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09/05/2025 | FRANCE | N°24LY01429

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 09 mai 2025, 24LY01429


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. et Mme C... et B... A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016, ainsi que des majorations correspondantes.



Par un jugement n° 2202240 du 19 mars 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour



Par u

ne requête enregistrée le 17 mai 2024, M. et Mme A..., représentés par Me Kriegk et Me Duquaire, demandent à la cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... et B... A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 2202240 du 19 mars 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 mai 2024, M. et Mme A..., représentés par Me Kriegk et Me Duquaire, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires et des majorations correspondantes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la procédure de visite et de saisie mise en œuvre est irrégulière en ce que les agents de la brigade d'intervention interrégionale de Lyon ont manqué à leur devoir de loyauté ;

- la société Hans Erick Wallenberg et Associates Sia, qui leur versait des salaires, avait son siège et une activité propre en Lettonie et n'était pas dirigée depuis la France ;

- les impositions supplémentaires procédant des revenus distribués par la SARL LNVA doivent être déchargées par voie de conséquence de la décharge des impositions supplémentaires de cette société ;

- dès lors que le montant des crédits sur leurs comptes bancaires n'était pas deux fois supérieur à celui des revenus déclarés, l'administration n'était pas fondée à leur adresser une demande d'éclaircissement puis une mise en demeure ;

- les sommes versées en espèces sur les comptes bancaires de Mme A... provenaient des versements effectués par son ex-mari à la suite du jugement de divorce du 21 juin 2012 et de dons effectués par ses parents ; les sommes versées en espèces sur ses comptes lettons ne peuvent être remis en cause dès lors que les dispositions du code monétaire et financier ne s'appliquent pas aux transactions effectuées à l'étranger ; les sommes versées en espèces sur les comptes bancaires de M. A... correspondent pour partie à des remboursements des sommes qu'il avait prêtées à une tierce personne ; par ailleurs M. A..., frappé d'une interdiction bancaire, était contraint d'effectuer les transactions de sa vie courante en espèces ; les sommes créditées sur leurs comptes bancaires ne constituent donc pas des revenus imposables ;

- les rectifications n'étant pas fondées, les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 novembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Lettonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 14 avril 1997 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Moya, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2014 à 2016. A l'issue de ce contrôle, ils ont été assujettis au titre de ces trois années à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant, en premier lieu, de salaires et de revenus fonciers qu'ils n'avaient pas mentionnés sur leurs déclarations de revenus, en deuxième lieu, de revenus distribués par la SARL LNVA et, en troisième lieu, de la taxation d'office, au titre des années 2014 et 2015, de sommes créditées sur leurs comptes bancaires regardées comme des revenus d'origine indéterminée en application des dispositions combinées des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été assorties, outre d'intérêts de retard, des pénalités pour manquement délibéré prévues au a. de l'article 1729 du code général des impôts. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 19 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et des majorations correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Il résulte de l'instruction que l'administration a exercé le 12 septembre 2016 le droit de visite et de saisie prévu par les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, qui avait été autorisé par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Saint-Etienne du 8 septembre 2016. Le recours que les requérants ont introduit contre ces opérations de visite et de saisie a été rejeté par une ordonnance du premier président de la cour d'appel de Lyon du 15 février 2017, devenue définitive. La circonstance que les agents de la brigade d'intervention régionale de Lyon auraient tenté de se connecter illégalement à une des messageries utilisées par la société Hans Erick Wallenberg et Associates Sia, qui était dirigée par M. A... et dont il était salarié avec son épouse, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition, dès lors qu'aucun document n'a été saisi à cette occasion, ainsi qu'ils en conviennent.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les salaires imposés en France :

3. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt de rechercher d'abord si l'imposition contestée a été valablement établie au regard de la loi fiscale nationale et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

4. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / (...). ". Aux termes de l'article 4 B du même code dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / (...). ". Pour l'application de ces dispositions, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles.

5. Aux termes de l'article 15 de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Lettonie conclue en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 14 avril 1997 : " 1. (...) les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un Etat contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre Etat contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre Etat. / (...). ".

6. D'une part, il résulte de l'instruction que M. et Mme A... avaient leur foyer en France au titre des années vérifiées. Il en résulte qu'ils étaient imposables en France en raison de l'ensemble de leurs revenus, sauf à ce qu'y fassent obstacle les stipulations de la convention franco-lettone du 14 avril 1997 destinée à prévenir les doubles impositions.

7. D'autre part, en se bornant à soutenir que la société Hans Erick Wallenberg et Associates Sia avait son siège et une activité propre en Lettonie et n'était pas dirigée depuis la France, M. et Mme A... ne justifient ni même n'allèguent qu'ils exerçaient leur emploi en Lettonie. Dans ces conditions, ils ne sont pas fondés à soutenir que les salaires qui leur ont été versés par cette société n'étaient pas imposables en France.

En ce qui concerne les revenus distribués par la SARL LNVA :

8. M. et Mme A... ne peuvent utilement soutenir, compte tenu du principe d'indépendance des procédures, qu'ils doivent être déchargés des impositions supplémentaires résultant des revenus réputés distribués par la SARL LNVA au seul motif que cette dernière a contesté les rectifications qui lui ont été assignées.

En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :

9. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, notamment lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d'au moins 150 000 €. ". Aux termes de l'article L. 69 de ce livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. ".

10. En premier lieu, M. et Mme A... n'ayant pas déclaré avant l'année 2016 leurs revenus de source étrangère, ils ne sont pas fondés à soutenir que l'administration aurait dû tenir compte de leurs revenus déclarés en Lettonie pour apprécier si les montants crédités sur leurs comptes bancaires représentaient au moins le double de leurs revenus déclarés au titre des années 2014 et 2015.

11. En deuxième lieu, si M. et Mme A... soutiennent qu'en ne retenant que leurs revenus déclarés en France, la règle dite du double ne trouvait pas à s'appliquer, il résulte toutefois de l'instruction que le total des sommes créditées sur leurs comptes bancaires au titre des années 2014 et 2015, après neutralisation des virements des opérations de compte à compte, représente plus du double de leurs revenus déclarés.

12. En dernier lieu, M. et Mme A... n'établissent pas que les sommes versées en espèces sur les comptes bancaires de Mme A... proviendraient comme ils l'affirment de son ex-mari à la suite du jugement de divorce du 21 juin 2012 ou de ses parents dans le cadre de dons. Ils ne démontrent pas davantage que les sommes versées en espèces sur les comptes bancaires de M. A... correspondraient pour partie à des remboursements de prêts qu'il aurait consentis à un tiers. En se prévalant de ce que M. A... était interdit bancaire en France, ils ne justifient pas davantage que les sommes versées en espèces sur ses comptes bancaires ne constituaient pas des revenus d'origine indéterminée.

Sur les pénalités :

13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré / (...). ".

14. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les pénalités pour manquement délibéré doivent être déchargées en conséquence de la décharge des impositions supplémentaires litigieuses.

15. Il suit de là que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Leur requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et B... A... et à la ministre chargée des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente de chambre,

M. Moya, premier conseiller,

Mme Soubié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 mai 2025.

Le rapporteur,

P. MoyaLa présidente,

C. Michel

La greffière,

F. Bossoutrot

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N° 24LY01429

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