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04/04/2025 | FRANCE | N°24LY01028

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 04 avril 2025, 24LY01028


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 12 décembre 2023 par lesquelles la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de son éloignement et pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant douze mois.



Par un jugement n° 2310767 du 19 décembre 2023, la magistrate

désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a, par l'article 2 de ce jugement, renvo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 12 décembre 2023 par lesquelles la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de son éloignement et pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant douze mois.

Par un jugement n° 2310767 du 19 décembre 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a, par l'article 2 de ce jugement, renvoyé les conclusions de la requête de M. B... A... tendant à l'annulation de la décision par laquelle la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour devant une formation de jugement collégiale et, par l'article 3, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 9 avril 2024, M. A..., représenté par Me Bouhalassa, doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 19 décembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2023 de la préfète de l'Allier en tant qu'il concerne la décision de refus de séjour, celle l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et celle portant interdiction de retour sur le territoire français ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

La décision portant refus de séjour :

- méconnaît l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

La décision portant obligation de quitter le territoire français :

- est insuffisamment motivée ;

- n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation ;

- est contraire à l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ;

- méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- est d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

La décision le privant d'un délai de départ volontaire :

- a été prise sans examen de sa situation personnelle ;

- est illégale dès lors qu'il justifie de circonstances particulières ;

- méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

La décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- n'a pas été précédée d'un examen relatif à l'existence de circonstances humanitaires qui y feraient obstacle ;

- n'est pas justifiée par la menace à l'ordre public que son comportement représenterait ;

- méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et présente un caractère disproportionné.

Un mémoire, enregistré le 24 mars 2025, a été présenté par la préfète de l'Allier après la clôture de l'instruction.

Par une décision du 6 mars 2024, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 30 juin 1988, déclare être entré en France en 2018. Par un arrêté du 12 décembre 2023 dont il a demandé l'annulation au tribunal administratif de Lyon, la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure et lui a fait interdiction de retour pendant douze mois. La magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a renvoyé en formation collégiale les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. M. A... relève appel de ce jugement dans cette dernière mesure.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus par la première juge et qui ne sont ni utilement critiqués en appel ni assortis de nouveaux éléments, les moyens tirés de l'insuffisante motivation des décisions en litige, et du défaut d'examen préalable et sérieux de la situation personnelle de M. A....

3. En deuxième lieu, selon le 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est père de deux enfants français âgés de trois et vingt-deux mois à la date de l'arrêté attaqué, sur lesquels il exerce l'autorité parentale. Toutefois, l'intéressé, pénalement condamné pour des faits de violence sur la mère de ses enfants, n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ces derniers. La production aux débats de quelques photographies, d'un document qui, dès lors qu'il ne mentionne pas son nom, ne saurait tenir lieu de virement de sa part pour une somme de 300 euros, et d'un unique ticket de caisse pour l'achat de matériel de puériculture ne suffisent pas à établir la contribution alléguée. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. Si M. A... soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire français prise à son encontre porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées, ce moyen doit être écarté au vu d'une part des considérations énoncées au point 4, d'autre part de l'absence d'insertion et de liens particulièrement intenses qu'il possèderait en France. Il n'est pas davantage, et pour les mêmes raisons que celles rappelées au point 4, fondé à soutenir que l'intérêt supérieur de ses jeunes enfants aurait été méconnu.

7. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine prise à l'encontre de M. A... serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, le requérant se bornant sans autre précision et sans produire de document au soutien de son moyen d'une part, à évoquer des problèmes psychiatriques lourds et le suivi psychiatrique dont il bénéficierait à Toulouse et, s'agissant du retour possible dans son pays d'origine, à alléguer des craintes à ce titre.

En ce qui concerne la décision privant M. A... d'un délai de départ volontaire :

8. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision aurait été prise sans examen préalable et sérieux de la situation personnelle de M. A....

9. En second lieu, selon le 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement duquel la décision attaquée a été prise : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été placé en juin 2022 sous contrôle judiciaire, inscrit sur le programme dénommé " éviction conjoint violent " puis a été condamné par le tribunal correctionnel de la Roche-sur-Yon à une peine d'emprisonnement de six mois assortie d'un sursis probatoire de deux ans pour faits de violences conjugales, et a été de nouveau interpellé le 12 décembre 2023 pour des faits de cette nature. Il s'ensuit que la préfète de l'Allier a pu, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, considérer que le comportement de M. A... constitue une menace pour l'ordre public. Il en résulte, sans qu'il ne puisse utilement se prévaloir ni de la présence sur le territoire national de ses enfants, ni de la circonstance au demeurant non établie qu'il disposerait d'une adresse stable, ni même des problèmes de santé qu'il soutient rencontrer sans davantage les établir ainsi qu'il a été dit au point 7, que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an :

11. En premier lieu, M. A... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, il n'est pas fondé à s'en prévaloir à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant interdiction de retour pendant un an.

12. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour (...) l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

13. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement non exécutées, prises à son encontre les 27 décembre 2019 par le préfet du Gers, et 20 juin 2022 par le préfet de la Vendée, qu'il est séparé de sa compagne sur laquelle il a exercé des violences et qu'il ne contribue pas à l'entretien et à l'éducation de ses enfants. Eu égard à l'ensemble de ces circonstances, et sans que l'intéressé puisse se prévaloir de circonstances humanitaires qui ont en tout état de cause été appréciées par l'autorité administrative, la préfète de l'Allier a pu, sans entacher sa décision ni d'erreur s'agissant de l'appréciation de la menace à l'ordre public que son comportement représente ainsi qu'il a été dit au point 10, ni de disproportion, fixer à douze mois la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée à rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions par lesquelles la préfète de l'Allier lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure et pris à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2025.

La rapporteure,

Emilie FelmyLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Michèle Daval

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY01028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01028
Date de la décision : 04/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: Mme REMY-NERIS
Avocat(s) : BOUHALASSA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-04;24ly01028 ?
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