Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 27 février 2024 par lequel le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par jugement n° 2400805 du 30 mai 2024, le tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 30 juin 2024, M. B... C..., représenté par Me Balima, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement et l'arrêté litigieux ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- la décision portant refus de séjour n'est pas suffisamment motivée ;
- l'auteur de la décision attaquée n'a pas préalablement procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnait les articles L. 580-1 à L. 581-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la Circulaire du 22 mars 2022 portant sur l'accueil des étudiants déplacés d'Ukraine bénéficiaires de la protection temporaire ;
- elle méconnaît le principe d'égalité de traitement entre déplacés de guerre ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale pour les mêmes motifs ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée.
M. B... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. D... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant de la République démocratique du Congo, relève appel du jugement du 30 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 27 février 2024 rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et l'interdisant de retour sur le territoire pour une durée d'un an.
2. En premier lieu, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre au détail de l'argumentation de la demande dont ils étaient saisis, ont suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté litigieux.
3. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse, qui mentionne l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, que le préfet de la Côte-d'Or, qui n'était pas tenu de faire état de chacun des justificatifs et arguments produits à l'appui de la demande dont il était saisi, a, contrairement à ce que prétend M. B... C..., préalablement procédé à un examen de sa situation particulière.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié (...) a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ".
5. Il ressort des termes de l'arrêté litigieux que M. B... C... n'a pas déposé de demande de titre de séjour. S'il mentionne dans ses motifs le rejet de sa demande d'asile et indique dans son dispositif que l'intéressé " n'est pas autorisé à résider en France au titre de l'asile ", il a nécessairement prononcé une obligation de quitter le territoire sur le fondement des dispositions précitées. Par suite, les conclusions de M. B... C... dirigées contre un prétendu refus de séjour sont sans objet et ne peuvent qu'être rejetées.
6. En quatrième lieu, le préfet de la Côte-d'Or, qui n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle et familiale de M. B... C..., a énoncé les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination. Par suite, M. B... C... n'est pas fondé à soutenir qu'elles ne seraient pas suffisamment motivées.
7. En cinquième lieu, il résulte du paragraphe 2 de l'article 2 de la décision d'exécution 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022, pris en application de l'article 5 de la directive 2001/55/CE et auquel se réfèrent les articles L. 581-2 et L. 581-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que pour pouvoir prétendre au bénéfice de la protection temporaire, les ressortissants de pays tiers autres que l'Ukraine doivent en principe être titulaires d'un titre de séjour permanent délivré conformément au droit ukrainien.
8. Si le paragraphe 3 de ce même article 2 étend cette protection à d'autres catégories de personnes, dont les ressortissants de pays tiers autres que l'Ukraine qui séjournaient régulièrement dans ce pays sans disposer d'un titre permanent, il se borne ce faisant à rappeler la faculté que tiennent les Etats membres de l'article 7 de la directive 2001/55/CE d'étendre le bénéfice de la protection à des catégories supplémentaires de personnes déplacées qui ne sont pas visées dans la décision du Conseil, lorsqu'elles sont déplacées pour les mêmes raisons et à partir du même pays ou de la même région d'origine, l'exercice d'une telle faculté supposant d'en informer immédiatement le Conseil et la Commission.
9. La mise en œuvre de cette faculté par les autorités françaises, transposée à l'article L. 581-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est subordonnée par l'article R. 581-18 du même code à l'adoption d'un arrêté conjoint du ministre chargé de l'immigration, du ministre de l'intérieur et du ministre des affaires étrangères, désignant les catégories de personnes concernées. Ce même article prévoit également l'information du Conseil et de la Commission par le ministre chargé de l'asile.
10. M. B... C..., qui se borne à se prévaloir d'un visa étudiant délivré par les autorités ukrainiennes, ne justifie pas être titulaire d'un titre de séjour permanent délivré conformément au droit ukrainien. Par ailleurs, en l'absence d'un arrêté interministériel pris sur le fondement de l'article R. 581-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne peut prétendre à la mise en œuvre de l'article L. 581-7 du même code et n'est pas fondé à soutenir qu'il pourrait se maintenir sur le territoire sous couvert de la protection temporaire.
11. En sixième lieu, M. B... C... soutient qu'en le privant du bénéfice de la protection temporaire, l'arrêté litigieux méconnaît le principe d'égalité de traitement garanti par le droit de l'Union européenne et le principe de non-discrimination, en tant qu'il ne prévoit pas le bénéfice de cette protection pour les ressortissants de pays tiers autres que l'Ukraine non titulaires d'un titre de séjour permanent. Toutefois, au regard de l'objet de la protection temporaire, dispositif exceptionnel visant, sur le fondement de normes minimales communes à tous les Etats membres, à assurer une protection immédiate en cas d'afflux massif de personnes déplacées ne pouvant rentrer dans leur pays d'origine, la différence de traitement entre les ressortissants de pays tiers autres que l'Ukraine, selon qu'ils sont titulaires d'un titre de séjour permanent ou non délivré par les autorités de ce pays, n'est en tout état de cause pas susceptible de caractériser une méconnaissance des principes invoqués.
12. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".
13. Si M. B... C... fait valoir qu'il a noué une relation avec une ressortissante française, qu'il a entamé des démarches pour poursuivre ses études en France et qu'il s'est intégré dans le cadre d'une église évangélique, il ressort des pièces du dossier qu'il est entré sur le territoire à l'âge de vingt-sept ans et n'est présent en France que depuis deux ans à la date de l'arrêté litigieux. Dans ces conditions, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, l'arrêté litigieux n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... C... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ainsi que, par les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
14. Il résulte de ce qui précède que M. B... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
15. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. B... C... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées.
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. B... C....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
M. Bertrand Savouré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.
Le rapporteur,
B. D...Le président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY01863