Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... veuve D... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler les décisions du 27 septembre 2023 par lesquelles la préfète du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée de dix ans ou, à défaut, un certificat de résidence algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le même délai et sous la même astreinte.
Par un jugement n° 2311111 du 6 mai 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 juin 2024, Mme C... A... veuve D..., représentée par Me Firmin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2311111 du 6 mai 2024 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du 27 septembre 2023 par lesquelles la préfète du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée de dix ans ou, à défaut, un certificat de résidence algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée et entachée d'un vice de procédure, faute pour la préfète d'avoir saisi la commission du titre de séjour ;
- elle méconnait les stipulations du b) de l'article 7 bis et des 5° et 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est dépourvue de base légale à raison de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur les décisions fixant un délai de départ volontaire et le pays de destination :
- ces décisions sont dépourvues de base légale à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit.
Par une décision du 10 juillet 2024, Mme C... A... veuve D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... veuve D..., ressortissante algérienne née le 14 août 1953, est entrée en France le 1er novembre 2022 sous couvert de son passeport assorti d'un visa de court séjour en qualité d'ascendant non à charge. Elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 27 septembre 2023, la préfète du Rhône lui a opposé un refus, assorti de décisions portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Par un jugement du 6 mai 2024, dont Mme A... veuve D... interjette appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, l'arrêté de la préfète du Rhône du 27 septembre 2023 vise notamment les stipulations du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien et mentionne, de manière suffisamment détaillée, les circonstances de faits sur lesquelles se fonde la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme A... veuve D.... Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit donc être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien : " Les ressortissants algériens visés à l'article 7 peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence dont ils peuvent faire état, parmi lesquels les conditions de leur activité professionnelle et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. / Le certificat de résidence valable dix ans, renouvelé automatiquement, confère à son titulaire le droit d'exercer en France la profession de son choix, dans le respect des dispositions régissant l'exercice des professions réglementées. / Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : / (...) / b) À l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge (...) ".
4. L'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à la délivrance d'un certificat de résidence au bénéfice d'un ressortissant algérien qui fait état de sa qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français, peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant, dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son descendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins, ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.
5. Mme A... veuve D... soutient qu'elle est à la charge de ses enfants résidant en France, notamment de sa fille, Mme B... D... de nationalité française, qui l'héberge à titre gratuit à son domicile depuis son arrivée en France. Toutefois, il est constant que la pension de réversion perçue par Mme A... veuve D... est d'un montant très supérieur au montant du salaire national minimum garanti algérien fixé, depuis le 1er juin 2020, à 20 000 dinars par mois. Elle dispose ainsi de ressources propres d'un montant suffisant pour lui assurer une indépendance financière et pour lui permettre de subvenir à ses besoins en Algérie, notamment aux dépenses liées à son état de santé ou à sa situation de dépendance, alors qu'elle est en outre propriétaire de son logement. Au surplus, les seules attestations de ses enfants produites à l'instance ne sont pas de nature à justifier que Mme A... veuve D... aurait fait l'objet d'une prise en charge régulière de leur part et notamment de la part de sa fille ainée, avant son entrée sur le territoire français. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié doit être écarté, la circonstance selon laquelle Mme A... veuve D... aurait besoin de la présence constante d'un tiers à raison de son état de santé étant sans incidence à cet égard.
6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... veuve D... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le seul fondement des stipulations du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que la préfète du Rhône aurait commis une erreur de droit en n'examinant pas sa situation au regard des stipulations du 5° de l'article 6 de cet accord et ne saurait davantage se prévaloir utilement de la méconnaissance de ces stipulations ou de celles du 7° de ce même article.
7. En quatrième lieu, il résulte de ce qui précède que la préfète du Rhône n'était pas tenue de soumettre le cas de Mme A... à la commission du titre de séjour préalablement à l'édiction de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, dès lors qu'elle ne remplit pas les conditions prévues par les stipulations précitées du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien justifiant la délivrance d'un titre de séjour de plein droit.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Mme A... veuve D..., qui réside en France depuis un peu moins d'un an à la date de l'arrêté attaqué, soutient qu'elle effectue des allers-retours depuis de nombreuses années entre l'Algérie et la France, où résident quatre de ses enfants et ses petits-enfants, que, la dégradation de son état de santé s'est aggravée et que son état de dépendance justifie son besoin d'hébergement chez sa fille aînée, de nationalité française, qui pourvoit à ses besoins. Cependant, il est constant que Mme A... veuve D... a résidé en Algérie jusqu'à l'âge de 69 ans, que quatre de ses enfants résident également dans ce pays. Par ailleurs, les documents produits à l'instance ne permettent pas de considérer qu'elle ne disposerait pas des ressources et des attaches familiales permettant la prise en charge nécessaire à son état de santé et de dépendance dans ce pays, quand bien même les structures permettant la prise en charge des personnes dépendantes y seraient peu développées. Dans ces conditions, elle n'établit pas que le refus de séjour qui lui a été opposé par la préfète du Rhône porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. En dernier lieu, au regard de ce qui a été exposé précédemment, notamment aux points 5 et 9 du présent arrêt, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme A... veuve D... ne saurait être regardée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
12. En second lieu, ainsi qu'il a été dit, les pièces produites au dossier ne permettent pas d'établir que Mme A... veuve D... ne pourrait pas bénéficier de la prise en charge nécessaire à son état de santé et de dépendance dans ce pays. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la légalité des décisions fixant un délai de départ volontaire et le pays de destination :
13. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, Mme A... veuve D... n'est pas fondée à soutenir que les décisions fixant un délai de départ volontaire et le pays de destination seraient illégales en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... veuve D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions tendant à l'annulation des décisions du 27 septembre 2023 par lesquelles la préfète du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... veuve D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... veuve D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 31 mars 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le17 avril 2025.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY01579