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20/03/2025 | FRANCE | N°22LY03448

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 20 mars 2025, 22LY03448


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Le centre hospitalier intercommunal-hôpitaux du Léman (CHI-HDL) a demandé au tribunal administratif de Grenoble, le cas échéant, après désignation d'un expert, en vue d'évaluer les parts de responsabilités et le préjudice correspondant à la dépose de la chape existante et à la repose d'une nouvelle chappe :



1°) de condamner solidairement les sociétés AUA Novarina F..., Cetralp, BET Ecohal et ESBA à lui verser la somme de 165 768,79 euros en indemnisation d

es désordres acoustiques affectant l'unité de production alimentaire centralisée (UPAC) de l'hôpital Ge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le centre hospitalier intercommunal-hôpitaux du Léman (CHI-HDL) a demandé au tribunal administratif de Grenoble, le cas échéant, après désignation d'un expert, en vue d'évaluer les parts de responsabilités et le préjudice correspondant à la dépose de la chape existante et à la repose d'une nouvelle chappe :

1°) de condamner solidairement les sociétés AUA Novarina F..., Cetralp, BET Ecohal et ESBA à lui verser la somme de 165 768,79 euros en indemnisation des désordres acoustiques affectant l'unité de production alimentaire centralisée (UPAC) de l'hôpital Georges Pianta de Thonon-les-Bains ;

2°) de condamner les sociétés Dalkia, Cunin et Spie industrie et tertiaire à lui verser la même somme au titre des mêmes désordres ;

3°) de condamner solidairement les sociétés BET Huguet, AUA Novarina F..., BET Ecohal et Cetralp à lui verser la somme de 662 305,32 euros correspondant à 60 % du préjudice subi au titre des désordres affectant les sols carrelés de l'UPAC et de condamner ces sociétés à assumer respectivement 10 %, 45 %, 5 % et 30 % du coût de ces désordres ;

4°) de condamner les sociétés Mignola Carrelages et KA2 à lui verser respectivement les sommes de 331 152,66 euros et 110 384,22 euros correspondant à respectivement 30 % et 10 % du préjudice subi au titre des désordres affectant les sols carrelés de l'UPAC ;

5°) de condamner la société Le bricoleur et, solidairement, les sociétés BET Huguet, AUA Novarina F..., BET Ecohal, Cetralp et ESBA, à lui verser la somme de 775 202,81 euros au titre des désordres affectant les sols souples ;

6°) de condamner solidairement les sociétés AUA Novarina F..., Cetralp, BET Ecohal et ESBA à prendre en charge la réalisation d'une UPAC provisoire ;

7°) de condamner les sociétés BET Huguet, AUA Novarina F..., Cetralp, BET Ecohal, ESBA, le bricoleur, Mignola carrelages et KA2 aux dépens, fixés à 44 026,19 euros, correspondant aux honoraires d'expertise ;

La société Cetralp a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à ce que le CHI-HDL soit condamné à lui verser la somme de 19 538,05 euros en règlement du solde du marché ;

Par jugement n° 1500743 du 27 septembre 2022, le tribunal a condamné la société Mignola carrelage à verser à la requérante la somme de 307 680 euros, solidairement les sociétés BET Huguet, AUA Novarina F..., Cetralp et BET Ecohal à lui verser la somme de 615 360 euros, mis à la charge de ces sociétés la somme de 12 094 euros correspondant aux honoraires d'expertise de M. C..., mis à la charge du CHI-HDL la somme de 24 835,61 euros correspondant aux honoraires d'expertise de M. D... et de M. B... et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour

I- Par requête enregistrée le 24 novembre 2022 sous le n° 22LY03448, mémoires enregistrés le 6 octobre 2023 et le 11 octobre 2024 et mémoire récapitulatif enregistré le 20 novembre 2024, le CHI-HDL, représenté par Me Charvin, demande à la Cour :

1°) le cas échéant, après organisation d'une nouvelle expertise, d'annuler le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande ;

2°) de condamner la société Le bricoleur et, solidairement, les sociétés AUA Novarina F..., Cetralp, BET Ecohal et ESBA à lui verser la somme de 775 202,81 euros au titre des désordres affectant les sols souples ;

3°) de condamner les sociétés Le bricoleur, Mignola carrelages et, solidairement, les sociétés AUA Novarina F..., Cetralp, BET Ecohal et ESBA à lui verser la somme de 2 945 698,53 euros au titre des travaux de réalisation d'une UPAC provisoire ;

4°) de condamner les sociétés BET Huguet, AUA Novarina F..., Cetralp, BET Ecohal, ESBA, le bricoleur aux dépens, liquidés à 44 934,51 euros et à 808,32 euros au titre des honoraires d'expertise de M. A... et à 13 915,50 euros au titre des honoraires d'expertise de M. B... ;

5°) de mettre à la charge des sociétés BET Huguet, AUA Novarina F..., Cetralp, BET Ecohal, ESBA, Mignola carrelages et le bricoleur la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les désordres affectant les sols souples n'étaient pas apparents à la réception et, à supposer qu'ils le soient, n'étaient pas apparus dans toute leur ampleur ;

- le groupement de maîtrise d'œuvre a commis une faute dans la direction et l'exécution des travaux, dans son devoir de conseil et au titre de l'assistance lors des opérations de réception ;

- une nouvelle expertise est nécessaire pour évaluer le préjudice consistant à la nécessité de déposer et reposer une chape ;

- la garantie décennale implique l'indemnisation de l'entier préjudice, incluant la réalisation d'une UPAC provisoire ;

- elle n'est pas partie perdante et ne doit donc supporter aucun frais d'expertise ;

- le tribunal aurait dû l'indemniser de l'intégralité de ses frais d'avocat et d'huissier ainsi que du coût de réparation des roues d'un Fenwick et ceux de la pose d'une plaque PVC ;

- les membres du groupement de maîtrise d'œuvre sont tous solidairement responsables y compris en ce qui concerne les désordres sur lesquels une partie d'entre eux ne sont pas intervenus ;

- en ce qui concerne les sols carrelés, la répartition du forfait de rémunération doit être appliquée aux membres du groupement de maîtrise d'œuvre ;

- les demandes de paiement des factures adressées par la société Cetralp n'ont pas été adressées conformément aux stipulations du marché.

Par mémoires enregistrés le 13 février 2023, le 8 janvier 2024 et le 16 août 2024 et mémoire récapitulatif enregistré le 18 novembre 2024, la société BET Huguet, représentée par Me Berg, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il la condamne et de rejeter les conclusions du CHI-HDL et celles présentées à son encontre par les autres défendeurs en première instance ;

2°) de condamner les sociétés AUA Novarina F..., Cetralp, BET Ecohal et ESBA à la garantir de toute condamnation ;

3°) de mettre à la charge du CHI-HDL, des sociétés AUA Novarina F..., Cetralp, BET Ecohal et ESBA le versement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Elle n'était pas en charge du suivi du lot carrelages, notamment en ce qui concerne la mission EXE et la motivation du jugement procède d'un renversement de la charge de la preuve sur ce point ;

- les désordres affectant les sols souples étaient apparents à la réception ;

- subsidiairement, elle n'a commis aucun manquement contractuel au titre de ces désordres ;

- la répartition des taches a été fixée au contrat de sorte qu'elle n'est pas tenue par la solidarité envers les autres membres du groupement ;

- les sociétés AUA Novarina F..., Cetralp et BET Ecohal ont commis des fautes de sorte qu'elles doivent les garantir de toute condamnation ;

- elle n'a commis aucune faute ne justifiant qu'elle soit appelée en garantie.

Par mémoire enregistré le 8 juillet 2024 et mémoire récapitulatif enregistré le 3 décembre 2024, la société BET Ecohal, représentée par la SCP Bessault Madjeri Saint-André, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il la condamne et de rejeter les conclusions du CHI-HDL et celles présentées à son encontre par les autres défendeurs en première instance ;

2°) de condamner les sociétés Le bricoleur, Mignola carrelages, BET Huguet, AUA Novarina F..., Cetralp et ESBA à la garantir de toute condamnation ;

3°) de mettre à la charge du CHI-HDL le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les désordres relatifs aux carrelages sont exclusivement imputables au procédé de pose de la société Mignola carrelages et sont sans lien avec sa mission ;

- il ne relevait pas de sa mission de s'assurer de l'exécution des lots techniques ;

- les désordres concernant les sols souples sont sans lien avec sa mission ;

- la nouvelle expertise sollicitée par le CHI-HDL est frustratoire ;

- elle ne saurait être condamnée au titre de la dépose et la repose de la chape, dès lors que celle-ci est conforme aux règles de l'art ;

- le montant demandé au titre de l'indemnisation d'une UPAC provisoire est surévalué dès lors que le chiffrage retenu résulte du comportement du centre hospitalier intercommunal-hôpitaux du Léman et il n'est que partiellement en lien avec les désordres relatifs aux carrelages ;

- le centre hospitalier ne rapporte pas la preuve que ce chef de préjudice doive être indemnisé pour son montant toutes taxes comprises ;

- elle n'a commis aucune faute ne justifiant qu'elle soit appelée à garantir les autres parties au litige ;

- les sociétés BET Huguet, Cetralp, BET Ecohal, ESBA, le bricoleur, Mignola carrelages, KA2 et Dalkia ont commis des fautes justifiant qu'elle les appelle en garantie ;

Par mémoire enregistré le 3 octobre 2024, la société Cetralp, représentée par la Selarl Cabinet C... Favet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il la condamne et de rejeter les conclusions du CHI-HDL et celles présentées à son encontre par les autres défendeurs en première instance ;

2°) d'annuler le jugement en tant qu'il rejette sa demande tendant à la condamnation le CHI-HDL à lui verser la somme de 19 538,05 euros au titre du solde du marché, outre les intérêts au taux légal et leur capitalisation et de faire droit à cette demande ;

3°) de condamner les sociétés Mignola carrelages, KA2, le bricoleur, Bonglet, BET Huguet, AUA Novarina F..., BET Ecohal et ESBA à la garantir de toute condamnation ;

4°) de mettre à la charge du CHI-HDL et des sociétés Mignola carrelages, KA2, le bricoleur, Bonglet, BET Huguet, AUA Novarina F..., BET Ecohal et ESBA le versement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les désordres relatifs aux carrelages et aux sols souples sont dus au procédé de pose de la chape sans lien avec sa mission et ne relèvent pas de la solidarité contractuelle ;

- il ne relevait pas de sa mission de s'assurer de l'exécution des lots techniques ;

- les désordres concernant les sols souples sont sans lien avec sa mission ;

- ses demandes reconventionnelles sont en lien avec la demande principale du CHI-HDL ;

- elles sont fondées dès lors que le maître d'ouvrage n'a pas intégralement réglé le solde du marché ;

- La nouvelle expertise sollicitée par le CHI-HDL du Léman est frustratoire ;

- elle ne saurait être condamnée au titre de la dépose et la repose de la chape qu'à concurrence des parts de responsabilité retenues ;

- elle n'a commis aucune faute ne justifiant qu'elle soit appelée à garantir les autres parties au litige ;

- les sociétés BET Huguet, Cetralp, BET Ecohal, ESBA, le bricoleur, Bonglet, Mignola carrelages, KA2 et Dalkia ont commis des fautes justifiant qu'elle les appelle en garantie ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 25 février 2025, présentée par le CHI-HDL ;

II- Par requête enregistrée le 25 novembre 2022 sous le n° 22LY03451, et mémoire enregistré le 27 mars 2023, M. F..., en sa qualité de mandataire ad hoc de la société AUA Novarina F..., représenté par la SELARL Symchowicz-Weissberg et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il la condamne ;

2°) de rejeter les conclusions dirigées contre elle ;

3°) de condamner les sociétés BET Huguet, Cetralp, BET Ecohal, ESBA, le bricoleur, Mignola carrelages, KA2 et Dalkia à la garantir de ses condamnations ;

4°) de mettre à la charge du CHI-HDL la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la réponse du jugement à sa demande tendant à être garantie par le BET Huguet est insuffisamment motivée ;

- le désordre relatif aux nuisances sonores ne rend pas l'ouvrage impropre à sa destination et ne relève donc pas de la garantie décennale ;

- les désordres concernant les sols souples étaient apparents à la date de la réception de sorte qu'ils n'entrent pas dans le champ de la garantie décennale ;

- les désordres relatifs aux carrelages sont exclusivement imputables au procédé de pose de la société Mignola carrelages ;

- elle ne saurait être condamnée simultanément au titre de sa mission DET et AOR ;

- il ne relevait pas de sa mission de s'assurer de l'exécution des lots techniques ;

- elle ne saurait être condamnée au titre de la dépose et la repose de la chape, dès lors que celle-ci est conforme aux règles de l'art ;

- la nouvelle expertise sollicitée par le CHI-HDL est frustratoire ;

- elle n'a commis aucune faute quant à son devoir de conseil au cours des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement ;

- subsidiairement la responsabilité du groupement quant aux désordres relatifs aux sols carrelés ne saurait être engagée qu'au titre du suivi des travaux et non d'un vice de conception et dans ce cadre, sa responsabilité ne saurait excéder 30 % ;

- les travaux correspondant aux sols souples doivent donner lieu, au plus, à une indemnisation de 525 680 euros correspondant à l'évaluation de l'expert M. B..., sans prise en compte de la dépose et de la repose d'une chape et sans l'indemnisation d'une UPAC provisoire, dont le montant a été évalué par un sapiteur souffrant d'un défaut d'impartialité et alors que d'autres solutions provisoires possibles étaient moins onéreuses et que la volonté de créer cette unité n'est pas établie ;

- les sociétés BET Huguet, Cetralp, BET Ecohal, ESBA, le bricoleur, Mignola carrelages, KA2 et Dalkia ont commis des fautes justifiant qu'elle les appelle en garantie ;

Par mémoires enregistrés le 17 février 2023 et le 16 août 2024 et mémoire récapitulatif enregistré le 18 novembre 2024, la société BET Huguet, représentée par Me Berg, présente des conclusions et des moyens identiques à celles présentées dans l'instance n° 22LY03448 ;

Elle soutient en outre que la requête de la société AUA Novarina F... est irrecevable, la désignation du mandataire ad hoc par le tribunal de commerce étant postérieure à son introduction ;

Par mémoire enregistré le 8 juillet 2024 et mémoire récapitulatif enregistré le 3 décembre 2024, la société BET Ecohal, représentée par la SCP Bessault Madjeri Saint-André, présente des conclusions identiques à celles présentées dans l'instance n° 22LY03448 ;

Par mémoire enregistré le 3 octobre 2024, la société Cetralp, représentée par la Selarl Cabinet C... Favet, présente des conclusions identiques à celles présentées dans l'instance n° 22LY03448 ;

Par mémoire récapitulatif enregistré le 19 novembre 2024, M. F..., en sa qualité de mandataire ad hoc de la société AUA Novarina F..., conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures.

Il soutient en outre que la fin de non-recevoir opposée par le BET Huguet est infondée, dès lors qu'il dispose d'un mandat de représentation en qualité de mandataire ad hoc ;

Par mémoire enregistré le 16 janvier 2025, la société Dalkia, représentée par Me Charpin, avocat, conclut au rejet des appels en garantie dirigés contre elle et à ce qu'il soit mis à la charge des sociétés AUA Novarina F... et du CHI-HDL la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les désordres acoustiques ne relèvent pas de la garantie décennale et ne sauraient donc que se rattacher à la garantie de parfait achèvement qui est prescrite ;

- elle n'a reçu aucune rémunération au titre de ces travaux et n'est pas contractuellement solidaire de la société BGR-Lions ;

- il n'y a pas de lien de causalité entre le choix de la variante et la survenance des désordres, qu'elle n'a d'ailleurs pas conçue ;

- le désordre n'aurait pas eu lieu si une étude acoustique préalable avait été prévue ;

- le préjudice chiffré par le CHI-HDL est surévalué ;

III- Par requête enregistrée le 28 novembre 2022 sous le n° 22LY03454, mémoire enregistré le 16 août 2024 et mémoire récapitulatif enregistré le 18 novembre 2024, la société BET Huguet, représentée par Me Berg, présente des conclusions et des moyens identiques à celles présentées dans l'instance n° 22LY03448.

Par mémoire enregistré le 8 juillet 2024 et mémoire récapitulatif enregistré le 3 décembre 2024, la société BET Ecohal, représentée par la SCP Bessault Madjeri Saint-André, présente des conclusions identiques à celles présentées dans l'instance n° 22LY03448 ;

Par mémoire enregistré le 3 octobre 2024, la société Cetralp, représentée par la Selarl Cabinet C... Favet, présente des conclusions identiques à celles présentées dans l'instance n° 22LY03448.

IV- Par requête enregistrée le 28 novembre 2022 sous le n° 22LY03459 et mémoire récapitulatif enregistré le 3 octobre 2024, la société Cetralp, représentée par la Selarl Cabinet C... Favet, présente des conclusions identiques à celles présentées dans l'instance n° 22LY03448.

Par mémoire enregistré le 8 juillet 2024 et mémoire récapitulatif enregistré le 3 décembre 2024, la société BET Ecohal, représentée par la SCP Bessault Madjeri Saint-André, présente des conclusions identiques à celles présentées dans l'instance n° 22LY03448.

Par mémoires enregistrés le 17 février 2023 et le 16 août 2024 et mémoire récapitulatif enregistré le 18 novembre 2024, la société BET Huguet, représentée par Me Berg, présente des conclusions et des moyens identiques à celles présentées dans l'instance n° 22LY03448.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office, l'irrecevabilité :

- en première instance des conclusions reconventionnelles de la société Cetralp, qui relèvent d'un litige distinct du litige principal ;

- de l'appel en garantie de la société BET Ecohal, nouveau en appel ;

- des appels provoqués dans l'hypothèse où la situation de leurs auteurs ne serait pas aggravée à l'issue de l'examen des appels principaux ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;

- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestations de droit privé

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Savouré,

- les conclusions de Mme Christine Psilakis,

- les observations de Me Charvin pour le CHI-HDL, celles de Me Keravel pour la société AUA Novarina F..., celles de Me Berg pour la société BET Huguet, celles de Me Perrier pour la société Cetralp et celles de Me Madjeri pour la société Ecohal ;

Considérant ce qui suit :

1. En vue d'édifier une unité de production alimentaire commune (UPAC), destinée à la fabrication de 4 000 repas par jour pour l'ensemble de ses établissements, implantée à proximité de l'hôpital Georges Pianta de Thonon-les-Bains, le CHI-HDL a attribué, le 16 novembre 2005, un marché de maîtrise d'œuvre à un groupement composé de la société BET Huguet, bureau d'études fluides, mandataire, des sociétés AUA Novarina F..., architecte et économiste, Cetralp, second bureau d'études fluides, BET Ecohal, bureau d'études cuisine et ESBA, bureau d'étude structure. Le lot n° 10 sols souples a été confié à la société sols confort, devenue depuis société Le bricoleur, le lot n° 11 carrelages faïences chapes à la société Mignola carrelages et les lots n° 17 chauffage-ventilation-carrelage et n° 18 plomberie à la société Dalkia. Les travaux ont été réceptionnés le 27 janvier 2009.

2. Ayant fait état de désordres affectant les carrelages dont étaient revêtus les espaces de stockage, les sols souples dont étaient revêtus les espaces de confection et l'acoustique de la chaufferie, le CHI-HDL a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble de trois demandes d'expertise. Un premier expert, M. E... a été désigné par ordonnance du 9 février 2010 en ce qui concerne les désordres affectant le carrelage. Un second expert, M. D..., a été désigné par ordonnance du 23 décembre 2010 en ce qui concerne les désordres acoustiques. Enfin, à la suite du décès de M. E..., M. C... a été désigné en remplacement et l'expertise a été étendue aux désordres portant sur les sols souples, cette partie de l'expertise étant confiée à M. B.... Les rapports de de M. D..., de M. B... et de M. C... ont été respectivement déposés le 25 juin 2013, le 2 février 2016 et le 14 novembre 2019. Par ordonnances du 5 novembre 2020 et du 25 mars 2021, un nouvel expert, M. A..., a été désigné en vue d'évaluer l'entièreté du préjudice et notamment de chiffrer le coût d'installation d'une UPAC provisoire. Ce dernier a déposé son rapport le 27 décembre 2023.

3. Saisie par le CHI-HDL d'une demande indemnitaire sur la base des trois premiers rapports, le tribunal administratif de Grenoble, par jugement du 27 septembre 2022, après avoir estimé que la dernière expertise diligentée n'était pas utile à la résolution du litige, a, d'une part, condamné la société Mignola carrelage à lui verser la somme de 307 680 euros, d'autre part, condamné solidairement les sociétés BET Huguet, AUA Novarina F..., Cetralp et BET Ecohal à lui verser la somme de 615 360 euros et enfin mis à la charge de ces dernières la somme de 12 094 euros correspondant aux honoraires d'expertise de M. C..., tandis que la somme de 24 835,61 euros correspondant aux honoraires d'expertise de M. D... et de M. B... était laissée à la charge du CHI-HDL. Le tribunal a rejeté le surplus des conclusions des parties, incluant les conclusions reconventionnelles par lesquelles la société Cetralp demandait que le CHI-HDL soit condamné à lui verser la somme de 19 538,05 euros en règlement du solde du marché et les appels en garantie formés par l'ensemble des parties. Par requête enregistrée sous le n° 22LY03448, le CHI-HDL interjette appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à ses demandes s'agissant des sols souples et des préjudices liés à l'installation d'une UPAC provisoire et des travaux de pose et de repose de la chape existante. Par trois requêtes enregistrées respectivement sous les nos 22LY03451, 22LY03454 et 22LY03459, la société AUA Novarina F..., la société Cetralp et la société BET Huguet interjettent appel de ce jugement en tant qu'il leur est défavorable. Les sociétés BET Ecohal et Dalkia contestent également ce jugement par la voie d'appels incidents et provoqués. Il y a lieu de joindre ces requêtes, qui portent sur le même jugement, pour y statuer par un seul et même arrêt.

Sur la recevabilité des conclusions reconventionnelles de la société Cetralp :

4. Les conclusions de la société Cetralp tendant à ce que le CHI-HDL soit condamné à lui verser les acomptes et le solde de son marché reposent sur une cause juridique distincte des conclusions présentées à titre principal sur le fondement de la garantie décennale et sont donc irrecevables.

Sur la régularité du jugement :

5. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

6. Le tribunal a rejeté les conclusions à fin d'appel en garantie de la société AUA Novarina F... à l'encontre des sociétés Cetralp et BET Huguet en estimant qu'elle s'abstenait de faire la démonstration des fautes commises par ces dernières. Ce faisant, le tribunal a exposé le motif qui l'a conduit a rejeter la demande dont il était saisi et satisfait aux exigences de l'article L. 9 précité.

Sur les désordres affectant les sols souples :

7. Il résulte de l'instruction que dès le mois de juillet 2009, des phénomènes de cloquage sont apparus sur les sols souples tandis que les joints entre les lés se sont avérés altérés. Il a aussi été constaté que de l'eau stagnante liée à une pente insuffisante pour permettre l'évacuation des eaux de nettoyage vers les siphons rendait le nettoyage difficile, que la peinture s'écaillait et que des traces de rouille étaient apparues sur les châssis des cloisons industrielles, des huisseries des portes et du monte-charge. L'expert a relevé que les décollements et les déjointements du revêtement PVC étaient dus à un enduit sous-jacent inadapté qui ne permettait pas l'adhésion et au fait que le revêtement posé ne correspondait pas à un classement U4P4S, qui seul répond aux contraintes d'une cuisine d'hôpital. Il a indiqué que les produits de collage utilisés étaient sensibles à l'eau, ce qui était inadapté compte tenu de la présence d'humidité dans le support, le phénomène s'aggravant sous l'effet de la migration de l'eau sous le revêtement.

8. Si le procès-verbal de réception du 27 janvier 2009 était assorti de réserves concernant les joints des sols souples et s'il ressort également du tableau des désordres annexé en pièce H4 du rapport d'expertise que dès le 1er mars 2009, il avait été constaté que le revêtement se décollait et formait des cloques, aucun élément du dossier ne permet de tenir pour établi que les désordres étaient toujours apparents au jour de la signature, le 20 mai 2009, du procès-verbal de réception définitive. A ce titre, si le tribunal a relevé que ce procès-verbal mentionnait un devis non encore exécuté du 28 janvier 2009, il ne saurait en être déduit que les désordres en litige étaient apparents dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'il portait sur la réparation de désordres distincts survenus à la suite d'un départ de feu. Ainsi, le CHI-HDL est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions présentées sur le fondement de la garantie décennale en ce qui concerne ces désordres au motif qu'ils auraient été apparents.

9. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties sur ce désordre.

10. Tout d'abord, il résulte du rapport d'expertise que les altérations du sol et pollutions de surface au niveau des inox nuisent au bon fonctionnement de la cuisine puisque les opérations de lavage ne peuvent y être réalisées de façon optimale. En outre, la rétention d'eau, les phénomènes d'écaillage de peinture et la présence de produits d'oxydation peuvent potentiellement induire un risque sanitaire. Ni la société Cetralp, dans ses écritures de première instance comme d'appel, ni les autres défendeurs, qui sont réputés avoir abandonné les moyens soulevés en première instance à la suite de la production d'un mémoire récapitulatif, ne contestent le caractère décennal de ce désordre. Celui-ci est imputable à la société Le bricoleur, qui a procédé à la pose des sols souples et aux cotraitants de la maîtrise d'œuvre, tenus à la solidarité contractuelle, sans égard à leur participation individuelle, dès lors que comme en l'espèce, l'un au moins des membres du groupement a pris part à la conception et à la surveillance des travaux de pose des sols souples. Eu égard à la teneur de ses écritures, qui tendent à la condamnation de l'ensemble des intervenants à l'indemniser de l'intégralité de la somme, le CHI-HDL doit être regardé comme demandant la condamnation solidaire des sociétés membres de la maîtrise d'œuvre.

11. Ensuite, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise qu'alors que seul un revêtement disposant d'un classement UPEC U4P4S était adapté pour répondre aux exigences d'hygiène et aux contraintes d'une cuisine collective d'un hôpital, l'épaisseur des revêtements utilisés et la colle employée ne correspondent pas à une telle classification. L'expert a considéré que pour remédier au désordre, il convenait de procéder à la réfection totale de l'enduit de ragréage sur un support sec et de procéder à la pose d'un nouveau sol correspondant aux normes attendues dans un tel établissement, avec une colle adaptée. Il a évalué les travaux nécessaires incluant les missions de maîtrise d'œuvre, de coordination sécurité, de contrôle technique et de déplacement et de stockage du matériel à un montant total de 525 680 euros TTC soit 438 067 euros HT. Cette évaluation n'est pas contestée en défense. Le CHI-HDL, qui demande, d'une part la condamnation solidaire des membres du groupement de maîtrise d'œuvre au titre de la solidarité contractuelle et d'autre part celle de la société Le bricoleur pour la totalité des préjudices, doit être regardé comme invoquant la solidarité également pour cette dernière, dont l'intervention a concouru à l'intégralité du dommage. Par suite, il y a lieu de condamner solidairement ces derniers à verser cette somme.

12. Enfin, l'expert en charge du désordre lié aux sols souples, M. B..., a indiqué qu'il n'avait pas constaté d'altération majeure pour la pose d'un revêtement de sol souple, les pentes insuffisantes provoquant une stagnation d'eau qui n'était cependant pas selon lui la cause du désordre. Le CHI-HDL fait valoir que l'expert en charge du désordre lié aux carrelages, M. C..., sur les constatations de son sapiteur, a indiqué quant à lui que la chape a été réalisée au moyen de mortiers fabriqués sur le chantier alors qu'au moment de la réalisation de la chape, en janvier 2009, le DTU prévoyait depuis avril 2008 que les mortiers de chape devaient être livrés prêts à l'emploi. Toutefois, il ne ressort pas du rapport que cette non-conformité soit la cause des désordres, alors au demeurant qu'en application de l'article 23.1 du CCAG, les normes homologuées applicables sont celles en vigueur au premier jour du mois d'établissement du prix, soit en l'espèce le 15 février 2008. Par suite, il n'est pas établi que la destruction et la réfection de la chape est nécessaire pour remédier aux désordres. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de procéder à la désignation d'expert sollicitée par le CHI-HDL, les conclusions afférentes à ce chef de préjudice doivent être rejetées.

Sur les désordres affectant les sols carrelés :

13. Il résulte de l'instruction que dès le mois de juillet 2009, de fortes détériorations du carrelage sont apparues dans les zones de circulation et de déchargement, les réserves de stockage et les chambres froides. Ces désordres, dont le caractère décennal n'est pas contesté, sont imputables au groupement de maîtrise d'œuvre, dont les membres sont tenus à la solidarité contractuelle par les motifs exposés au point 10.

14. Outre les condamnations prononcées en première instance, le CHI-HDL demande à être indemnisé d'honoraires d'avocats qui ont dû être engagés en raison du désordre en litige, chiffrés à 50 263,20 euros et que le tribunal n'a admis qu'à concurrence d'un montant de 8 000 euros. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que, pour le surplus, ces frais aient été engagés pour une autre fin que l'assistance aux opérations d'expertise, laquelle relève de l'indemnité allouée, le cas échéant, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ils sont fondés à demander l'indemnisation des frais de constat d'huissier du 20 mai 2012, de réparation des roues d'un engin élévateur et de pose d'une plaque PVC, non contestés en défense et dont le CHI-HDL allègue qu'ils ont été engagés en raison de la survenance des désordres, pour un montant total de 1 638,82 euros HT. Il y a lieu de condamner les membres du groupement de maîtrise d'œuvre à verser 60 % de cette somme et la société Mignola carrelages à en verser 30 %, suivant la répartition non contestée fixée par le tribunal, soit respectivement 983,29 et 491,65 euros.

Sur l'UPAC provisoire :

15. En premier lieu, il résulte de l'instruction que pendant la durée des travaux, évaluée à 8 mois et demi, il sera nécessaire d'installer une UPAC provisoire pour assurer la continuité des services hospitaliers. Au cours de l'expertise, le CHI-HDL a d'abord proposé un emplacement sur le parking de l'hôpital à proximité immédiate avant d'indiquer que des travaux d'extension de l'hôpital avaient démarré et que l'emplacement envisagé, occupé par la base vie de ce chantier, était inutilisable. Le CHI-HDL a alors proposé un autre emplacement plus éloigné renchérissant le coût de l'installation. L'expert a évalué le coût de l'installation en fonction des deux hypothèses. Si, à la date du présent arrêt, les travaux sont achevés, il résulte de l'instruction que l'extension de l'hôpital qui en est résulté occupe désormais pour partie l'emplacement initialement prévu pour l'installation de l'UPAC. Ainsi, il y a lieu d'évaluer le préjudice en tenant compte du nouvel emplacement proposé. Si la société Illico, entreprise spécialisée dans l'installation et la location de cuisines provisoires, a proposé un devis de 1 851 818 euros HT, celui-ci a fait l'objet d'une discussion exclusive avec un prestataire du CHI-HDL et n'a pas été établi contradictoirement, alors que dans le même temps, celle-ci a écrit à l'expert que compte tenu du temps passé sur le projet, les frais de devis seraient offerts " à titre de prospection commerciale " si le projet aboutissait mais que dans le cas contraire elle serait contrainte de facturer le temps passé. A ce titre, quoique qualifiée de sapiteur par l'expert, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait été désignée par le président du tribunal conformément à l'article R. 621-2 du code de justice administrative, alors qu'en outre son comportement visant à obtenir la commande des prestations qu'il lui avait été demandé d'évaluer était entaché d'un manque d'impartialité. Le devis produit par cette société ne peut donc être considéré comme fiable. Les sociétés défenderesses ont quant à elles produit à l'occasion de dires d'expert un devis alternatif établi par la société Loca cuisine, pour un montant de 781 662 euros HT. Si, pour écarter ce devis, l'expert a fait grief à ces parties de n'avoir " jamais remis en question " le cahier des charges du CHI-HDL, c'est à la partie adverse qu'il revenait d'engager un débat contradictoire sur ce point, ce dont s'est abstenu le CHI-HDL qui n'a discuté que de l'emplacement et non des prestations attendues. Or si ce devis correspond à une prestation qualifiée d'économique et donc d'une qualité moindre que celle proposée par la société Illico, le CHI-HDL n'explique pas en quoi cette solution ne permettrait pas d'assurer un fonctionnement normal de l'hôpital pendant la durée des travaux. Au regard de l'ensemble de ces éléments, la société AUA F... est fondée à demander que la prestation soit évaluée sur la base du devis Loca cuisine de 781 662 euros. Elle n'est en revanche pas fondée à demander que l'indemnité soit limitée à l'évaluation de 300 000 euros retenue par M. C... lors de l'expertise concernant les carrelages, dès lors que ce devis ne portait que sur une durée de trois mois et était limité à l'espace de stockage de l'UPAC, sans évaluation du coût correspondant à l'espace de confection, au titre duquel M. B..., en charge de l'expertise relative aux sols souples, n'avait pas proposé d'évaluation.

16. En deuxième lieu, il y a lieu de retenir, conformément au rapport d'expert, une évaluation des travaux divers nécessaires à préparer le terrain pour l'installation de l'UPAC provisoire sur l'emplacement retenu au point précédent à 367 172 euros.

17. En troisième lieu, l'expert indique que son évaluation des frais de maîtrise d'œuvre concernant l'installation d'une UPAC provisoire s'est basée sur un taux retenu par l'expert M. B... qu'il estime lui-même " surévaluée ". Dès lors que la part la plus onéreuse de ce chef de préjudice correspond à l'installation de l'UPAC, qui sera pour l'essentiel supervisée par l'entreprise en charge de la prestation, il y a lieu de fixer l'ensemble des frais de maîtrise d'œuvre, de coordination de sécurité et de contrôle technique à 5 % du montant total soit 57 441,70 euros.

18. Il résulte de ce qui précède que le montant du préjudice correspondant à l'UPAC provisoire doit être évalué à un montant total de 1 206 275,70 euros. Le CHI-HDL, qui demande, d'une part la condamnation solidaire des membres du groupement de maîtrise d'œuvre au titre de la solidarité contractuelle et d'autre part celle des sociétés Le bricoleur et Mignola carrelages pour la totalité des préjudices, doit être regardé comme invoquant la solidarité également pour ces dernières, dont l'intervention a concouru à l'intégralité du dommage. Il y a lieu de condamner solidairement ces derniers à verser cette somme.

Sur l'inclusion de la TVA au montant d'indemnisation :

19. Le montant de l'indemnisation doit, lorsque la victime relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'elle a perçue à raison de ses propres opérations, être diminué du montant de la taxe ainsi déductible ou remboursable. En ce cas, il appartient à la victime, à laquelle incombe la charge d'apporter tous les éléments de nature à déterminer avec exactitude le montant de son préjudice d'établir, le cas échéant, à la date d'évaluation de ce préjudice, qu'elle n'est pas susceptible de déduire ou de se faire rembourser la taxe.

20. Il résulte de l'instruction que les repas préparés dans l'UPAC ne sont pas exclusivement destinés aux patients et que leur facturation est donc susceptible, pour partie, d'être assujettie à la TVA. Le CHI-HDL n'ayant pas répondu à la mesure d'instruction accomplie afin de déterminer cette quote-part, ne rapporte ainsi pas la preuve de ce que les désordres en litige devraient être indemnisés sur la base d'un montant incluant la taxe. La société BET Ecohal est ainsi fondée à soutenir que le montant de la condamnation doit être évalué sur une base hors taxe.

Sur les appels en garantie :

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la société BET Huguet à la société AUA Novarina F... ;

21. En premier lieu, les conclusions à fin d'appel en garantie présentées par la société BET Ecohal, qui n'avait pas produit de mémoire en première instance, sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.

22. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les désordres affectant les sols souples sont de façon prépondérante imputables à la société Le bricoleur, venant aux droits de la société Sols confort, qui a de sa propre initiative posé un revêtement ne correspondant pas à un classement U4P4S, pourtant prévu au CCTP et de manière subsidiaire à la société AUA Novarina F..., chargée de la supervision des travaux. Il sera fait une exacte appréciation de leurs parts de responsabilité en les fixant respectivement à 90 % et 10 %. Il ne résulte pas de l'instruction que les autres personnes intervenues sur le chantier aient commis une quelconque faute de nature à engager leur responsabilité. Les sociétés BET Huguet et Cetralp sont ainsi fondées à demander à être garanties par la société AUA Novarina F... à concurrence de 10 %, les sociétés AUA Novarina F... et Cetralp étant quant à elles fondées à demander à être garanties de leurs condamnations par la société Le bricoleur à hauteur de 90 %. Le surplus des appels en garantie afférant à ce chef de préjudice doit être rejeté.

23. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la non-conformité aux nouvelles normes de la chape posée soit à l'origine du désordre affectant les sols carrelés, ainsi qu'il a été dit au point 12. Il résulte de l'instruction que les désordres ont pour origine le fait qu'en méconnaissance du CCTP de son marché, la société Mignola carrelages n'a pas réalisé les talonnettes de support des cloisons et des chambres froides et a collé le carrelage sur une membrane d'étanchéité. En outre, le classement UPEC proposé pour le carrelage dans le CCTP n'était pas conforme à celui qui était requis pour une cuisine collective en domaine hospitalier. Contrairement à ce qui est indiqué dans le rapport d'expertise et quand bien-même le tableau de répartition des tâches figurant à l'acte d'engagement ne comportait pas de précision, le BET Ecohal, bureau d'études cuisine et le BET Huguet, bureau d'étude fluides ne sauraient être regardé, eu égard à leur domaine de compétence, comme ayant pu être en charge de la conception de l'ouvrage ou du suivi de l'exécution du chantier. La société BET Huguet en particulier ne saurait être regardée pour fautive au seul motif qu'elle était mandataire du groupement et il n'est établi par aucune partie que sa mission EXE portait sur le lot en litige alors qu'il revient aux autres membres du groupement d'établir qu'elle a commis une faute. Il résulte de l'instruction que les désordres ont pour origine principale les manquements aux règles de l'art de la part de la société Mignola et de son sous-traitant, la société KA2, qui a également participé à la pose du revêtement et, dans une moindre mesure, d'un manque de suivi du chantier par la société AUA Novarina F... et d'une erreur de définition des besoins quant au type de carrelage. Il sera fait une exacte appréciation des parts de responsabilité en les fixant à 30 % pour la société AUA Novarina F..., 50 % pour la société Mignola carrelages et 20 % pour la société KA2. Ainsi, les sociétés AUA Novarina F... et Cetralp sont fondée à demander la condamnation de la société KA2 à les garantir à hauteur de 20 % de leurs condamnations. Les sociétés AUA Novarina F... et Cetralp sont fondées à demander la condamnation de la société Mignola carrelages à les garantir à hauteur de 50 % de leurs condamnations. Les sociétés BET Huguet et Cetralp sont fondées à demander la condamnation de la société AUA Novarina F... à les garantir à concurrence de 30 % de leurs condamnations. Le surplus des appels en garantie afférant à ce désordre doit être rejeté.

24. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que les fautes mentionnées aux points 22 et 23 ont concouru de façon équivalente à la nécessité de mettre en place une UPAC provisoire. La charge de garantir l'indemnisation de ce chef de préjudice, soit 1 206 275,70 euros, doit par conséquent être supportée à parts égales, soit 603 137,85 euros, entre les constructeurs responsables des désordres affectant les sols souples et les constructeurs responsables des désordres affectant les sols carrelés, la répartition de ces deux quotes-parts devant s'opérer entre coauteurs de chaque désordre en fonction des responsabilités fixées aux points 22 et 23. En conséquence et d'une part, la société AUA Novarina F... doit être condamnée à garantir la société BET Huguet à concurrence de 10 %, la société Cetralp à concurrence de 10 %, tandis que la société Le bricoleur doit être condamnée à garantir la société AUA Novarina F... à concurrence de 90 %, et la société Cetralp à concurrence de 90 % de la somme de 603 137,85 euros représentative des frais d'installation de l'UPAC provisoire imputables à la réfection des sols souples. D'autre part, la société Mignola carrelages doit être condamnée à garantir la société AUA Novarina F... à concurrence de 50 %, la société Cetralp à concurrence de 50 % et la société BET Huguet à concurrence de 50 %, la société KA2 doit être condamnée à garantir la sociétés AUA Novarina F... à concurrence de 20 % et la société Cetralp à concurrence de 20 %, la société AUA Novarina F... doit être condamnée à garantir la société Cetralp à concurrence de 30 % et la société BET Huguet à concurrence de 30 % de la somme de 603 137,85 euros représentative des frais d'installation de l'UPAC provisoire imputables à la réfection des sols carrelés.

Sur les frais d'expertise :

25. Il résulte de ce qui précède que le CHI-HDL est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a mis à sa charge les frais de l'expertise de M. B..., liquidés à la somme totale de 13 915,50 euros, qui concernait les sols souples. En application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre ces frais à la charge de la société Le bricoleur, à concurrence de 90 % et de la société AUA Novarina F..., à concurrence de 10 %.

26. Il y a lieu pour la cour de statuer sur les frais d'expertise de M. A..., qui n'était pas achevée à la date du jugement. Dans les circonstances de l'espèce, dès lors qu'il résulte de l'instruction que sa durée, son coût et sa faible utilité pour la résolution du litige sont pour partie imputables au comportement du CHI-HDL, il y a lieu de maintenir à la charge de ce dernier 50 % des frais de cette expertise, liquidés à la somme de 44 934,51 euros, sans qu'il y ait lieu d'ajouter le complément d'honoraires de 808,32 euros dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il ait été liquidé. Le surplus de la charge de cette expertise sera supporté à concurrence de 10 % par la société AUA Novarina F..., 20 % par la société Mignola carrelages et 20 % par la société Le bricoleur.

Sur les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

27. Les conclusions présentées par les parties tenues aux dépens doivent être rejetées et il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les autres parties.

DÉCIDE :

Article 1er : Les sommes que la société BET Huguet, la société AUA Novarina F..., la société Cetralp, la société BET Ecohal, d'une part, et Mignola carrelage, d'autre part, ont été condamnées à verser au CHI-HDL en indemnisation des désordres affectant les sols carrelés par les articles 4 et 5 du jugement n° 1500743 du 27 septembre 2022 sont augmentées, respectivement de 491,65 euros et de 983,29 euros.

Article 2 : La société Le bricoleur, la société BET Huguet, la société AUA Novarina F..., la société Cetralp, la société ESBA et la société BET Ecohal sont condamnées solidairement à verser au CHI-HDL la somme de 438 067 euros en indemnisation des désordres affectant les sols souples.

Article 3 : La société Le bricoleur, la société Mignola carrelages, la société BET Huguet, la société AUA Novarina F..., la société Cetralp, la société ESBA et la société BET Ecohal sont condamnées solidairement à verser au CHI-HDL la somme de 1 206 275,70 euros en indemnisation des frais d'installation de l'UPAC provisoire.

Article 4 : Dans la limite des sommes mentionnées aux articles 4 et 5 du jugement n° 1500743 du 27 septembre 2022 et 1er du présent arrêt, la société Mignola carrelages est condamnée à garantir la société AUA Novarina F..., la société Cetralp et la société BET Huguet à concurrence de 50 % de la condamnation mise à la charge de chacune d'elles. La société KA2 est condamnée à garantir la société AUA Novarina F... et la société Cetralp à concurrence de 20 % de la condamnation mise à la charge de chacune d'elles. La société AUA Novarina F... est condamnée à garantir la société Cetralp et la société BET Huguet à concurrence de 30 % de la condamnation mise à la charge de chacune d'elles.

Article 5 : Dans la limite de la somme mentionnée à l'article 2 la société AUA Novarina F... est condamnée à garantir la société BET Huguet et la société Cetralp à concurrence de 10 % de la condamnation mise à la charge de chacune d'elles. La société Le bricoleur est condamnée à garantir la société AUA Novarina F... et la société Cetralp à hauteur de 90 % de la condamnation mise à la charge de chacune d'elles.

Article 6 : Dans la limite de 603 137,85 euros correspondant à la moitié de la somme mentionnée à l'article 3, la société AUA Novarina F... est condamnée à garantir la société BET Huguet et la société Cetralp à concurrence de 10 % de la condamnation mise à la charge de chacune d'elles. La société Le bricoleur est condamnée à garantir la société AUA Novarina F... et la société Cetralp à hauteur de 90 % de la condamnation mise à la charge de chacune d'elles.

Article 7 : Dans la limite de 603 137,85 euros correspondant à la moitié de la somme mentionnée à l'article 3, la société Mignola carrelages est condamnée à garantir la société AUA Novarina F..., la société Cetralp et la société BET Huguet à concurrence de 50 % de la condamnation mise à la charge de chacune d'elles. La société KA2 est condamnée à garantir la société AUA Novarina F... et la société Cetralp à hauteur de 20 % de la condamnation mise à la charge de chacune d'elles. La société AUA Novarina F... est condamnée à garantir la société Cetralp et la société BET Huguet à concurrence de 30 % de la condamnation mise à la charge de chacune d'elles.

Article 8 : Les frais d'expertise de M. B..., liquidés à la somme totale de 13 915,50 euros, sont mis à la charge de la société Le bricoleur, à concurrence de 90 %, et de la société AUA Novarina F..., à concurrence de 10 %.

Article 9 : Les frais d'expertise de M. A..., liquidés à la somme de 44 934,51 euros, sont mis à la charge du CHI-HDL à hauteur de 50 %, de la société AUA Novarina F... à hauteur de 10 %, de la société Mignola carrelages à hauteur de 20 % et de la société Le bricoleur à hauteur de 20 %.

Article 10 : Le jugement est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er à 9 ci-dessus.

Article 11 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 12 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés AUA Novarina F..., Cetralp, BET Huguet, BET Ecohal, Norisko construction, Ka2, Bernardi Isolation, Leon élévation, Bonglet, Dalkia, ESBA, Le Bricoleur, à Me Niogret, liquidateur judiciaire de la société Mignola carrelages et au centre hospitalier intercommunal hôpitaux du Léman (CHI-HDL).

Délibéré après l'audience du 20 février 2025, à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

M. Bertrand Savouré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2025.

Le rapporteur,

B. SavouréLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 22LY03448, 22LY03451, 22LY03454, 22LY03459


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03448
Date de la décision : 20/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : SARL CABINET LAURENT FAVET

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-20;22ly03448 ?
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