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06/05/2025 | FRANCE | N°24LY02904

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 06 mai 2025, 24LY02904


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



Mme C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 20 février 2023 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office et de prendre des mesures d'injonction à son encontre.



Par un jugement n° 2301108 du 14 juin 2024, le tribunal a rejeté sa demande.


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Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 octobre 2024 et 25 mars 2025, Mme A.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 20 février 2023 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office et de prendre des mesures d'injonction à son encontre.

Par un jugement n° 2301108 du 14 juin 2024, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 octobre 2024 et 25 mars 2025, Mme A..., représenté par Me Drobniak, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté contesté ;

2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt et, dans l'attente, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour dans le délai de sept jours suivant la notification de cet arrêt et, à titre subsidiaire, et sous les mêmes délais, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'article L. 441-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ; elle est à charge de son enfant français unique depuis son arrivée en France en 2019 et elle en justifie ; elle était donc dispensée de l'obligation de solliciter la délivrance d'une autorisation spéciale ; elle justifie non seulement que son fils subvient financièrement à ses besoins depuis son arrivée en France mais également qu'elle réside à son domicile depuis le 1er septembre 2023 ;

- il y a violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle réside sur le territoire français depuis plus de vingt ans dont trois ans et demi en France métropolitaine ; son fils unique, dont l'assistance est indispensable, l'a prise en charge et elle est suivie médicalement en France ; le centre de gravité de sa vie privée et familiale est en France métropolitaine, où résident son fils, sa belle-fille et ses petits-enfants ; elle n'a aucune attache familiale dans son pays d'origine ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au vu de sa situation personnelle ;

- faute de saisine de la commission du titre de séjour, il y a violation de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la mesure d'éloignement est illégale par voie de conséquence ;

- elle méconnaît son droit à une vie privée et familiale normale ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 août 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Mme A... ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Picard, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante comorienne née en 1972, dont l'entrée à Mayotte remonterait à 2000, et qui s'y maintenait régulièrement depuis 2015 (dernier titre valable jusqu'au 13 juillet 2020), est entrée en France métropolitaine le 29 octobre 2019 et a demandé, le 2 décembre 2019, un titre de séjour mention " vie privée et familiale " en qualité " d'ascendant à charge d'un français " en application de l'article L. 423-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer par un arrêté du 20 février 2023 comportant également une mesure d'éloignement et la fixation du pays de destination. Sa demande d'annulation de cet arrêté a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du14 juin 2024 dont elle relève appel.

Sur le refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 423-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, parent à charge d'un français et de son conjoint, se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans sous réserve de la production du visa de long séjour prévu au 1° de l'article L. 411-1 et de la régularité du séjour. "

3. Aux termes de l'article L. 441-8 du même code : " Sans préjudice des dispositions des articles L. 233-1 et L. 233-2, les titres de séjour délivrés par le représentant de l'État à Mayotte, à l'exception des titres délivrés en application des dispositions des articles L. 233-5, L. 421-11, L. 421-14, L. 421-22, L. 422-10, L. 422-11, L. 422-12, L. 422-14, L. 424-9, L. 424-11 et L. 426-11 et des dispositions relatives à la carte de résident, n'autorisent le séjour que sur le territoire de Mayotte. / Les ressortissants de pays figurant sur la liste, annexée au règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres, qui résident régulièrement à Mayotte sous couvert d'un titre de séjour n'autorisant que le séjour à Mayotte et qui souhaitent se rendre dans un autre département, une collectivité régie par l'article 73 de la Constitution ou à Saint-Pierre-et-Miquelon doivent obtenir une autorisation spéciale prenant la forme d'un visa apposé sur leur document de voyage. Ce visa est délivré, pour une durée et dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, par le représentant de l'État à Mayotte après avis du représentant de l'État du département ou de la collectivité régie par l'article 73 de la Constitution ou de Saint-Pierre-et-Miquelon où ils se rendent, en tenant compte notamment du risque de maintien irrégulier des intéressés hors du territoire de Mayotte et des considérations d'ordre public. / L'autorisation spéciale prenant la forme d'un visa mentionnée au présent article est délivré de plein droit à l'étranger qui demande l'asile lorsqu'il est convoqué par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides pour être entendu. / Les conjoints, partenaires liés par un pacte civil de solidarité, descendants directs âgés de moins de vingt et un ans ou à charge et ascendants directs à charge des citoyens français bénéficiant des dispositions du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatives aux libertés de circulation sont dispensés de l'obligation de solliciter l'autorisation spéciale prenant la forme d'un visa mentionnée au présent article ".

4. Sous la qualification de " visa ", ces dispositions instituent une autorisation spéciale, délivrée par le représentant de l'État à Mayotte, que doit obtenir l'étranger titulaire d'un titre de séjour délivré à Mayotte dont la validité est limitée à ce département, lorsqu'il entend se rendre dans un autre département. La délivrance de cette autorisation spéciale, sous conditions que l'étranger établisse les moyens d'existence lui permettant de faire face à ses frais de séjour et les garanties de son retour à Mayotte, revient à étendre la validité territoriale du titre de séjour qui a été délivré à Mayotte, pour une durée qui ne peut en principe excéder trois mois.

5. Les dispositions de l'article L. 441-8, qui subordonnent ainsi l'accès aux autres départements de l'étranger titulaire d'un titre de séjour délivré à Mayotte à l'obtention de cette autorisation spéciale, font obstacle à ce que cet étranger, s'il gagne un autre département sans avoir obtenu cette autorisation, puisse prétendre dans cet autre département à la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions de droit commun. Lorsqu'il entend se rendre dans un autre département, l'ascendant direct à charge d'un citoyen français est dispensé de l'obligation d'être muni de cette autorisation spéciale.

6. Comme elle l'admet, il n'apparaît pas que Mme A... aurait été à la charge de son fils français avant son entrée sur le territoire métropolitain en octobre 2019. A défaut d'une telle prise en charge, elle n'était pas au nombre des " ascendants directs à charge des citoyens français ", dispensés de l'obligation de solliciter l'autorisation spéciale délivrée par le représentant de l'État à Mayotte. L'intéressée n'est dès lors pas fondée à soutenir que, pour ce motif, le refus de séjour contesté procéderait d'une erreur de droit.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Mme A... fait valoir qu'elle a résidé régulièrement à Mayotte de 2015 à 2019, qu'elle est entrée régulièrement en France métropolitaine le 29 octobre 2019, où se trouvent son fils unique, français, qui subvient à ses besoins, sa belle-fille et son petit-fils, qu'elle n'a aucune attache familiale dans son pays d'origine où ses parents sont décédés et que les troubles du rythme cardiaque, qui nécessitent un pacemaker, la bêta thalassémie et les problèmes d'hypertension artérielle dont elle souffre nécessitent une prise en charge médicale. Toutefois, à la date du refus contesté, l'intéressée, dont la présence sur le territoire était récente, vivait à Clermont--Ferrand chez un cousin de son fils, ce dernier résidant avec sa famille depuis mars 2019 à Aix-Luynes. Par ailleurs, rien au dossier ne permet de dire que l'état de santé de la requérante aurait nécessité une prise en charge médicale dont le défaut aurait eu pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle n'aurait pu bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces circonstances, et même si Mme A..., qui fait notamment état de la disparition de ses parents dans son pays d'origine, a pu bénéficier du soutien de son fils, il n'apparaît pas que le refus de titre de séjour contesté aurait entraîné pour elle une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'autorité préfectorale, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Aucune erreur manifeste d'appréciation au vu de l'atteinte portée à sa situation personnelle ne saurait davantage être retenue.

9. Faute de remplir effectivement l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile Mme A... ne saurait utilement se prévaloir de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour en application de l'article L. 432-13 du même code.

Sur la mesure d'éloignement :

10. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement serait illégale compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.

11. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés plus haut, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée cette mesure.

Sur la décision fixant le pays d'éloignement :

12. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que cette décision serait illégale compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.

13. Si Mme A... a quitté l'Union des Comores il y a plus de vingt ans, il n'apparaît pas que, compte tenu de ce qui a été dit plus haut, cette décision, qui a fixé comme pays de destination l'Union des Comores ou tout pays dans lequel elle serait admissible, procéderait d'une erreur manifeste d'appréciation.

14. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 17 avril 2025 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

Le président, rapporteur,

V-M. Picard

La présidente assesseure,

A. Duguit-Larcher

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02904

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02904
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : DROBNIAK

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;24ly02904 ?
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