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16/04/2025 | FRANCE | N°23LY01938

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 16 avril 2025, 23LY01938


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 22 novembre 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes a rejeté son recours administratif préalable obligatoire présenté à l'encontre de la décision de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier du 23 octobre 2019 lui ayant infligé la sanction de trente jours de cellule disciplinaire dont sept jours avec sursis actif pendant

six mois.

Par jugement n° 2002615 du 7 avril 2023, le tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 22 novembre 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes a rejeté son recours administratif préalable obligatoire présenté à l'encontre de la décision de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier du 23 octobre 2019 lui ayant infligé la sanction de trente jours de cellule disciplinaire dont sept jours avec sursis actif pendant six mois.

Par jugement n° 2002615 du 7 avril 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 22 novembre 2019.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 juin 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. E... devant le tribunal.

Il soutient que le motif de la décision n'est pas entaché d'inexactitude matérielle des faits.

La requête a été communiquée à M. E... qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard,

- et les conclusions de Mme G....

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 23 octobre 2019, la commission de discipline du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier a infligé à M. E... la sanction de trente jours de cellule disciplinaire dont sept jours avec sursis actif pendant six mois après un refus d'obtempérer à un ordre d'un surveillant, insultes, menaces et coups de pieds. Cette décision a été confirmée le 22 novembre 2019, sur recours administratif préalable obligatoire introduit par M. E..., par le directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes. Le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel du jugement du 7 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 22 novembre 2019.

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. En produisant en appel le rapport d'enquête, le compte rendu d'incident et les deux comptes rendus professionnels établis le 21 octobre 2019, soit le jour même où l'incident s'est produit, par les surveillants du centre pénitentiaire qui encadraient l'intéressé, faisant état, de façon précise et circonstanciée, du déroulement des faits, le garde des sceaux, ministre de la justice, établit la matérialité des insultes, menaces et coups et du refus d'obtempérer aux ordres du personnel pénitentiaire qui ont justifié le prononcé de la sanction en litige et que l'intéressé n'a au demeurant pas contestés lors de la commission de discipline, réitérant ses propos selon lesquels il ne respectait pas le personnel. Il s'ensuit que le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les faits reprochés à M. E... n'étaient pas établis.

3. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le tribunal administratif de Grenoble.

Sur les autres moyens invoqués par M. E... contre la décision du 22 novembre 2019 :

4. En premier lieu, aux termes de l'articles R. 57-7-15 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " Le chef d'établissement ou son délégataire apprécie, au vu des rapports et après s'être fait communiquer, le cas échéant, tout élément d'information complémentaire, l'opportunité de poursuivre la procédure. Les poursuites disciplinaires ne peuvent être exercées plus de six mois après la découverte des faits reprochés à la personne détenue ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 21 octobre 2019 par laquelle il a été décidé d'engager des poursuites à l'encontre de M. E... a été signée par Mme I... H..., directrice du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier où M. E... était détenu. Par, suite, le moyen tiré de l'irrégularité des conditions d'engagement de la procédure disciplinaire doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-14 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " A la suite de ce compte rendu d'incident, un rapport est établi par un membre du personnel de commandement du personnel de surveillance, un major pénitentiaire ou un premier surveillant et adressé au chef d'établissement. Ce rapport comporte tout élément d'information utile sur les circonstances des faits reprochés à la personne détenue et sur la personnalité de celle-ci. L'auteur de ce rapport ne peut siéger en commission de discipline ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le rapport d'enquête a été établi par Mme F... C..., laquelle, dès lors qu'elle détient le grade de lieutenant pénitentiaire, était au nombre des membres du personnel de commandement du personnel de surveillance habilité à l'établir. Par suite, le moyen tiré de ce que le rapport d'enquête a été établi en méconnaissance des dispositions de l'article R. 57-7-14 du code de procédure pénale doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-6 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs ". Aux termes de l'article R. 57-7-7 du même code : " Les sanctions disciplinaires sont prononcées, en commission, par le président de la commission de discipline. Les membres assesseurs ont voix consultative ". Aux termes de l'article R. 57-7-8 du même code : " Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement Le second assesseur est choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire qui manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires, habilitées à cette fin par le président du tribunal de grande instance territorialement compétent. La liste de ces personnes est tenue au greffe du tribunal de grande instance ".

9. Il ressort des pièces du dossier, et, notamment, du procès-verbal de la séance de la commission de discipline qui s'est tenue le 23 octobre 2019, que la commission de discipline était composée d'un président, Mme A... B..., à qui le chef d'établissement avait consenti une délégation à l'effet de présider la commission de discipline par arrêté du 2 août 2019, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère, le 8 août 2019, d'un assesseur extérieur et d'un assesseur surveillant. Il ressort des pièces du dossier, et, notamment, des mentions figurant, respectivement, sur le compte-rendu d'incident du 21 octobre 2019 et sur le procès-verbal de la commission de discipline, que le premier assesseur, désigné par les initiales de ses nom et prénom, conformément aux dispositions combinées des articles R. 57-6-9 du code de procédure pénale et de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration, n'est pas l'auteur du compte rendu d'incident. Par suite, le moyen tiré de ce que la commission de discipline était irrégulièrement composée doit être écarté.

10. En quatrième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " En cas d'engagement des poursuites disciplinaires, les faits reprochés ainsi que leur qualification juridique sont portés à la connaissance de la personne détenue. Le dossier de la procédure disciplinaire est mis à sa disposition. / La personne détenue est informée de la date et de l'heure de sa comparution devant la commission de discipline ainsi que du délai dont elle dispose pour préparer sa défense. Ce délai ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. / Elle dispose de la faculté de se faire assister par un avocat de son choix ou par un avocat désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats et peut bénéficier à cet effet de l'aide juridique ".

11. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 2° Infligent une sanction (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a été personnellement avisé par l'administration pénitentiaire, le 21 octobre 2019 à 14h15, de ce qu'il était envisagé de prononcer à son encontre une sanction disciplinaire pour des faits de violence, insultes, menaces et refus d'obtempérer aux consignes du personnel pénitentiaire, à la suite de l'incident du même jour qui s'est produit lors de son transfert pour rencontrer son avocat au parloir, et de sa convocation devant la commission de discipline du 23 octobre 2019 à 8h30. Il s'est également vu remettre, le même jour à 14h15, soit plus de trois heures avant la tenue de la commission de discipline, le dossier de la procédure disciplinaire composé, notamment, du compte-rendu d'incident, du rapport d'enquête et de la convocation devant la commission de discipline, le mettant ainsi à même de préparer sa défense. M. E... ayant exprimé la volonté de n'être assisté que par un avocat qu'il avait lui-même désigné, faisant ainsi obstacle à ce qu'un avocat commis d'office soit désigné, l'administration a transmis par télécopie, le 22 octobre 2019, cette demande à l'avocat concerné qui lui a fait savoir qu'il ne pourrait l'assister. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E... aurait sollicité le report de la séance de la commission pour être assisté par un conseil. Dans ces conditions, la circonstance que M. E... n'a pas été assisté par un avocat, qui n'est pas imputable à l'administration pénitentiaire qui a fait toutes les diligences nécessaires, est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Par suite, et alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général n'impose à l'administration de permettre à la personne détenue de conserver une copie de son dossier disciplinaire, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense doit être écarté.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " Constitue une faute disciplinaire du premier degré le fait, pour une personne détenue : (...) 1° D'exercer ou de tenter d'exercer des violences physiques à l'encontre d'un membre du personnel (...) 3° D'opposer une résistance violente aux injonctions des personnels (...) 12° De proférer des insultes, des menaces ou des propos outrageants à l'encontre d'un membre du personnel de l'établissement (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-33 du même code : " (...) peuvent être prononcées les sanctions disciplinaires suivantes : (...) 7° La mise en cellule disciplinaire ". Et aux termes de l'article R. 57-7-47 du même code : " (...) la durée de la mise en cellule disciplinaire (...) peut être portée à trente jours lorsque les faits commis constituent une des fautes prévues au 1° et au 2° de l'article R. 57-7-1. "

14. Aux termes de l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale : " La personne détenue qui entend contester la sanction prononcée à son encontre par la commission de discipline doit, dans le délai de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision, la déférer au directeur interrégional des services pénitentiaires préalablement à tout recours contentieux. Le directeur interrégional dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception du recours pour répondre par décision motivée. L'absence de réponse dans ce délai vaut décision de rejet ". Il résulte de ces dispositions qu'un détenu n'est recevable à déférer au juge administratif que la seule décision, expresse ou implicite, du directeur régional des services pénitentiaires, qui arrête définitivement la position de l'administration et qui se substitue ainsi à la sanction initiale prononcée par le chef d'établissement.

15. Pour infliger à M. E... la sanction du placement en cellule disciplinaire pour une durée de trente jours avec un sursis de sept jours, l'administration s'est fondée sur la circonstance que, lors d'un transfert au parloir où il devait rencontrer son avocat, M. E... a insulté et menacé des agents pénitentiaires, a refusé d'obtempérer à leur ordre et les a frappés, si bien qu'il a été nécessaire de faire intervenir des renforts pour le maîtriser. La matérialité des faits, au demeurant non contestée par M. E... lors de la commission de discipline, est suffisamment établie par l'administration, ainsi qu'il a été dit au point 2. Compte tenu de la nature et de la gravité de ces faits et des antécédents disciplinaires de M. E... pour des faits similaires, le directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes, en confirmant le placement de l'intéressé en cellule disciplinaire pour une période de trente jours avec sursis de sept jours, n'a pas édicté une sanction disproportionnée.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes du 22 novembre 2019 confirmant la sanction infligée à M. E.... La demande M. E... tendant à l'annulation de cette décision doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2002615 du tribunal administratif de Grenoble du 7 avril 2023 est annulé.

Article 2 : La demande de M. E... tendant à l'annulation de la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes du 22 novembre 2019 confirmant la sanction infligée par la commission de discipline est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et à M. D... E....

Délibéré après l'audience du 27 mars 2025 à laquelle siégeaient :

M. Arbaretaz, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2025.

La rapporteure,

A. Evrard

Le président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 23LY01938 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01938
Date de la décision : 16/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. - Exécution des jugements. - Exécution des peines. - Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-16;23ly01938 ?
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