Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 28 mars 2023 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a prononcé son expulsion du territoire français et a désigné la République démocratique du Congo comme pays de renvoi.
Par un jugement n° 2301470 du 18 juin 2024, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 15 août 2024, M. B..., représenté par Me Bangaguere, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- il a méconnu l'article L.423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est parent d'un enfant français ;
- il a méconnu les articles L. 631-1 à L. 631-3 du même code dans la mesure où sa présence sur le territoire français ne constitue plus une menace pour l'ordre public ;
- il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il a méconnu les articles L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de l'Yonne qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Soubié, première conseillère,
- et les observations de Me Bangaguere, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, est entré en France en 2002 à l'âge de 29 ans et a obtenu à plusieurs reprises un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français pendant la période d'août 2006 à octobre 2014. Le 20 décembre 2018, la cour d'assises de Seine-et-Marne l'a condamné à une peine de treize années de réclusion criminelle. Le 9 octobre 2020, il a déposé une demande de carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 28 mars 2023, le préfet de l'Yonne a rejeté sa demande, a prononcé son expulsion du territoire français et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement dont il relève appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. Si M. B... ne partage pas l'opinion que préfet de l'Yonne a porté sur sa situation et la menace à l'ordre public au regard des condamnations pénales dont il a fait l'objet, il n'en résulte pas un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé, dont notamment le contexte familial est décrit avec précision.
3. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Pour l'application de ces dispositions, doit être regardé comme contribuant effectivement à l'entretien de son enfant, le père ou la mère qui a pris les mesures nécessaires, compte tenu de ses ressources, pour assurer cet entretien.
4. Comme indiqué au point 1, M. B... a bénéficié pendant plusieurs années de titres de séjour en qualité de parent d'enfant français. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de l'historique des parloirs et des appels téléphoniques qu'il a passés en détention et des justificatifs des sommes qu'il a perçues de l'administration pénitentiaire en rémunération de son travail, que, depuis son incarcération, il aurait contribué à l'entretien et à l'éducation de ses enfants français depuis au moins deux ans à la date de l'arrêté contesté. Par suite, le préfet de l'Yonne n'a pas méconnu l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Eu égard à ce qui est dit au point précédent et à la condamnation de M. B... à la peine définitive de treize années de réclusion criminelle pour des faits de viols répétés sur l'enfant de l'une de ses compagnes, alors âgée de douze ans et sur laquelle il exerçait l'autorité parentale, le préfet de l'Yonne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte excédant ce qui est nécessaire à la défense de l'ordre public, ni méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants, protégé par le 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
6. Aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3. ". Aux termes de l'article L. 631-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que l'article L. 631-3 n'y fasse pas obstacle : / 1° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; / (...) / 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans (...) / Par dérogation au présent article, l'étranger mentionné aux 1° à 4° peut faire l'objet d'une décision d'expulsion en application de l'article L. 631-1 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans. / (...). ". Aux termes de l'article L. 631-3 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : / (...) ; / 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; / (...). / La circonstance qu'un étranger mentionné aux 1° à 5° a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ne fait pas obstacle à ce qu'il bénéficie des dispositions du présent article. Par dérogation au présent article, l'étranger mentionné aux 3° et 4° peut faire l'objet d'une décision d'expulsion en application des articles L. 631-1 ou L. 631-2 lorsque les faits à l'origine de la décision d'expulsion ont été commis à l'encontre de son conjoint ou de ses enfants ou de tout enfant sur lequel il exerce l'autorité parentale. ".
7. Si les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné à plusieurs reprises entre 2014 et 2018, outre à treize ans d'emprisonnement avec obligation de soins qui devra se poursuivre pendant deux ans après la fin de sa détention prévue le 2 août 2026, pour des faits de vol et d'escroquerie. Ces faits, compte tenu de leur gravité et de leur caractère réitéré, étaient de nature à justifier légalement son expulsion et le préfet pouvait déroger aux articles L. 631-2 et L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de ce que les faits à l'origine de son expulsion et de sa condamnation définitive à une peine d'emprisonnement de treize ans ont été commis sur un enfant.
8. En se bornant à faire état d'un rapport d'un groupe d'expert de l'Organisation des Nations Unies sur la situation en République démocratique du Congo publié en juin 2023, M. B... n'établit pas que le préfet de l'Yonne aurait méconnu les articles L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui prohibent l'éloignement d'un ressortissant étranger vers un Etat où sa vie est menacée.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Sa requête doit par conséquent être rejetée, en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
M. Moya, premier conseiller,
Mme Soubié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 mai 2025.
La rapporteure,
A.-S. SoubiéLa présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY02426
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