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08/04/2025 | FRANCE | N°24LY01591

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 08 avril 2025, 24LY01591


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2022 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2201656 du 3 mai 2024, le tribunal administratif a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 30 mai 2024, M. A...

, représenté par Me Remedem, demande à la cour :



1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à tit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2022 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201656 du 3 mai 2024, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 30 mai 2024, M. A..., représenté par Me Remedem, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 3 mai 2024 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2022 ;

4°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- le préfet ne produit pas l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dont la régularité ne peut être vérifiée ;

- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée et n'a pas procédé à un examen particulier et approfondi de sa situation ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 3° l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'apparaît pas que la décision soit justifiée par un besoin social impérieux et que ses conséquences ne seraient pas disproportionnées par rapport à son droit de suivre des soins ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- la décision fixant le pays de destination n'a pas été précédée d'un examen réel et complet de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme qui n'a pas présenté d'observations.

Par une ordonnance du 11 février 2025, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 février 2025.

Le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A... par une décision du 16 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Mauclair, présidente de la formation de jugement.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., né le 15 juin 1998 à Boke (République de Guinée) et de nationalité guinéenne, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 18 mai 2017. A la suite du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 février 2019 et la Cour nationale du droit d'asile le 12 novembre 2019, M. A... a sollicité, le 14 septembre 2021, la délivrance d'un titre de séjour en invoquant son état de santé. Par arrêté du 8 juillet 2022, le préfet du Puy-de-Dôme, a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 3 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 16 octobre 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté, pour caducité, la demande d'admission à l'aide juridictionnelle présentée par M. A.... Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la légalité de l'arrêté du 8 juillet 2022 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.

5. D'une part, le requérant soutient que la décision attaquée doit être regardée comme entachée de différents vices de procédure faute de disposer à l'instance de l'avis du collège de médecins de l'OFII. Le préfet du Puy-de-Dôme a toutefois produit, dès la première instance, cet avis émis le 11 avril 2022 et cette production, qui a été communiquée à M. A..., n'a appelé aucune observation de sa part. Ainsi, le moyen, exposé de manière générale et tiré de l'impossibilité de vérifier l'existence et la régularité de cet avis en ce qu'il n'a pas été produit, ne peut, dès lors, qu'être écarté.

6. D'autre part, il ne ressort pas des termes de la décision attaquée, ni des autres pièces du dossier, que le préfet du Puy-de-Dôme se serait estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII pour refuser à M. A... le titre de séjour demandé ni qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa demande fondée sur les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Enfin, pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet du Puy-de-Dôme s'est fondé sur l'avis émis le 11 avril 2022 par le collège des médecins de l'OFII, qu'il a produit à l'instance, selon lequel, si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort du certificat médical produit au dossier, en date du 30 mai 2024, établi par un psychiatre du centre hospitalier Sainte-Marie de Clermont-Ferrand, que M. A... est atteint d'un syndrôme post-traumatique complexe qu'il met en lien avec des difficultés auxquelles il a dû faire face dans son pays d'origine. Ce certificat fait ensuite état de ce que la perspective de retourner dans son pays d'origine réactive de façon massive les éléments dépressifs et anxieux " avec l'existence d'un risque suicidaire sur raptus anxieux " et que ces éléments avaient pu être stabilisés. Le praticien hospitalier en conclut, d'une part, qu'un retour en Guinée de M. A... aura des conséquences d'une exceptionnelle gravité avec, notamment une décompensation dépressive sévère et un risque suicidaire, d'autre part, qu'au vu de la nature de la pathologie de M. A... et des conséquences psychopathologiques liées à sa seule présence dans son pays d'origine, " tout traitement qui pourrait lui être administré en Guinée s'avèrerait inefficace et reviendrait donc à un traitement totalement inapproprié ". Toutefois, si ce certificat médical, au demeurant postérieur à l'arrêté en litige, fait état du lien qui existerait entre la pathologie de M. A... et les événements traumatisants qu'il aurait vécus en Guinée, le requérant n'apporte aucun élément de nature à corroborer la réalité de tels événements. Il ressort au contraire des termes de la décision en litige que la demande d'asile formée par l'intéressé a été rejeté par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 27 février 2019, laquelle a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 12 novembre 2019. Dans ces conditions, M. A..., qui n'établit pas que son traumatisme serait lié à des évènements traumatisants qui seraient survenus dans son pays d'origine, n'apporte aucun élément de nature à remettre sérieusement en cause les appréciations portées par le collège des médecins de l'OFII que le préfet s'est approprié dans la décision en litige. Par ailleurs, M. A..., qui n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations, n'établit pas que son état de santé aurait évolué entre la date à laquelle il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, celle à laquelle le collège des médecins de l'OFII a porté son appréciation sur sa situation et celle de la décision en litige ni qu'il aurait dû être convoqué, par le médecin ayant établi le rapport, à des examens complémentaires. En outre, la circonstance que le suivi médicamenteux de M. A..., dont l'état de santé nécessite en outre des consultations psychiatriques, ainsi que cela ressort de l'attestation établie le 25 juillet 2022 par un infirmier du centre hospitalier Sainte-Marie de Clermont-Ferrand, ne serait pas disponible dans son pays d'origine est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors qu'elle est fondée sur le non-respect de l'autre condition requise par le texte tenant à ce que l'absence de traitement ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Ainsi, cette dernière condition n'étant pas remplie, le préfet du Puy-de-Dôme pouvait valablement refuser au requérant le titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En deuxième lieu, M. A... reprend en appel le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. A... est entré en France en mai 2017, à l'âge de dix-neuf ans. Il est célibataire sans charge de famille et ne justifie pas être dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine. Par ailleurs, il ne fait état d'aucune insertion socio-professionnelle en France ni même avoir noué des liens intenses et stables. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision en litige n'a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale aucune atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En dernier lieu, les circonstances dont fait état M. A..., rappelées aux points précédents, ne sauraient davantage constituer des circonstances particulières de nature à entacher la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. En se bornant à soutenir qu'il n'apparaît pas que la décision soit justifiée par un besoin social impérieux et que ses conséquences ne seraient pas disproportionnées par rapport à son droit de suivre des soins, le requérant n'apporte aucune précision en fait et en droit permettant de contester utilement la légalité de la décision en litige.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13 M. A... réitère devant la cour les moyens tirés du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celle présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente de la formation de jugement,

Mme Claire Burnichon, première conseillère,

Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.

La présidente,

A.-G. MauclairL'assesseure la plus ancienne,

C. Burnichon

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 24LY01591 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01591
Date de la décision : 08/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : Mme MAUCLAIR
Rapporteur ?: Mme Anne-Gaëlle MAUCLAIR
Rapporteur public ?: Mme DJEBIRI
Avocat(s) : REMEDEM

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-08;24ly01591 ?
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