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04/04/2025 | FRANCE | N°22LY02323

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 04 avril 2025, 22LY02323


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La société Bayer Seeds SAS a demandé au tribunal administratif de Lyon d'une part, d'annuler la décision du 29 novembre 2019 par laquelle la directrice générale déléguée en charge du pôle produits réglementés de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a refusé de renouveler l'autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Roundup Vision de la société Monsanto SAS, ensemble le rejet implicite de son

recours gracieux formé le 24 janvier 2020, d'autre part d'enjoindre au directeur général de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Bayer Seeds SAS a demandé au tribunal administratif de Lyon d'une part, d'annuler la décision du 29 novembre 2019 par laquelle la directrice générale déléguée en charge du pôle produits réglementés de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a refusé de renouveler l'autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Roundup Vision de la société Monsanto SAS, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux formé le 24 janvier 2020, d'autre part d'enjoindre au directeur général de l'ANSES, sous astreinte, de lui délivrer l'autorisation renouvelée de mise sur le marché du produit Roundup Vision, et de modifier son résumé d'évaluation intitulé " registration report " en ligne sur le site commission européenne-CIRCABC avec information aux Etats membres de la zone, en particulier les parties A et B6, pour y faire figurer en toutes lettres que l'invalidation de l'étude in vitro micronoyau est le résultat d'une spécificité nationale d'évaluation qui ne saurait à ce stade être pertinente pour les autres Etats membres de la zone et que, de ce fait, le potentiel génotoxique de la préparation doit être regardé comme caractérisé et qualifié d'absent, au regard des règles communes d'évaluation dans la zone administrative sud.

Par un jugement n° 2006181 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2022 et des mémoires en réplique enregistrés les 20 juillet 2023, 25 janvier 2024 et 22 mars 2024, la société Bayer Seeds SAS, venant aux droits de la société Monsanto SAS, représentée par Me Nigri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 juin 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 29 novembre 2019 susmentionnée ;

3°) d'enjoindre à l'ANSES de lui délivrer l'autorisation renouvelée de mise sur le marché du produit Roundup Vision, et de modifier son résumé d'évaluation intitulé " registration report " en ligne sur le site commission européenne-CIRCABC avec information aux Etats membres de la zone, en particulier les parties A et B6, pour y faire figurer que l'invalidation de l'étude in vitro micronoyau est le résultat d'une spécificité nationale d'évaluation qui ne saurait à ce stade être pertinente pour les autres Etats membres de la zone et que, de ce fait, le potentiel génotoxique de la préparation doit être regardé comme caractérisé et qualifié d'absent, au regard des règles communes d'évaluation dans la zone administrative sud, ou toute autre mention de l'ANSES avec effet analogue ou équivalent, dans le délai d'un mois et sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en s'abstenant d'indiquer les raisons de fait conduisant à considérer que la nouvelle étude fournie par le pétitionnaire n'aurait pas établi l'absence de potentiel génotoxique du produit, et donc en s'abstenant ainsi de se prononcer de façon précise sur le moyen tiré de ce que le Roundup Vision satisfaisait bien aux conditions requises par l'article 29 du Règlement 1107/2009 quant à l'absence de risque à cet égard pour la santé humaine, le tribunal administratif de Lyon n'a pas, sur ce point, assorti sa décision d'une motivation suffisante et s'est mépris sur l'étendue de son office ;

- la nouvelle approche adoptée par l'ANSES pour évaluer la validité des tests proposés imposait le respect du principe du contradictoire ; l'ANSES a méconnu l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- si l'ANSES entendait, au cours de l'évaluation, modifier le niveau de preuve requis pour certaines études, elle devait alors mettre en mesure le demandeur, comme elle en a la prérogative en application du document guide de 2017, de compléter son dossier dans un délai raisonnable, à la lumière des dispositions de l'article 43 du Règlement 1107/2009 et de manière générale, des exigences inhérentes au principe de sécurité juridique ;

- l'ANSES a ajouté un nouveau critère de validité du test de micronoyau in vitro, alors que l'analyse sur la distribution des données historiques des contrôles n'est pas prévue dans les critères de validité du test selon la ligne directrice OCDE applicable, qu'elle représente une approche très conservatrice pour la validation de l'étude en question, et qu'elle n'a pas été suivie par d'autres experts officiels ayant eu à se prononcer sur les conclusions de l'étude fournie à l'appui de la demande de renouvellement ;

- elle a rapporté, dans le cadre de la procédure d'évaluation et d'autorisation en vue du renouvellement de l'autorisation de mise sur le marché du Roundup Vision, la preuve de l'absence d'effet génotoxique de son produit ;

- l'effet utile de l'annulation sollicitée commandait au juge de l'excès de pouvoir de porter son appréciation sur le risque en cause, à la date de sa décision, c'est-à-dire en tenant compte du dernier état des données scientifiques produites ;

- elle s'en réfère aux moyens qu'elle a développés en première instance.

Par des mémoires en défense enregistrés les 1er juin 2023, 7 décembre 2023 et 6 mars 2024, l'ANSES, représentée par Me Holleaux, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Bayer Seeds SAS une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la société Bayer Seeds SAS ne sont pas fondés et se réfère également à ses moyens de défense développés en première instance.

Par une ordonnance du 27 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 17 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, et notamment la Charte de l'environnement ;

- le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Rémy-Néris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Nigri, représentant la société Bayer Seeds SAS et celles de Me Le Gall, représentant l'ANSES.

Considérant ce qui suit :

1. La société Monsanto SAS, détentrice d'une autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Roundup Vision contenant la substance active glyphosate délivrée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) le 20 juillet 2016, a sollicité auprès de cette agence le renouvellement de cette autorisation le 29 janvier 2018 à la suite de l'adoption du règlement d'exécution UE n° 2017/2324 du 12 décembre 2017 portant renouvellement de l'approbation de la substance active glyphosate. Par une décision du 29 novembre 2019, la directrice générale déléguée en charge du pôle " produits réglementés " de l'ANSES a refusé de faire droit à cette demande. La société Bayer Seeds SAS, venant aux droits de la société Monsanto SAS, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, ainsi que de celle rejetant le recours gracieux qu'elle a formé le 24 janvier 2020.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de se déterminer au regard de l'ensemble des données scientifiques disponibles à la date à laquelle celui-ci a été pris, sans tenir compte d'études scientifiques postérieures, lesquelles sont sans incidence sur la légalité de l'acte contesté et seulement susceptibles, si elles remettent en cause l'appréciation initialement portée, d'imposer aux autorités compétentes d'en tirer les conséquences.

3. Pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 29 du règlement n° 1107/2009 en l'absence alléguée de risque pour la santé humaine, le tribunal a retenu, au point 8 de son jugement, que la circonstance, qui n'était au demeurant pas établie, qu'une nouvelle étude de micronoyau in vitro réalisée postérieurement aux décisions contestées, au cours de l'année 2020 et conformément aux principes d'acceptabilité, confirmerait l'absence d'effet génotoxique de la préparation Roundup Vision, était dépourvue d'incidence sur la légalité de ces décisions alors que la potentialité d'un tel effet ne pouvait être exclue à la date à laquelle elles ont été prises. Ce faisant, il a écarté comme inopérant l'argument selon lequel l'existence d'une étude scientifique postérieure aurait démontré l'absence d'effet génotoxique du produit dont le renouvellement de l'autorisation de mise sur le marché était demandé. En outre, et contrairement à ce qui est soutenu par la requérante, le tribunal a détaillé au point 7 de ce même jugement les raisons pour lesquelles le moyen tiré de l'erreur d'appréciation devait être écarté. Pour l'ensemble de ces motifs, il n'a pas méconnu la portée de son office.

4. Par suite, la société Bayer Seeds SAS n'est pas fondée à soutenir que le jugement en litige serait irrégulier sur ces points.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. D'une part, il résulte des dispositions du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques que la commercialisation et l'utilisation de tels produits, sur le territoire d'un Etat membre de l'Union européenne, n'est possible qu'après approbation des substances actives, phytoprotecteurs et synergistes qu'ils contiennent par la Commission européenne, au regard du projet de rapport d'évaluation établi par l'Etat membre rapporteur et des conclusions adoptées par l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaire, et après autorisation de mise sur le marché et utilisation par l'autorité compétente de l'Etat membre concerné. Aux termes du paragraphe 3 de l'article 4 de ce règlement : " Un produit phytopharmaceutique, dans des conditions d'application conformes aux bonnes pratiques phytosanitaires et dans des conditions réalistes d'utilisation, satisfait aux conditions suivantes : (...) / b) il n'a pas d'effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine, y compris les groupes vulnérables, ou sur la santé animale, (...) ". Aux termes de l'article 29 de ce règlement, intitulé Conditions d'autorisation de mise sur le marché : " 1. Sans préjudice de l'article 50, un produit phytopharmaceutique ne peut être autorisé que si, selon les principes uniformes visés au paragraphe 6, il satisfait aux exigences suivantes : a) ses substances actives, phytoprotecteurs et synergistes ont été approuvés ; (...) / e) dans l'état actuel des connaissances scientifiques et techniques, il satisfait aux conditions prévues à l'article 4, paragraphe 3 ; (...). / 2. Le demandeur est tenu de prouver le respect des exigences énoncées au paragraphe 1, points a) à h). / 3. Le respect des exigences énumérées au paragraphe 1, point b) et points e) à h), est assuré par des essais et des analyses officiels ou officiellement reconnus, dans des conditions agricoles, phytosanitaires et environnementales correspondant à l'emploi du produit phytopharmaceutique en question et représentatives des conditions prévalant dans la zone où le produit est destiné à être utilisé. (...) / 6. Des principes uniformes d'évaluation et d'autorisation des produits phytopharmaceutiques comprennent les exigences énoncées à l'annexe VI de la directive 91/414/CEE et sont définis dans des règlements adoptés selon la procédure consultative visée à l'article 79, paragraphe 2, sans modifications substantielles. Les modifications ultérieures apportées à ces règlements sont adoptées en vertu de l'article 78, paragraphe 1, point c). (...) ". Aux termes de l'article 36 de ce même règlement : " 1. L'État membre examinant la demande procède à une évaluation indépendante, objective et transparente, à la lumière des connaissances scientifiques et techniques actuelles en utilisant les documents d'orientation disponibles au moment de la demande. Il donne à tous les États membres de la même zone la possibilité de faire part de leurs observations, qui seront examinées lors de l'évaluation. / Il applique les principes uniformes d'évaluation et d'autorisation des produits phytopharmaceutiques visés à l'article 29, paragraphe 6, pour déterminer, dans la mesure du possible, si le produit phytopharmaceutique satisfait aux exigences prévues à l'article 29 dans la même zone, lorsqu'il est utilisé conformément à l'article 55 et dans des conditions réalistes d'emploi ". Enfin, aux termes de l'article 43 de ce règlement, intitulé renouvellement de l'autorisation : " 1. L'autorisation est renouvelée sur demande de son titulaire, pour autant que les conditions fixées à l'article 29 soient toujours remplies. / 2. Dans les trois mois suivant le renouvellement de l'approbation d'une substance active, d'un phytoprotecteur ou d'un synergiste contenu dans le produit phytopharmaceutique, le demandeur fournit les informations suivantes : (...) b) toute nouvelle information devenue nécessaire en raison de modifications apportées aux exigences en matière de données ou aux critères; (...) d) toute information nécessaire pour démontrer que le produit phytopharmaceutique satisfait aux exigences énoncées dans le règlement concernant le renouvellement de l'approbation de la substance active, du phytoprotecteur ou du synergiste qu'il contient; (...) / ".

6. D'autre part, l'annexe 1 du règlement d'exécution UE n° 2017/2324 du 12 décembre 2017 portant renouvellement de l'approbation de la substance active glyphosate dispose que " pour la mise en œuvre des principes uniformes visés à l'article 29, paragraphe 6, du règlement CE n° 1107/2009, il est tenu compte des conclusions du rapport d'examen sur le glyphosate, et notamment de ses annexes I et II ", ledit rapport d'examen de la Commission européenne sur le glyphosate précisant notamment en pages 6-7 que " les Etats membres doivent s'assurer que le potentiel génotoxique des formulations contenant du glyphosate est pris en compte avant la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate ". Conformément à l'avis scientifique sur les stratégies d'essais de génotoxicité applicables à l'évaluation de la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, adopté par le comité scientifique de l'agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA - European Food Safety Authority) le 13 septembre 2011 et mis à jour le 3 octobre 2012, les détenteurs d'une autorisation de mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique contenant du glyphosate doivent désormais, pour en obtenir le renouvellement, évaluer le potentiel génotoxique de la préparation par la production de deux tests de génotoxicité. En l'espèce, l'ANSES a demandé la production d'un test de mutation inverse bactérienne réalisée suivant la ligne directrice de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) n° 471, et d'un test in vitro de micronoyau sur cellules de mammifères réalisée suivant la ligne directrice de l'OCDE n° 487 adoptée le 19 juillet 2016.

7. Il ressort des conclusions de l'évaluation préalable réalisée par l'ANSES le 28 octobre 2019 que le test de micronoyau in vitro fourni par la société ne pouvait être considéré comme valide, compte tenu de l'impossibilité d'utiliser les contrôles historiques du fait des recoupements des valeurs maximales des contrôles négatifs et des valeurs minimales des contrôles positifs. Pour refuser ensuite le renouvellement de l'autorisation de mise sur le marché de la préparation Roundup Vision par la décision attaquée du 29 novembre 2019, l'ANSES a estimé que les données fournies ne permettaient pas d'évaluer le potentiel génotoxique du produit, qu'un effet génotoxique ne pouvait dès lors être exclu, et que les conditions mentionnées à l'article 29 du règlement CE n° 1107/2009 n'étaient de ce fait pas respectées.

8. En premier lieu, pour contester l'appréciation de l'ANSES s'agissant de la validité du test micronoyau précité, la requérante soutient que les critères d'acceptabilité du test énoncés par la ligne directrice n°487 ne font pas mention d'une comparaison entre la distribution de l'historique des contrôles positifs et la distribution de l'historique des contrôles négatifs telle que l'a retenu l'ANSES au cours de l'évaluation de la préparation en cause et qu'elle n'a pu faire valoir de nouvelles études sur ce point. Toutefois, d'une part, contrairement à ce que la requérante soutient, le principe du contradictoire dont la requérante se prévaut au titre de la nouvelle approche adoptée par l'ANSES pour évaluer la validité des tests proposés ne repose sur aucune disposition de droit européen ou national, en particulier l'article 43 du règlement n° 1107/2009 portant sur le renouvellement de l'autorisation, et la requérante ne peut invoquer en l'espèce l'effet utile du règlement précité. En outre, et quand bien même les effets juridiques du retrait ou du non-renouvellement seraient en partie identiques, en ce qu'ils feraient obstacle à la commercialisation du produit sur le territoire concerné par l'effet de l'absence d'autorisation de mise sur le marché régulièrement soumise à réévaluation, elle ne peut davantage se prévaloir des dispositions de l'article 44 de ce même règlement, qui porte sur le régime juridique applicable au retrait et à la modification d'une autorisation, et qui est sans portée sur les obligations imposées à l'ANSES en ce qui concerne le renouvellement de l'autorisation dont les modalités sont définies à l'article 43 du même règlement, ainsi que les premiers juges l'ont retenu au point 6 de leur jugement. L'ANSES n'était pas davantage tenue de demander à la requérante des études supplémentaires, le document guide de décembre 2017 préparé par les Etats Membres de la zone Sud dont la SAS Bayer Seeds se prévaut au soutien de cet argument étant sans portée normative. Contrairement encore à ce que la société requérante soutient, l'ANSES ne s'est pas dotée d'une procédure contradictoire ni ne s'est liée par une pratique décisionnelle de recueil des observations préalables. Pour les mêmes motifs, la SAS Bayer Seeds n'est pas fondée à soutenir que la procédure suivie par l'ANSES aurait méconnu l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration portant sur la modification ou l'abrogation d'un acte. Enfin, le principe de sécurité juridique invoqué par la requérante au soutien du moyen tiré du vice de procédure est inopérant en l'état d'une part, d'une demande de renouvellement d'une autorisation de mise sur le marché, la décision initiale d'autorisation étant par principe et eu égard à son caractère temporaire, non créatrice de droit au-delà de la période d'autorisation, d'autre part, de l'exigence résultant du 2. de l'article 43 du règlement européen précité de présenter une demande de renouvellement dans les trois mois suivant le renouvellement de l'approbation d'une substance active décidé au niveau européen.

9. En deuxième lieu, il résulte des articles 4 et 29 du règlement n° 1107/2009 du Parlement Européen et du Conseil du 21 octobre 2009 relatif aux produits phytopharmaceutiques qu'il appartient au demandeur d'une autorisation de mise sur le marché de rapporter la preuve, notamment, de l'absence d'effet nocif immédiat ou différé de son produit sur la santé humaine. Les lignes directrices de l'OCDE pour les essais de produits chimiques ont pour objet de répertorier les tests les plus pertinents reconnus à l'échelle internationale et les méthodes d'essai utilisées par les gouvernements, l'industrie et des laboratoires indépendants afin d'identifier et de définir les dangers potentiels des nouvelles substances chimiques, préparations chimiques et mélanges chimiques et constituent un outil utile pour les professionnels dans les tests réglementaires de sécurité, de notification et d'enregistrement des produits chimiques. Ainsi que les premiers juges l'ont retenu au point 7 du jugement critiqué, l'ANSES a seulement usé de son pouvoir de contrôle de la cohérence des données historiques du test de micronoyau in vitro en litige, telles qu'elles lui étaient fournies dans le dossier à l'appui de la demande de renouvellement d'autorisation de mise sur le marché du Roundup Vision, conformément aux principes de la ligne directrice n° 487 de l'OCDE prévoyant d'ailleurs, au point 50, que les laboratoires utilisent des méthodes de contrôle afin de déterminer la variabilité de leurs données de témoins positifs et négatifs et de démontrer leur maîtrise de la méthodologie, et sans y ajouter un nouveau critère de validité de ce test. L'ANSES, qui a déduit de la variabilité des contrôles positifs et négatifs du test l'insuffisance de la méthode mise en œuvre par le laboratoire et l'incohérence des résultats, et par conséquent, le caractère non acceptable de l'étude produite par la société Bayer Seeds, n'a ni méconnu les référentiels opposables et le principe de sécurité juridique, ni modifié sans préavis les critères de validité des données historiques de contrôle. La circonstance que d'autres autorités des Etats membres n'aient pas une lecture identique des exigences imposées par la ligne directrice précitée et auraient validé le test proposé par la société Bayer Seeds ne suffit pas à remettre en cause l'exigence opposée par l'ANSES. Par suite, l'erreur d'interprétation dénoncée par la requérante n'est pas établie, quand bien même l'ANSES, qui détient la compétence pour se prononcer sur la demande de renouvellement au vu de l'état, contemporain de sa décision, des connaissances scientifiques et techniques ainsi qu'il résulte du e) du 1 de l'article 29 du règlement du 21 octobre 2009, aurait réalisé une analyse sur la distribution des données historiques des contrôles qui ne serait pas prévue dans les critères de validité du test selon la ligne directrice OCDE, présenterait une approche conservatrice pour la validation de l'étude et n'aurait pas été suivie par d'autres experts officiels ayant eu à se prononcer sur les conclusions de l'étude fournie à l'appui de la demande de renouvellement.

10. En troisième lieu, ainsi qu'il a été rappelé au point 2, la légalité de la décision de l'ANSES s'apprécie au regard de l'ensemble des données scientifiques disponibles à la date à laquelle elle a été prise. Les études qui lui sont postérieures, sans incidence sur sa légalité, sont, le cas échéant, seulement susceptibles d'imposer aux autorités compétentes de modifier sa décision. Au vu des considérations retenues au point 9, la nouvelle étude du 16 juin 2020 dont la SAS requérante se prévaut est sans influence sur la légalité des décisions contestées, l'ANSES faisant à bon droit valoir sur ce point que la société requérante conserve la possibilité de déposer une nouvelle demande d'autorisation de mise sur le marché de son produit comprenant la nouvelle étude et l'actualisation des données, susceptibles d'être prises en compte dans le cadre d'une nouvelle évaluation, conformément à l'article 36 du règlement précité.

11. Il résulte des points précédents que la société Bayer Seeds SAS n'a pas rapporté, dans le cadre de la procédure d'évaluation et d'autorisation en vue du renouvellement de l'autorisation de mise sur le marché du Roundup Vision, la preuve de l'absence d'effet génotoxique de son produit. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation commises par l'ANSES doivent être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Bayer Seeds SAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ANSES, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société Bayer Seeds SAS. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 2 000 euros à verser à l'ANSES.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Bayer Seeds SAS est rejetée.

Article 2 : La société Bayer Seeds SAS versera à l'ANSES une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bayer Seeds SAS et à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2025.

La rapporteure,

Emilie FelmyLe président,

Jean-Yves TallecLa greffière,

Michèle Daval

La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

No 22LY02323


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02323
Date de la décision : 04/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-11 Agriculture et forêts.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: Mme REMY-NERIS
Avocat(s) : NIGRI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-04;22ly02323 ?
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