros à M. K... Comte,

- 28 284 euros à E... Comte,

- 19 596,40 euros à M. F... Comte,

- 16 436,80 euros à M. D... Comte,

- 2 400 euros à Mme I... G...,

- 2 400 euros à M. A... G...,

- 2 400 euros à M. C... G...,

- et 1 361,81 euros à la CPAM de la Côte-d'Or, outre 453,94 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire enregistrée le 17 juillet 2024, ensemble un mémoire ampliatif enregistré le 3 septembre 2024, le centre hospitalier de Nevers, représenté par le cabinet Le Prado et Gilbert, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101989 du 17 mai 2024 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de réduire les montants alloués aux consorts Comte-G... ;

3°) de rejeter les conclusions de la CPAM de la Côte-d'Or.

Le centre hospitalier de Nevers soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- les sommes allouées au titre du préjudice économique de M. K... Comte et de ses enfants sont excessives, en raison d'une erreur sur les revenus de M. Comte et sur la part d'autoconsommation de Mme Comte, ainsi que de l'absence de prise en compte du capital décès versé et des revenus propres des enfants ;

- les sommes allouées au titre du préjudice économique n'auraient pas dû être capitalisées et le taux de capitalisation retenu n'est pas pertinent ;

- c'est à tort que le tribunal a mis à sa charge le remboursement à la caisse du capital décès, qui aurait dû être déduit du préjudice économique précité et pris en compte dans ce poste ;

- les souffrances endurées par Mme Comte avant son décès ont été évaluées de façon excessive.

Par un mémoire enregistré le 26 juillet 2024, M. K... Comte a été désigné représentant unique des consorts Comte-G....

Par un mémoire en défense enregistré le 7 novembre 2024, M. K... Comte, agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de son fils mineur E... Comte, M. D... Comte, M. F... Comte, Mme I... H... épouse G..., M. A... G... et M. C... G..., agissant tous en leur nom propre et en qualité d'ayants droit de Mme J... G... épouse Comte, représentés par la SELAS Dante agissant par Me Joseph-Oudin, concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre incident à ce que les sommes que le centre hospitalier de Nevers a été condamné à leur verser en réparation des préjudices résultant du décès de Mme J... Comte, soient portées aux montants respectifs de :

- 32 444,80 euros pour les sommes allouées en leur qualité d'ayants droit de Mme J... Comte,

- 363 199,38 euros pour les sommes allouées à M. K... Comte,

- 37 742,30 euros pour les sommes allouées à E... Comte,

- 18 598,72 euros pour les sommes allouées à M. D... Comte,

- et 23 102,97 euros pour les sommes allouées à M. F... Comte ;

3°) à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Nevers sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les consorts Comte-G... soutiennent que :

- c'est à juste titre que le tribunal a retenu la responsabilité partielle du centre hospitalier ;

- les montants qui leur ont été alloués au titre des chefs de préjudice contestés par le centre hospitalier ne sont pas excessifs ;

- les sommes allouées au titre des souffrances endurées par Mme Comte et au titre du préjudice économique de son mari et de ses enfants doivent être majorées ;

- le préjudice économique doit être indemnisé sous forme de capital et non de rente, en utilisant un barème de capitalisation adéquat ;

- pour tous les autres chefs de préjudice ils ne contestent pas l'évaluation faite par le tribunal.

Un mémoire complémentaire, présenté pour le centre hospitalier de Nevers et enregistré le 20 novembre 2024, n'a pas été communiqué en l'absence d'éléments nouveaux.

Par ordonnance du 23 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 25 novembre 2024 à 16h30.

Un mémoire en défense, produit pour la CPAM de la Côte-d'Or et enregistré le 7 avril 2025 après clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.

Un courrier contenant des éléments complémentaires produit pour les consorts Comte et enregistré le 11 avril 2025 après clôture de l'instruction n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale, ensemble l'arrêté du 23 décembre 2024 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2025 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme J... Comte, née le 5 août 1976, a été opérée le 14 février 2017 pour hystérectomie totale et salpingectomie bilatérale. Les suites de l'intervention ont été marquées par une complication, qui a conduit à sa prise en charge au service des urgences du centre hospitalier de Nevers dans la nuit du 16 au 17 février. Elle a été renvoyée chez elle au bout de quelques heures. Elle y est décédée le 20 février. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier à indemniser M. K... Comte, mari de la patiente, leurs trois enfants, D..., F... et E..., nés respectivement en 2000, 2004 et 2015, ainsi que M. A... G... et Mme I... G..., parents de la patiente, et son frère, M. C... G..., et enfin la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Côte d'Or. Les données médicales sont en particulier éclairées par une expertise diligentée le 17 avril 2018 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny, confiée à une praticienne hospitalière en médecine interne assistée de deux sapiteurs gynécologue et urgentiste, et achevée le 18 novembre 2020.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de Nevers, le jugement est régulièrement motivé.

Sur le principe et l'étendue de la responsabilité :

3. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise judiciaire que l'indication opératoire d'hystérectomie totale avec salpingectomie bilatérale a été définie par le praticien libéral qui suivait Mme Comte sans examens préalables suffisants, sur le fondement d'un diagnostic erroné. Le carcinome épidermoïde infiltrant peu différencié du col utérin dont elle était atteinte, qui avait atteint au moins le grade T2 a2, n'avait pas été identifié en raison de la carence d'examens, et sa présence déconseillait à ce stade l'intervention dont Mme Comte a fait l'objet le 14 février 2020. L'intervention, non justifiée, a été suivie d'une complication grave sous la forme d'un hydrothorax bilatéral compressif acquis après coelioscopie. La prise en charge de la patiente par le service des urgences du centre hospitalier de Nevers, dans la nuit du 16 au 17 février, alors qu'elle ressentait les symptômes de la complication grave qui a entrainé son décès, a été également défaillante. La complication, rare mais connue, dont elle était atteinte, qui s'aggravait progressivement, n'a pas été identifiée en l'absence fautive d'examens suffisants et elle a été renvoyée chez elle avec un pronostic rassurant et un simple traitement antalgique. Le tribunal a jugé que le décès de Mme Comte, d'un arrêt cardio-respiratoire consécutif à l'hydrothorax devenu massif, est notamment imputable à la faute du centre hospitalier dans la limite de 40 %. Ces points ne sont pas contestés en appel.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les souffrances endurées par Mme Comte avant son décès :

4. Il résulte de l'analyse circonstanciée de l'expert judiciaire que Mme Comte a été atteinte d'un hydrothorax bilatéral compressif acquis après coelioscopie, qui a notamment entrainé un écrasement progressif des poumons et provoqué de très violentes douleurs, que l'expert évalue au taux particulièrement important de 7/7. Cette complication n'ayant pas été prise en charge, le phénomène de compression s'est progressivement aggravé, sur plusieurs jours, jusqu'au décès. Ses ayants-droit font en outre valoir qu'aux douleurs physiques majeures se sont ajoutées des douleurs morales, du fait de la conscience durant cette longue période d'agonie d'une espérance de vie réduite, ces douleurs morales étant en outre aggravées par la conscience du très jeune âge des enfants du couple. Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation des souffrances physiques et morales particulièrement intenses endurées par Mme Comte avant son décès en les évaluant en l'espèce au montant de 60 000 euros. Compte tenu de la part de responsabilité du centre hospitalier limitée à 40 %, il devra verser à ce titre aux ayants droit de Mme Comte la somme de 24 000 euros.

En ce qui concerne le préjudice économique du mari et des trois enfants de Mme Comte :

5. Le préjudice économique subi par une personne du fait du décès de son conjoint ou de l'un de ses parents est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à son entretien, compte tenu le cas échéant de ses propres revenus. Il appartient au juge d'évaluer les revenus que percevait le foyer avant le décès, de déduire de ce montant la part de ces revenus correspondant à la consommation personnelle du défunt et de comparer le solde aux revenus perçus par chacun des membres du foyer après le décès. S'agissant d'un enfant mineur au moment du décès, l'existence d'un préjudice doit être retenue jusqu'au moment où il résulte de l'instruction qu'il aurait quitté le foyer, alors même que ce départ serait postérieur à sa majorité.

6. Tout d'abord, il résulte de l'instruction et notamment de l'avis d'imposition 2017 portant sur les revenus de l'année 2016 que, dans l'année qui a précédé le décès, le foyer a perçu un montant total de revenus bruts de 13 068 euros, correspondant aux revenus salariaux de Mme Comte, qui exerçait l'activité d'aide médico-psychologique dans une clinique privée en contrat à durée indéterminée, ainsi qu'à un euro de revenus de capitaux mobiliers imposables. Si M. Comte indique avoir exercé pour sa part une activité indépendante, les avis d'imposition produits depuis 2012 ne font apparaitre de revenus propres à son nom que pour l'année 2011. S'il produit des relevés de déclarations sociales des indépendants pour les années 2014 à 2017, celles-ci ne font état que de chiffres d'affaires, et non de bénéfices qui seraient seuls constitutifs de revenus. En revanche, il expose qu'il était auto-entrepreneur bénéficiant du régime du prélèvement libératoire tel qu'il est défini par l'article 151-0 du code général des impôts. Les relevés de l'URSSAF qu'il produit font à cet égard état de revenus, pour les années 2014, 2015 et 2016, à hauteur des montants respectifs de 14 798 euros, 25 661 euros et 13 387 euros, soit un revenu moyen qui doit être évalué à 17 948,67 euros ainsi que M. Comte le fait lui-même valoir. Les revenus du foyer avant le décès doivent ainsi être évalués à 31 016,67 euros.

7. Ensuite, il résulte de l'instruction qu'après le décès de Mme Comte, les revenus du foyer étaient ramenés à 17 949,67 euros en raison de la perte des salaires de Mme Comte mais du maintien des revenus d'activité de M. Comte dont il ne résulte pas de l'instruction que les conditions d'exercice auraient été affectées, ainsi que d'un montant symbolique de revenus de capitaux mobiliers. Aucun élément ne permet notamment d'établir que M. Comte n'aurait plus disposé du revenu moyen d'activité qui a été évoqué au point précédent, la nature indépendante de cette activité expliquant des variations conjoncturelles, mais les montants de revenus sur plusieurs années après le décès de son épouse confirmant le maintien de ses revenus d'activité sans baisse. En évaluant, compte tenu du montant limité de revenus et du nombre de membres du foyer, la part de consommation propre de Mme Comte à 15 %, la perte annuelle globale pour les autres membres du foyer est ainsi de 8 414,50 euros. Il résulte toutefois de l'instruction que le préjudice a été partiellement réduit du fait du versement à M. Comte d'une pension de réversion ARRCO d'un montant mensuel de 107,97 euros, soit un montant annuel de 1 295,64 euros. La perte restée à la charge des membres du foyer est donc d'un montant annuel global de 7 118,86 euros. Il résulte par ailleurs de l'état des débours produit par la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or qu'elle a versé un capital décès de 3 404,53 euros. Ce capital décès a été versé en une fois et ne constitue pas un revenu pérenne du foyer, mais a pour objet de couvrir le préjudice économique du conjoint survivant et devra dès lors être déduite du préjudice resté à la charge de celui-ci.

8. En revanche, s'il résulte de l'instruction que l'un des fils de M. Comte a perçu des revenus d'activité en 2018 et en 2021, ainsi que le fait valoir le centre hospitalier, la circonstance qu'il a dû développer de façon anticipée une certaine activité professionnelle dans les suites du décès de sa mère et dans un contexte de réduction des revenus du foyer, ne constitue pas une réparation du préjudice économique lié à ce décès et ces revenus n'ont dès lors pas à être pris en compte pour évaluer le préjudice économique indemnisable des membres du foyer.

9. Enfin, il résulte de l'instruction que les enfants de M. Comte, nés respectivement les 13 février 2000 pour D..., 13 janvier 2004 pour F... et 29 mars 2015 pour E..., avaient normalement vocation à pouvoir rester dans le cadre du foyer jusqu'à leur vingt-cinquième anniversaire, si le décès de leur mère ne les avait pas conduits à réorganiser leurs existences. La période d'indemnisation courra ainsi jusqu'à cet âge de 25 ans pour chacun des enfants du couple. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la situation du foyer, le préjudice économique doit être regardé comme ayant affecté M. Comte à hauteur de 40 % et ses trois enfants chacun à hauteur de 20 %. Après le 25ème anniversaire de M. D... Comte, ce préjudice affecte M. Comte à hauteur de 50 % et chacun de ses deux enfants restés au foyer à hauteur de 25 %. Enfin, après le 25ème anniversaire de M. F... Comte, ce préjudice affectera M. Comte à hauteur des deux tiers et son fils E... à hauteur d'un tiers.

10. D'une part, compte tenu de ce qui a été exposé dans les points 5 à 9 qui précèdent, pour les montants échus à la date du présent arrêt, M. D... Comte a atteint l'âge de 25 ans le 13 février 2025. Le préjudice économique, dont le montant annuel total pour le foyer a été exposé au point 7, se répartit ainsi entre M. Comte et ses trois enfants pour la période allant du mois de mars 2017 inclus à février 2025 inclus, soit 8 ans. De mars à mai 2025 inclus, ce dernier mois étant celui durant lequel est rendu le présent arrêt, ce préjudice se répartit entre M. Comte et ses deux enfants les plus jeunes. Enfin, il y a en outre lieu de déduire des montants de préjudice de M. K... Comte le capital décès évoqué au point 7. Les montants échus sont ainsi de 19 969,06 euros pour M. K... Comte, 11 390,18 pour M. D... Comte, 11 686,80 euros pour M. F... Comte et 11 686,80 euros pour E... Comte, encore mineur à la date du présent arrêt.

11. D'autre part, s'agissant des préjudices futurs, ils se répartissent, compte tenu de la date du vingt-cinquième anniversaire de M. F... Comte, entre M. Comte et ses deux enfants les plus jeunes de juin 2025 inclus à janvier 2029 inclus. Le montant en est ainsi de 13 051,24 euros pour M. Comte et 6 525,62 pour chacun des deux enfants restant au foyer. A compter de février 2029 inclus et jusqu'à mars 2040 inclus, mois durant lequel E... Comte atteindra l'âge de 25 ans, ce préjudice se répartit entre M. Comte et E... Comte. Celui-ci aura 13 ans en février 2029. Le taux de capitalisation jusqu'à 25 ans pour un garçon de 13 ans selon la table stationnaire de capitalisation de la Gazette du Palais dans son édition de 2025 est de 11,597. La part de E..., calculée en appliquant ce taux de capitalisation au tiers du préjudice total, est ainsi de 27 519,14 euros et celle de son père de 55 038,28 euros. Enfin, à compter du mois d'avril 2040, seul M. K... Comte doit être regardé comme subissant encore un préjudice économique indemnisable. Il aura 63 ans en avril 2040. Le taux de capitalisation viagère pour un homme de cet âge selon la table de capitalisation précitée est de 18,844. Son préjudice pour cette dernière période s'élève donc à 134 147,80 euros. Les montants de préjudices économiques futurs sont ainsi de 202 237,32 euros pour M. K... Comte, 6 525,62 euros pour M. F... Comte et 34 044,76 euros pour E... Comte.

12. Il résulte des deux points qui précèdent que les préjudices économiques des membres du foyer s'élèvent à 222 206,38 euros pour M. K... Comte, 11 390,18 pour M. D... Comte, 18 212,42 euros pour M. F... Comte et 45 731,56 euros pour E... Comte. Eu égard à la part de responsabilité du centre hospitalier limitée à 40 %, il devra verser à ce titre les montants respectifs de 88 882,55 euros, 4 556,07 euros, 7 284,97 euros et 18 292,62 euros.

13. Compte tenu des sommes dues par le centre hospitalier, du préjudice resté à la charge de M. K... Comte et du droit de préférence de la victime, les sommes dues par le centre hospitalier doivent être intégralement allouées à M. K... Comte, sans qu'il y ait dès lors lieu d'allouer un montant à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or au titre du capital décès, qui se rattache à l'indemnisation du préjudice économique du conjoint survivant. Par voie de conséquence, aucune somme ne peut davantage être allouée à cette caisse au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

En ce qui concerne l'ensemble des préjudices :

14. En premier lieu, s'agissant des préjudices de Mme Comte entrés dans sa succession et que font valoir ses ayants droit, les montants de 44,80 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et de 400 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, alloués par le tribunal, ne sont pas contestés devant la cour. Eu égard à ce qui a été dit au point 4 sur l'indemnisation des souffrances endurées par Mme B..., la somme due aux ayants droit de Mme Comte par le centre hospitalier s'élève ainsi à 24 444,80 euros.

15. En deuxième lieu, s'agissant des préjudices du mari et des trois enfants de Mme Comte, les montants de 576 euros à M. K... Comte au titre d'une assistance à expertise, de 1 192,96 euros à M. K... Comte au titre des frais d'obsèques, et enfin de 10 120 euros à M. K... Comte et à chacun des trois enfants du couple au titre du préjudice moral et du préjudice d'accompagnement, alloués par le tribunal, ne sont pas contestés devant la cour. Eu égard à ce qui a été dit au point 12 sur le préjudice économique des membres du foyer, les sommes dues par le centre hospitalier à M. K... Comte, M. D... Comte, M. F... Comte et E... Comte s'élèvent ainsi aux montants respectifs de 100 771,51 euros, 14 676,07 euros, 17 404,97 euros et 28 412,62 euros.

16. En troisième lieu, l'indemnisation des préjudices des parents et du frère de Mme Comte n'est pas contestée devant la cour.

17. En quatrième lieu, s'agissant des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or, il résulte de ce qui a été exposé au point 13 qu'aucune somme ne doit lui être allouée.

Sur la prise en compte d'une indemnisation transactionnelle :

18. La décision du juge administratif ne pouvant avoir pour effet de procurer à la victime une réparation supérieure au montant du préjudice subi, il y a lieu, pour celui-ci, de diminuer la somme mise à la charge de l'hôpital dans la mesure requise pour éviter que le cumul de cette somme et des indemnités que la victime a pu obtenir devant d'autres juridictions, ou dans un cadre transactionnel par un coresponsable, excède le montant total des préjudices ayant résulté, pour elle, de la faute de ce coresponsable et des conditions de sa prise en charge par l'hôpital.

19. Les consorts Comte produisent les textes de protocoles transactionnels qui prévoient le versement, par l'assureur du praticien libéral qui a suivi Mme Comte, posé l'indication opératoire et réalisé l'intervention qui est la cause du décès de Mme Comte, des sommes respectives de 48 129,60 euros pour les ayants droit de Mme Comte, 304 554,73 euros pour M. K... Comte, 24 382,42 euros pour M. D... Comte, 29 264,84 euros pour M. F... Comte, et 43 899,90 euros pour M. E... Comte. Toutefois, la seule production de projets non signés n'établit pas l'existence effective de transactions régulièrement conclues, qui n'est d'ailleurs pas invoquée. Il n'y a dès lors pas lieu de tenir compte de ces montants pour fixer les indemnisations en litige.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Nevers est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon l'a condamné à indemniser la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or et n'a pas limité les sommes qu'il a été condamné à verser à MM. K..., D... et F... Comte aux montants respectifs de 100 771,51 euros, 14 676,07 euros, 17 404,97 euros. En revanche, les ayants droit de Mme Comte et E... Comte sont pour leur part fondés à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal n'a pas porté les sommes que le centre hospitalier a été condamné à leur verser aux montants respectifs de 24 444,80 euros et 28 412,62 euros.

Sur les frais de l'instance :

21. Le centre hospitalier ne pouvant être regardé comme partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, les conclusions dirigées contre lui sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier de Nevers est condamné à verser aux ayants droit de Mme J... G... épouse Comte la somme de 24 444,80 euros.

Article 2 : Le centre hospitalier de Nevers est condamné à verser à M. K... Comte la somme de 100 771,51 euros.

Article 3 : Le centre hospitalier de Nevers est condamné à verser à M. D... Comte la somme de 14 676,07 euros.

Article 4 : Le centre hospitalier de Nevers est condamné à verser à M. F... Comte la somme de 17 404,97 euros.

Article 5 : Le centre hospitalier de Nevers est condamné à verser à M. E... Comte la somme de 28 412,62 euros.

Article 6 : Les articles 1er à 5 du jugement n° 2102989 du 17 mai 2024 du tribunal administratif de Dijon sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 7 : L'article 9 du jugement n° 2102989 du 17 mai 2024 du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 8 : Les conclusions présentées par les consorts Comte sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Nevers, à M. K... Comte représentant unique des consorts Comte-G... et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président-assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

B. Berger

La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02032


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02032
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : DANTE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-15;24ly02032 ?
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