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30/04/2025 | FRANCE | N°23LY03699

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 30 avril 2025, 23LY03699


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La région Auvergne-Rhône-Alpes et les communes de Saint-Hilaire (03440) et de Meillers (03170) ont demandé à la cour administrative d'appel de Lyon d'annuler l'arrêté du 24 juin 2021 du préfet de l'Allier accordant à la société Parc éolien du Moulin du bocage une autorisation environnementale pour l'exploitation de cinq aérogénérateurs avec deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Gipcy.



Par un arrêt n° 21LY03407 du 24 novembre 2022, la

cour administrative d'appel de Lyon a rejeté les requêtes de la région et des communes.



Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La région Auvergne-Rhône-Alpes et les communes de Saint-Hilaire (03440) et de Meillers (03170) ont demandé à la cour administrative d'appel de Lyon d'annuler l'arrêté du 24 juin 2021 du préfet de l'Allier accordant à la société Parc éolien du Moulin du bocage une autorisation environnementale pour l'exploitation de cinq aérogénérateurs avec deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Gipcy.

Par un arrêt n° 21LY03407 du 24 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté les requêtes de la région et des communes.

Par une décision n° 470723 du 1er décembre 2023, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt précité en ce qu'il a rejeté comme irrecevable la requête en tant qu'elle émanait des communes de Meillers et de Saint-Hilaire, et a renvoyé l'affaire à la cour dans cette mesure.

Procédure devant la cour

L'affaire ainsi renvoyée a été enregistrée le 4 décembre 2023 sous le n° 23LY03699.

Par deux mémoires enregistrés les 19 décembre 2023 et 17 avril 2024, la société Parc éolien du Moulin du bocage, représentée par Me Gelas, conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que les mesures complémentaires nécessaires soient prescrites et à ce qu'il soit sursis à statuer en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;

3°) à ce que soit mise à la charge des requérantes une somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, faute d'intérêt à agir des requérantes ;

- aucun moyen n'est fondé ;

- il conviendra de prescrire les mesures complémentaires nécessitées et de surseoir à statuer.

Par un mémoire, enregistré le 29 mars 2024, la commune de Saint-Hilaire, représentée par Me Cuzzi, déclare se désister des conclusions de sa requête.

Par un mémoire, enregistré le 29 mars 2024, la région Auvergne-Rhône-Alpes et la commune de Meillers (03170), représentées par Me Cuzzi, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 24 juin 2021 du préfet de l'Allier ;

2°) de mettre à la charge de l'État et de la société Parc éolien du Moulin du bocage une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- leur requête est recevable ;

- l'arrêté méconnaît l'exigence de conformité du projet éolien au règlement national d'urbanisme ;

- le changement de bénéficiaire de l'autorisation environnementale est irrégulier, en méconnaissance des articles R. 181-47 et R. 516-1 du code de l'environnement ;

- le montant des garanties financières fixé par l'autorisation préfectorale dans son article 2.2 est insuffisant au regard de la réglementation en vigueur ;

- le droit d'information et de participation du public a été méconnu en raison de l'insuffisance de la concertation préalable et de l'insuffisance de l'enquête publique ;

- le dossier d'enquête publique était incomplet en l'absence d'avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) ;

- l'arrêté méconnaît les articles R. 111-2, R. 111-26 et R. 111-27 du code de l'urbanisme et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au vu de ces mêmes dispositions ;

- l'arrêté méconnaît l'article L. 411-1 du code de l'environnement en l'absence de dérogation légalement octroyée dans le cadre de l'article L. 411-2 du même code ;

- l'arrêté méconnaît l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme.

Par une ordonnance du 18 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 13 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 11 juillet 2023 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, modifiant notamment l'arrêté du 26 août 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Lordonné, rapporteure publique,

- les observations de Me Cuzzi représentant la région Auvergne-Rhône-Alpes et les communes de Saint-Hilaire et de Meillers ;

- et les observations de Me Boudrot, représentant la société Parc éolien du Moulin du bocage.

Considérant ce qui suit :

1. La société Parc éolien du Moulin du bocage, anciennement dénommée société du parc éolien Nordex 80, a présenté, le 12 décembre 2018, une demande d'autorisation environnementale pour un projet de parc éolien appelé " le Moulin du Bocage ". Par un arrêté du 24 juin 2021, le préfet de l'Allier a délivré à la société Parc éolien du Moulin du bocage une autorisation environnementale pour l'exploitation de cinq aérogénérateurs avec deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Gipcy. La région Auvergne-Rhône-Alpes et les communes de Saint-Hilaire et de Meillers, limitrophes de la commune d'implantation du projet, ont, par une première requête, demandé à la cour administrative d'appel de Lyon d'annuler cet arrêté. Par un arrêt du 24 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la requête de la région et des communes comme irrecevable. Par une décision n° 470723 du 1er décembre 2023, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt précité en tant qu'il a rejeté la requête émanant des communes de Meillers et de Saint-Hilaire et a renvoyé l'affaire à la cour dans cette mesure.

Sur le désistement de la commune de Saint-Hilaire :

2. Par un mémoire enregistré le 29 mars 2024, la commune de Saint-Hilaire a déclaré se désister de sa requête. Ce désistement étant pur et simple, rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

Sur la recevabilité de la requête :

3. En application de l'article R. 181-50 du code de l'environnement, les autorisations environnementales peuvent être déférées à la juridiction administrative " par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 ". Ce dernier article prévoit que : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. II .- L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent également : 1° Le respect des dispositions des articles L. 229-5 à L. 229-17, relatives aux émissions de gaz à effet de serre ; (...) 4° Le respect des conditions, fixées au 4° du I de l'article L. 411-2, de délivrance de la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de cette dérogation ; (...) ". L'article L. 511-1 du même code vise les dangers et inconvénients " soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Pour pouvoir contester une autorisation environnementale, les collectivités territoriales doivent justifier d'un intérêt suffisamment direct et certain leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour elles l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de leur situation, de la configuration des lieux et des compétences que la loi leur attribue.

4. La commune de Meillers fait valoir que le projet litigieux affectera directement la qualité de son environnement et de son cadre de vie comme celle de ses habitants, génèrera des nuisances paysagères, patrimoniales et sonores et aura un impact sur les activités touristiques. A cet effet, la commune mentionne la proximité et la co-visibilité du site d'implantation du projet avec plusieurs monuments historiques et sites inscrits et de la présence de zones naturelles à préserver, dont une zone " Natura 2000 ", susceptibles d'être affectées par le fonctionnement du parc éolien. En particulier, elle se prévaut de la co-visibilité directe du parc éolien projeté avec l'église Saint-Julien, édifice religieux classé ainsi qu'il ressort du guide touristique produit au soutien de sa requête, du caractère remarquable des éléments patrimoniaux constitués par les châteaux de Pravier et des Salles et de la présence de la forêt de Messarges, site " Natura 2000 ", situés à proximité immédiate du secteur d'implantation du projet. En tout état de cause, les risques susceptibles d'être portés au site " Natura 2000 " existant sur son territoire au regard des enjeux inhérents au maintien de la faune aviaire composée d'espèces protégées, des parties agricoles et bocagères, et de la qualité écologique des cours d'eau et des bocages, tout comme la qualité paysagère que ce site présente, ne concernent pas seulement des intérêts privés ou plus étroits que ceux dont la commune de Meillers a la charge. Dans ces conditions, l'atteinte suffisamment directe dont elle se prévaut du fait de l'implantation de cet ouvrage nouveau lui confère un intérêt pour agir donnant qualité pour demander l'annulation de l'autorisation délivrée le 24 juin 2021. En revanche, ainsi que le Conseil d'Etat l'a retenu dans sa décision n° 470723 du 1er décembre 2023, la requête en tant qu'elle émane de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui ne dispose pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, est irrecevable.

5. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société Parc éolien du Moulin du bocage doit être écartée.

Sur la légalité de l'arrêté du 24 juin 2021 du préfet de l'Allier :

6. Il appartient au juge du plein contentieux de l'autorisation environnementale d'apprécier le respect des règles de forme et de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'une telle autorisation relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. Eu égard à son office, le juge peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées. Lorsqu'il relève que l'autorisation environnementale contestée devant lui méconnaît une règle de fond applicable à la date à laquelle il se prononce, il peut, dans le cadre de son office de plein contentieux, lorsque les conditions sont remplies, modifier ou compléter l'autorisation environnementale délivrée afin de remédier à l'illégalité constatée, ou faire application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

Sur l'identification de l'exploitant :

7. Aux termes de l'article L. 181-27 du code de l'environnement : " L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en œuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité. ". Selon l'article D. 181-15-2 du même code : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : / (...) / 3° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir. Dans ce dernier cas, l'exploitant adresse au préfet les éléments justifiant la constitution effective des capacités techniques et financières au plus tard à la mise en service de l'installation. (...) ". Par ailleurs aux termes de l'article R. 181-47 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " I. - Le transfert de l'autorisation environnementale fait l'objet d'une déclaration adressée au préfet par le nouveau bénéficiaire, à l'exception du transfert de l'autorisation accordée aux installations mentionnées à l'article R. 516-1 qui est soumis à autorisation, dans les conditions prévues par cet article. / II. - Cette déclaration est faite dans les trois mois qui suivent ce transfert. Elle mentionne, s'il s'agit d'une personne physique, les nom, prénoms et domicile du nouveau bénéficiaire et, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination ou sa raison sociale, sa forme juridique, l'adresse de son siège social ainsi que la qualité du signataire de la déclaration. Le préfet en accuse réception dans un délai d'un mois. (...) ". L'article L. 516-1 du code de l'environnement dispose que la mise en activité de certaines installations présentant des risques importants de pollution ou d'accident est subordonnée à la constitution de garanties financières, destinées à assurer le maintien en sécurité de l'installation et les interventions éventuelles en cas d'accident avant et après la fermeture, ainsi que la réhabilitation du site postérieurement à celle-ci. L'article R. 516-1 du code de l'environnement définit les installations dont la mise en activité est subordonnée à l'existence de garanties financières.

8. Contrairement à ce qui est soutenu, les changements de dénomination de la société porteuse du projet et de l'exploitant technique sont sans influence sur l'identité de la personne morale bénéficiaire de l'autorisation et ne constituent pas un changement de bénéficiaire au sens de l'article L. 181-15 du code de l'environnement. En outre, ces éléments ont été mentionnés dans le dossier soumis à enquête publique, par l'intermédiaire du dossier de complément qui y était joint, et portés à la connaissance du public en avril 2021, s'agissant en particulier des capacités techniques et financières de l'exploitant. Par conséquent, les moyens relatifs à la méconnaissance des articles R. 181-47 et R. 516-1 du code de l'environnement doivent être écartés.

Sur la concertation préalable et l'enquête publique :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-15-1 du code de l'environnement : " La concertation préalable peut concerner : (...) 2° Les projets assujettis à une évaluation environnementale en application de l'article L. 122-1 et ne relevant pas du champ de compétence de la Commission nationale du débat public en application des I et II de l'article L. 121-8 ; (...). La concertation préalable permet de débattre de l'opportunité, des objectifs et des caractéristiques principales du projet ou des objectifs et des principales orientations du plan ou programme, des enjeux socio-économiques qui s'y attachent ainsi que de leurs impacts significatifs sur l'environnement et l'aménagement du territoire. Cette concertation permet, le cas échéant, de débattre de solutions alternatives, y compris, pour un projet, son absence de mise en œuvre. Elle porte aussi sur les modalités d'information et de participation du public après la concertation préalable. (...) ".

10. Quand bien même la requérante estimerait que les actions de communication et de concertation menées entre novembre 2016 et novembre 2019, réduites à une étude de contexte, plusieurs lettres d'information et deux réunions publiques, seraient insuffisantes et révèleraient un écart entre l'acceptabilité locale et les données de l'enquête publique, que des informations auraient été données de manière sporadique et qu'une réunion n'aurait pas été ouverte à l'ensemble du public en raison de contraintes de place, de tels éléments permettent d'établir qu'une concertation a eu lieu au sens des dispositions précitées. En tout état de cause, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux de la préfète de l'Allier aurait été édicté au terme d'une procédure irrégulière faute d'organisation de la concertation préalable prévue par les dispositions précitées de l'article L. 121-15-1 du code de l'environnement ne peut qu'être écarté, ces dispositions ne faisant pas de l'organisation de cette concertation une obligation mais une simple faculté pour l'administration et la société pétitionnaire, qui n'avait pas souhaité mettre en œuvre ce dispositif.

11. En deuxième lieu, la commission d'enquête n'a pas mis en œuvre les dispositions de l'article R. 123-17 du code de l'environnement, qui prévoit l'organisation d'une réunion d'information et d'échange avec le public lorsque le président de la commission d'enquête estime que l'importance ou la nature du projet ou les conditions de déroulement de l'enquête publique la rendent nécessaire. Par suite, alors que la commune de Meillers n'établit pas le manque d'information du public qu'elle dénonce, le moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête publique doit être écarté.

12. En troisième lieu, la circonstance que le projet s'implante en plein cœur du bocage du Bourbonnais, paysage préservé, connu pour sa grande diversité de faune aviaire, sédentaire et migratrice et à proximité de plus de 175 monuments historiques inscrits et protégés et sites remarquables, ou que le dossier du projet serait volumineux, ne suffit pas à révéler l'irrégularité de l'enquête publique, qui s'est déroulée sur plus de trente jours entre les 4 janvier et 5 février 2021, alors que la commission d'enquête n'a pas estimé nécessaire de l'adapter ou la prolonger.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme : " La construction de bâtiments nouveaux mentionnée au 1° de l'article L. 111-4 et les projets de constructions, aménagements, installations et travaux mentionnés aux 2° et 3° du même article ayant pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces autres qu'urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole doivent être préalablement soumis pour avis par l'autorité administrative compétente de l'État à la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime (...) ". L'article L. 111-4 du même code renvoie dans ses 2° et 3° aux constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, et à la réalisation d'opérations d'intérêt national, et aux constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes. Aux termes de l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime : " Cette commission peut être consultée sur toute question relative à la réduction des surfaces naturelles, forestières et à vocation ou à usage agricole et sur les moyens de contribuer à la limitation de la consommation des espaces naturels, forestiers et à vocation ou à usage agricole. Elle émet, dans les conditions définies par le code de l'urbanisme, un avis sur l'opportunité, au regard de l'objectif de préservation des terres naturelles, agricoles ou forestières, de certaines procédures ou autorisations d'urbanisme. (...) Lorsque le projet ou le document sur lequel la commission est consultée donne lieu à l'enquête publique mentionnée au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, l'avis de la commission est joint au dossier d'enquête publique. ".

14. La méconnaissance de ces dispositions n'est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle n'a pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.

15. Il ressort des pièces du dossier que l'emprise définitive du parc éolien en litige implique une perte d'espace cultivable d'environ 2,3 hectares au total alors que les surfaces agricoles utiles des territoires des communes de Gipcy et de Noyant d'Allier sont, respectivement, de 1 988 hectares et de 1 269 hectares et en tout état de cause, que le réseau inter éolien, une fois réalisé, sera suffisamment enterré pour permettre la poursuite de l'activité agricole. Ainsi, la réduction des surfaces des exploitations agricoles existantes, compte tenu de la faible emprise du projet sur des terrains agricoles, représente une proportion de 0,11 % pour la commune de Gipcy. Par suite, le vice tenant au défaut de consultation de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers n'a pas exercé d'influence sur le sens de la décision prise, n'a pas davantage privé quelque intéressé d'une garantie et n'a pas nui à la parfaite information du public. Le moyen tiré d'un vice de procédure doit ainsi être écarté.

16. Il en résulte que la commune de Meillers n'est pas fondée à soutenir que le droit d'information et de participation du public aurait été méconnu en raison des insuffisances de la concertation préalable et de l'enquête publique.

Sur les atteintes à l'environnement :

17. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...), les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ".

18. En premier lieu, l'appréciation de l'exigence de protection et de conservation de la nature et des paysages énoncée plus haut implique une évaluation du lieu d'implantation du projet puis une prise en compte de la taille des éoliennes projetées, de la configuration des lieux et des enjeux de co-visibilité, au regard, notamment, de la présence éventuelle, à proximité, d'autres parcs éoliens, et des effets d'atténuation de l'impact visuel du projet.

19. Il résulte de l'étude paysagère que le parc éolien se trouve dans un secteur marqué par l'agriculture, notamment l'élevage, et des boisements de conifères dédiés à l'exploitation, au sein de l'unité paysagère de la forêt et du bocage bourbonnais caractérisée par une ondulation du relief et une végétation dense, créant un effet d'enveloppe permettant de limiter les vues. Le projet a prévu un recul important vis-à-vis des Côtes Matras afin d'éviter un fort effet d'écrasement dommageable pour la qualité paysagère des lieux. Les lieux de vie, espaces protégés et chemins de randonnée situés dans le voisinage du parc sont préservés avec des atteintes qualifiées de nulles à faibles. La modification sensible du paysage quotidien est limitée à des séquences ponctuelles depuis les bourgs ou au sein des hameaux et fermes isolées les plus proches. Les impacts les plus significatifs affectent des sites tels que l'église Saint-Pierre de Gipcy et le château de Lalande à Rocles, proches du parc, ou l'église Saint-Loup de Saint-Hilaire qui, implantée sur un point haut du territoire, bénéficie d'une large ouverture visuelle depuis ses abords immédiats, même si une densification de la haie arborescente située en contrebas de ce dernier édifice est prévue et le panorama principal est orienté en direction opposée au projet. L'insuffisance des mesures d'évitement, de réduction et de compensation alléguée n'est pas établie. Il s'ensuit que les atteintes que ce projet porte à la nature et aux paysages, y compris les sites et monuments, n'apparaissent pas excessives au regard des exigences de l'article L. 511-1 ci-dessus.

20. En deuxième lieu, il n'apparaît pas que l'implantation d'éoliennes sur des terres agricoles, dont l'emprise au sol, inférieure à deux hectares, est très limitée et dont la mise en place implique que les fondations et les câbles seront enterrés ainsi qu'il a été rappelé au point 15, compromettrait l'agriculture dans le secteur concerné au sens de cette même disposition.

21. Enfin, et concernant les atteintes à la commodité du voisinage, il est soutenu que le projet litigieux, en raison de nuisances sonores, serait de nature à affecter la santé et la salubrité publiques. Si, dans son avis du 1er février 2019, l'agence régionale de la santé a relevé qu'un " (...) complément de l'étude acoustique incluant les secteurs de vent majoritaires et hors période estivale permettrait d'apprécier de façon plus pertinente l'impact sonore sur les riverains ", il apparaît, au vu de l'étude d'impact en particulier, que les émergences sonores diurnes et nocturnes mesurées, compte tenu notamment de la suppression de l'éolienne E6 et de la réduction des nuisances en résultant pour le hameau de Chevrotière, respectent les exigences des articles 26 et suivants de l'arrêté susvisé du 26 août 2011. Dans ces conditions, le risque que ces nuisances sonores entraineraient pour la santé des habitants n'est pas caractérisé, et aucune violation de l'article L. 511-1 ne peut davantage être retenue sur ce point.

Sur la conformité du projet aux règles d'urbanisme :

22. Il résulte des articles L. 421-5 et L. 421-8 du code de l'urbanisme, du premier alinéa de l'article R. 425-29-2 du même code et de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement que les projets d'installation d'éoliennes terrestres soumis, depuis le 1er mars 2017, à autorisation environnementale sont dispensés de l'obtention d'un permis de construire ce qui n'a, toutefois, ni pour objet ni pour effet de dispenser de tels projets du respect des règles d'urbanisme qui leurs sont applicables, ces articles mettant à la charge de l'autorité administrative, à l'occasion de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, l'examen de la conformité des projets d'installation d'éoliennes aux documents d'urbanisme applicables. Ces dispositions assurent ainsi le respect, par les projets d'installation d'éoliennes terrestres, des prescriptions du plan local d'urbanisme, notamment celles relatives à la hauteur des constructions et installations.

23. En premier lieu, il ressort de l'étude d'impact que l'emprise de la zone d'étude concerne " des zones non constructibles, dans lesquelles les éoliennes et leurs annexes sont autorisées ", le pétitionnaire attestant " que le développement de l'éolien au sein de la zone potentielle d'implantation est donc compatible (...) sous réserve d'un éloignement de 500 m de l'habitat existant ". Alors même que formellement cette étude évoque la compatibilité du projet au regard du règlement national d'urbanisme applicable à la commune de Gipcy, la commune de Meillers n'établit pas que, pour ce seul motif, le dossier de demande d'autorisation environnementale méconnaîtrait les dispositions du a) du 12° du I de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement, ou ne serait pas conforme au règlement national d'urbanisme. En tout état de cause, à supposer que seule la compatibilité du projet au règlement national d'urbanisme ait été appréciée, la commune requérante n'établit pas que le dossier de demande d'autorisation environnementale, dès lors qu'il comportait également une étude de dangers, une étude paysagère et une étude faune, avifaune, chiroptérologique et flore, n'aurait pas permis au préfet de l'Allier de se prononcer en toute connaissance de cause sur la légalité du projet au regard des exigences issues des articles R. 111-2, R. 111-26, R. 111-27 du code de l'urbanisme, ni que cette mention aurait eu pour effet de nuire à l'information complète de la population et aurait ainsi privé les personnes intéressées d'une garantie.

24. En deuxième lieu, ainsi que la requérante l'expose, l'étude d'impact a relevé un impact sonore modéré à notable avec des risques de dépassements réglementaires, et la société défenderesse a présenté un plan de bridage acoustique. Si ce plan est estimé insuffisant par les demandeurs en ce qu'il ne prévoit pas l'arrêt des aérogénérateurs en fonction de certaines circonstances, notamment en cas d'augmentation de la vitesse du vent et de la température, cette allégation n'est pas suffisamment précise pour permettre d'en apprécier le bien-fondé, alors au contraire que l'arrêté prévoit, dans son point 2.5.1, la mise en oeuvre d'un plan de bridage acoustique et d'arrêt des cinq aérogénérateurs et, au surplus, en son article 2.6.1, la réalisation de mesures de réception acoustique afin de vérifier la conformité réglementaire du parc éolien permettant la mise à jour du plan de bridage (renforcement ou réajustement). En outre, l'étude acoustique versée au dossier d'étude d'impact, réalisée par le bureau d'études spécialisé Sixense Environnement au vu du projet initial d'implantation de six éoliennes, a conclu que la mise en place du bridage proposé permet de respecter les seuils réglementaires de jour comme de nuit, alors que la suppression de l'éolienne E6 du projet a réduit son impact acoustique. Par ailleurs, l'atteinte à la sécurité des usagers de la route que le projet présenterait, constituée par le risque de décrochement d'une pale ou de tout risque qu'il génère intrinsèquement, n'est pas davantage démontrée, notamment par la comparaison faite avec un incident de même nature survenu à Saint-Georges-sur-Arnon. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme relatif à l'acceptation sous réserve de prescriptions du projet compte tenu de l'atteinte que le projet présenterait au titre de son impact sonore ou de son implantation à proximité d'une voie de circulation doit être écarté.

25. En troisième lieu, en se référant aux observations de la commission d'enquête selon lesquelles le choix du type d'éolienne, du fait de la faible garde au sol qu'il présente, serait " sans doute dommageable pour l'avifaune et les chiroptères et éventuellement source de bruit accru ", la requérante ne démontre pas la contrariété du projet avec les dispositions de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme imposant que la décision contestée respecte " les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. (...) ". A ce titre, le porteur du projet fait valoir sans être utilement contesté que si la garde au sol du modèle d'éolienne retenu est effectivement à 18,5 mètres du sol, la distance entre la canopée et l'extrémité de la pale permet une zone de vol sécurisée pour la majorité des espèces de chiroptères présentes, pour lesquelles le risque de collision est ainsi minime et, lorsque cette distance n'était pas suffisante pour certaines espèces, l'impact après les mesures d'évitement, réduction et compensation mises en place est faible, ainsi que l'a retenue la mission régionale d'autorité environnementale (MRAe) dans son avis du 3 janvier 2020. En outre, il ressort de l'arrêté en litige que des mesures spécifiques liées à la préservation des enjeux environnementaux locaux, en particulier des chiroptères et de la faune volante, ont été prévues à son article 2.3. Le préfet a ainsi assorti son autorisation de nombreuses prescriptions spéciales de nature à permettre d'aboutir à un impact résiduel non significatif sur la biodiversité.

26. En quatrième lieu, pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel ou urbain de nature à fonder un refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou urbain sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Il résulte de l'étude paysagère que le parc éolien se trouve dans un secteur marqué par l'agriculture, notamment l'élevage, et des boisements de conifères dédiés à l'exploitation, au sein de l'unité paysagère de la forêt et du bocage bourbonnais caractérisée par une ondulation du relief et une végétation dense, créant un effet d'enveloppe permettant de limiter les vues. Le projet est à l'échelle du paysage, où un recul important vis-à-vis des Côtes Matras a été prévu afin d'éviter un fort effet d'écrasement dommageable pour la qualité paysagère des lieux. Les lieux de vie, espaces protégés et chemins de randonnée situés dans le voisinage du parc sont préservés avec des atteintes qualifiées de nulles à faibles. La modification sensible du paysage quotidien est limitée à des séquences ponctuelles depuis les bourgs ou au sein des hameaux et fermes isolées les plus proches. Les impacts les plus significatifs affectent des sites tels que l'église Saint-Pierre de Gipcy et le château de Lalande à Rocles, proches du parc, ou l'église Saint-Loup de Saint-Hilaire qui, implantée sur un point haut du territoire, bénéficie d'une large ouverture visuelle depuis ses abords immédiats, même si une densification de la haie arborescente située en contrebas de ce dernier édifice est prévue et le panorama principal est orienté en direction opposée au projet. L'insuffisance des mesures d'évitement, de réduction et de compensation alléguée n'est pas établie. Il s'ensuit que les atteintes que ce projet porte à la nature et aux paysages, y compris les sites et monuments, n'apparaissent pas excessives. En outre, il n'apparaît pas que l'implantation d'éoliennes sur des terres agricoles, dont l'emprise au sol, inférieure à deux hectares, est très limitée et dont la mise en place implique que les fondations et les câbles seront enterrés ainsi qu'il a été rappelé au point 15, compromettrait l'agriculture dans le secteur concerné au sens de cette même disposition. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme du fait de l'atteinte au site naturel que le projet présenterait doit être écarté. En outre, si la commune de Meillers soutient que le projet est implanté dans une zone présentant un intérêt écologique majeur et porte atteinte à la biodiversité, de tels arguments ne sont pas opérants dès lors qu'ils ne se rapportent pas à l'examen de l'atteinte à un paysage naturel.

27. En cinquième lieu, ainsi qu'il a été rappelé au point précédent, et dès lors que le projet ne compromet pas l'agriculture dans le secteur concerné, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, relatif à la compatibilité des constructions avec l'exercice d'une activité agricole, doit être écarté.

28. Il résulte des six points précédents que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant d'illégalité l'arrêté attaqué au regard des dispositions des articles précités du code de l'urbanisme doit être écarté.

Sur l'exigence d'une dérogation " espèces protégées " :

29. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ;(...) 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment, " (...) / La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ".

30. Il en résulte que la destruction ou la perturbation d'animaux appartenant à des espèces protégées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Le système de protection des espèces faisant l'objet d'une protection impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées à ces espèces, proposées par le pétitionnaire, doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

31. En premier lieu, faute pour l'autorisation en cause de tenir lieu de décision d'autorisation de dérogation " espèces protégées " au titre du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, le dossier de demande d'autorisation n'avait pas à comporter les informations requises par l'article D. 181-15-5 du même code.

32. En deuxième lieu, s'agissant du Grand Capricorne, il résulte du porter à connaissance d'avril 2021 que l'éolienne E6, proche d'un arbre abritant avec certitude des individus de cette espèce, a été supprimée et par ailleurs, l'exploitant est appelé à prendre des mesures destinées à éviter l'abattage et l'élagage de tout arbre abritant cet insecte protégé, avec plantation ou renforcement de haies bocagères. Le risque d'impact du projet sur les chiroptères est jugé globalement modéré à fort selon les éoliennes, les Noctules, les Pipistrelles et les Sérotine étant les espèces encourant les dangers les plus élevés, les espèces de lisière, qu'il s'agisse des Barbastelles, des Murins ou des Oreillards, étant les moins exposées, compte tenu notamment d'une implantation des éoliennes en zone de culture, pour l'essentiel à l'écart des milieux particulièrement favorables aux chiroptères. L'arrêté contesté prévoit notamment, à cet égard, un dispositif de bridage en fonction des conditions météorologiques, avec arrêt de l'ensemble des machines sur les cinq premières heures de la nuit entre avril et juillet et toute la nuit d'août à septembre, et le maintien d'une végétation rase au niveau des plateformes des éoliennes, destinée à diminuer leur attractivité pour les insectes et donc pour les chauves-souris. Quant aux espèces d'oiseaux protégés, alors que les risques de collision invoqués restent limités, excepté en particulier pour la Buse variable et le Faucon crécerelle, l'exploitant s'est engagé dans l'étude d'impact à créer des habitats de chasse favorables, à distance du parc, à installer des systèmes de détection et d'arrêt des éoliennes ou de toute autre technique adaptée aux espèces, et l'arrêté en litige impose des gravillons sur les plateformes. L'efficacité de telles mesures n'est pas sérieusement contredite. Enfin, concernant les espèces protégées d'amphibiens, la société défenderesse fait valoir sans être utilement contestée que le projet évite les zones humides et les zones boisées, privilégiant les secteurs déjà ouverts et non favorables à ces espèces, qu'elle a adapté la période de travaux en prévoyant la mise en place d'une bâche ou d'un filet, et que plus généralement, les mesures d'évitement et de réduction, telles que l'absence de destructions de feuillus et la mise en place de stations de préservation volontaire, permettent d'aboutir à un impact résiduel négligeable. Dans ces circonstances, et alors que l'effectivité des mesures de réduction envisagées, surtout pour les oiseaux et chauve-souris protégés, n'est pas pertinemment remise en cause, il n'apparaît pas que les risques que le projet comporte pour la faune seraient tels qu'ils devraient ici être regardés comme suffisamment caractérisés et que l'exploitant aurait dû demander et obtenir une dérogation " espèces protégées ". La commune de Meilleurs n'est par suite pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige méconnait les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement, faute d'être accompagné de la dérogation prévue au 4° de l'article L. 411-2.

Sur le montant des garanties de démantèlement et de remise en état du site :

33. Aux termes de l'article R. 515-101 du code de l'environnement : " I.- La mise en service d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumise à autorisation au titre du 2° de l'article L. 181-1 est subordonnée à la constitution de garanties financières visant à couvrir, en cas de défaillance de l'exploitant lors de la remise en état du site, les opérations prévues à l'article R. 515-106. Le montant des garanties financières exigées ainsi que les modalités d'actualisation de ce montant sont fixés par l'arrêté d'autorisation de l'installation. ". ". Les articles 30 à 32 (section 8 Garanties financières) de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, dans leur rédaction issue de la modification faite par un arrêté du 10 décembre 2021, entré en vigueur le 1er janvier 2022, précisent ces dispositions. L'annexe I à cet arrêté, auquel renvoie l'article 30, dont la rédaction est quant à elle issue d'un arrêté du 11 juillet 2023, entré en vigueur le 20 suivant, prévoit en ses I et II que le montant initial de la garantie financière d'une installation (M) est égal au nombre d'éoliennes multiplié par le coût unitaire forfaitaire d'un aérogénérateur (Cu) qui varie selon la puissance de l'éolienne. Celui-ci s'établit à 75 000 euros lorsque la puissance unitaire installée de l'aérogénérateur est inférieure ou égale à 2 MW (a du II). Lorsque la puissance unitaire de l'aérogénérateur est supérieure à 2 MW, ce coût unitaire est calculé selon la formule suivante (b du II) : " Cu = 75 000 + 25 000 * (P-2) / où : / - Cu est le montant initial de la garantie financière d'un aérogénérateur ; / - P est la puissance unitaire installée de l'aérogénérateur, en mégawatt (MW). ".

34. L'arrêté attaqué fixe en son article 2.2 le montant des garanties financières fixé par l'arrêté ministériel du 26 août 2011, qui permettent de garantir le démantèlement, ces garanties étant de 60 000 euros par aérogénérateur. La puissance unitaire de chaque aérogénérateur étant supérieure à 2 MW, ce montant est toutefois insuffisant au regard des dispositions désormais en vigueur citées au point précédent, applicables en l'espèce, s'agissant d'une règle de fond relative à la mise en service de l'installation. En application de ces dispositions, le montant initial de la garantie financière de chaque aérogénérateur, d'une puissance maximale de 3 MW, s'élève à 100 000 euros (Cu = 75000 + 25 000*(3-2)). Il en résulte que le montant initial de la garantie financière, avant application de la formule d'actualisation, doit être fixé, pour les cinq aérogénérateurs, à la somme de 500 000 euros. Par suite, il y a lieu, conformément aux pouvoirs dévolus au juge du plein contentieux et rappelés au point 6 ci-dessus, de remplacer la formule de calcul du montant de la garantie financière de l'installation figurant à l'article 2.2 de l'arrêté du 24 juin 2021 de la préfète de l'Allier, par la nouvelle formule rappelée ci-dessus et de porter le montant initial des garanties financières, avant application de la formule d'actualisation, de 327 572 euros à 500 000 euros.

35. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Meillers est seulement fondée à soutenir que l'arrêté en cause est entaché d'illégalité sur ce dernier point, et qu'il y a lieu de le réformer dans cette mesure.

Sur les frais liés au litige :

36. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions de la requête de la commune de Saint-Hilaire.

Article 2 : L'article 2.2 de l'arrêté du 24 juin 2021 de la préfète de l'Allier, relatif aux garanties financières, est modifié conformément à ce qui a été indiqué au point 34 du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la région Auvergne-Rhône-Alpes, à la commune de Saint-Hilaire, à la commune de Meillers, à la société Parc éolien du Moulin du bocage et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2025 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2025.

La rapporteure,

Emilie FelmyLe président,

Jean-Yves TallecLe greffier en chef,

Cédric Gomez

La République mande et ordonne au préfet de l'Allier en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 23LY03699


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03699
Date de la décision : 30/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

29-035 Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: Mme LORDONNE
Avocat(s) : PARME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-30;23ly03699 ?
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